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« La consommation de vin bio est encore fragile »

Auteur

La
rédaction

Date

19.03.2013

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Rencontre avec Thomas Allewaert, négociant bordelais spécialisé dans le vin bio depuis 2007. Pour lui, le vin bio est encore un marché de niche en France : « on en parle plus qu’on en consomme… »

Le bio est à la mode. Respect de l’environnement et sécurité alimentaire font souvent la une de l’actualité et des magazines. Le vin n’échappe pas à ce mouvement de fond. « Mais il m’arrive de penser qu’on en parle plus qu’on en consomme… » s’amuserait presque Thomas Allewaert.

Ce Bordelais fut pionnier en créant dès 2007 une société de négoce uniquement spécialisée dans le commerce du vin biologique. Ce qui est encore très rare de nos jours. « Diplômé d’une école de commerce et après une étude de marché, j’y ai vu une opportunité intéressante. » C’est ainsi qu’est née Redsap (sève rouge, en anglais), désormais installée dans le quartier de la Bastide, à Bordeaux.

L’homme (qui travaille seul) a deux marchés prioritaires : l’Asie d’un côté et la Gironde (restaurants, cavistes…) de l’autre. « Japon, Taïwan et Hongkong me font vivre, la Chine continentale est plus compliquée pour vendre du bio. » Il s’approvisionne auprès d’une dizaine de viticulteurs bordelais (avec un cœur de marché à 6 euros la bouteille TTC départ propriété) et d’une quinzaine d’autres venant de divers vignobles hexagonaux.

Production à la hausse

« En France, le vin bio a deux types de clientèles : celle qui ne consomme pratiquement que du bio pour son alimentation (fruits, légumes…), et une autre qui choisit une bouteille bio pour elle-même. Le tout demeure toujours une petite niche », constate – un brin désabusé – Thomas Allewaert. « Au-delà des passionnés et des amateurs pointus, le marché ne s’est pas ouvert. Et du côté des restaurateurs, il n’y a pas beaucoup de prescripteurs. Par contre, les cavistes apportent leur pierre à l’édifice via un travail d’explication et de conseil », ajoute le professionnel.

Alors que la consommation se cherche un second souffle, la production de vin bio est de son côté à la hausse depuis des années. En France, 7 % des surfaces de vigne sont désormais cultivées de la sorte, avec en tête le Languedoc-Roussillon, suivi de la Provence et de la région Aquitaine.

Ces parcelles sont entretenues sans produits chimiques de synthèse et doivent respecter un cahier des charges régulièrement contrôlé par des organismes indépendants. Depuis l’an passé, il existe même des normes pour toute la phase des vinifications, ce qui n’était pas le cas autrefois.

« Je pense que nous allons vers un engorgement du marché des vins bio. Les conversions se multiplient dans les vignobles mais, en face, les consommateurs ne sont pas toujours là », regrette le fondateur de Redsap. Déjà, sur le marché du vrac, les tarifs payés aux producteurs sont orientés à la baisse.

« En bio, les rendements sont souvent plus bas qu’en viticulture conventionnelle, d’où des coûts de production plus élevés et donc le tarif des bouteilles aussi. Je ne crois pas que le bio y gagne à se battre sur le créneau des prix, par exemple à 4 euros au milieu des linéaires des supermarchés. Seule la qualité doit être l’objectif. Mais peu de consommateurs acceptent de passer de 4 à 7 euros sur l’autel du respect de l’environnement… Il y a toujours la logique du portefeuille. Donc, nous restons sur un marché de niche », martèle le Bordelais, qui va encore plus loin dans ses explications d’homme de terrain.

Image pas toujours claire

« La qualité des vins bio a beaucoup augmenté ces dernières années, mais son image reste encore fragile. » Une allusion à ces vins « rustiques », pas toujours bien maîtrisés au niveau œnologique, plutôt courants il n’y a pas si longtemps. Du coup, certains déçus d’autrefois n’osent plus y revenir alors que le niveau de ces vins s’est bien amélioré. « Et puis, pour beaucoup, le vin est naturel par définition ; ils ne voient pas ce que les méthodes du bio apporteraient de plus… »

Autant d’obstacles à surmonter pour l’essor de cette catégorie de bouteilles. En attendant, Thomas Allewaert va constituer, en complément, une gamme plus large avec des vins conventionnels. « Le milieu du bio est humainement enrichissant, mais je dois développer mon courant d’affaires. »

César Compadre