Accueil La Loire échappe au premier épisode de froid

Auteur

Isabelle
Bachelard

Date

05.04.2020

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Échaudés par plusieurs années de gel, les vignerons de Loire étaient sur le qui-vive toutes les nuits. Avec un froid sec, la semaine se termine sur un bilan positif. Une pause jusqu’aux prochaines offensives de gel, qui peuvent toucher tout le mois d’avril et le début de mai.

300 bougies pour un anniversaire, cela peut sembler généreux, surtout pour un futur vigneron de 17 ans. C’est pourtant sans gâteau et sans bouteille que Patrick Baudouin a célébré l’anniversaire de son fils Gustave, vers 6h30 au matin du 2 avril, dans ses vignes de Savennières.

Des bougies allumées en Anjou

Ensemble avec les vignerons de Savennières (Maine & Loire), ils ont allumé 300 bougies pour protéger les vignes du gel. « Cette nuit, il y avait plus d’humidité, je suis allé voir vers 5h, la température descendait et le risque était là », déclare le propriétaire du domaine qui porte son nom à Chaudefonds-sur-Layon. Le vice-président de l’Académie du Chenin explique que le vent qui a soufflé toute la semaine a été un allié, car le danger pour les bourgeons augmente avec l’humidité. Sur Savennières et ses 140 ha, les bougies sont installées depuis 15 jours « On a fait un groupe WhatsApp pour communiquer rapidement entre vignerons du secteur. La lutte repose sur le collectif et elle en crée » poursuit-il. Le résultat est probant, pas de dégâts ici, ni en Layon. En Anjou, certains vignerons utilisent aussi des fils chauffants et des éoliennes avec succès.

Vouvray a franchi le 1er obstacle de la saison

« Le commerce est à l’arrêt complet, mais une chance, on n’a pas gelé » déclare Philippe Foreau, du fameux Clos Naudin à Vouvray (Indre & Loire). Il semble heureux de décrocher un téléphone qui ne sonne guère en raison du confinement. La température frise les zéros, mais comme le sol est très sec, il n’y a pas de danger. Le président de l’appellation, Alain Le Capitaine, vigneron de Rochecorbon confirme : « Il a fait un froid de canard, mais pas de problème puisque les bourgeons n’ont pas encore trop démarré ». Le vent augmente l’impression de froid, de l’ordre d’un degré en moins par 10 km, donc avec un vent à 50 km/h le ressenti était de -5°C alors que le thermomètre affichait entre -1°C et + 1°C. Mais il ajoute que le pire est à attendre fin avril : « Notre métier, c’est des sauts d’obstacles qui se succèdent. Nous avons sauté le premier ». Sur les quelque 2 200 hectares de Vouvray en production, il y a environ 20% de zones sensibles au gel. Des bottes de paille sont en place sur des parcelles, mais elles n’ont pas encore été allumées cette année. Il y a aussi des bougies, mais très rares car elles sont très chères. Les éoliennes, certains en parlent. Les gels de 2012, 2016, 2017 et dans une moindre mesure 2018 sont proches dans les mémoires.

Dans les graviers de Chinon

A Chinon (Indre & Loire), il y a près 700 hectares de protégés contre le gel, sur un vignoble de 2 400 hectares ; la moitié environ y est sensible, sur les terrasses de la Vienne. Sur ces sols de graviers filtrants et avec l’eau de la rivière à disposition, le système d’aspersion est facile à mettre en oeuvre, mais il y a aussi des éoliennes. « En 2016 et 2017, tout le monde a subi les conséquences du gel. Avant c’était tous les dix ans, mais avec trois années sur quatre, les vignerons n’avaient plus d’autre choix que d’installer des solutions puissantes » déclare Francis Jourdan, vigneron à Cravant-les-Coteaux et président de l’appellation. Le thermomètre est descendu à -2,5°C, mais en conditions sèches, les protections ont suffi. Les vignerons sont tous mobilisés depuis le 26 mars. Ainsi Yves Plaisantin, du domaine Jaulin-Plaisantin, dans la même commune, explique-t-il l’organisation des vignerons : « Sur chaque ilot, chaque nuit il faut au moins deux ou trois personnes. S’il a des bougies, il faut les allumer et les éteindre ». Même les éoliennes ont besoin de brulots, car il faut une source de chaleur au sol pour que les pales réchauffent assez l’atmosphère. L’aspersion est efficace avec une mise en œuvre moindre. Les zones de coteaux et de plateaux moins exposées au gel, sont plus rarement protégées.

Vision environnementale à Amboise

« Moins 1 ou moins 2 ce matin sur Amboise, pas de problème » déclare Frédéric Plou, propriétaire du château de Montdomaine. Cela dure depuis une semaine, mais les bourgeons sont peu avancés entre « dans le coton et première feuilles étalées ». Il faudrait moins 4 degrés pour que cela gèle. A la tête avec sa femme Louisa de 28 hectares en appellation Touraine et Touraine-Amboise, il fait tout pour ne pas avoir recours à des moyens anti-environnementaux : « Intellectuellement, je ne peux pas contribuer à réchauffer l’atmosphère. On taille tard, on a commencé en janvier, on va tailler jusqu’au 15 avril. On ne plie pas les baguettes ». Ainsi ce sont les bourgeons sur les pointes qui vont sortir les premiers et qui souffriront s’il y a un coup de gel. Il explique que cela ne le gêne pas de tailler alors que des feuilles ont déjà poussé, qu’il est plus important de comprendre pourquoi la vigne a ce mois d’avance et poursuit : « A nous de trouver des solutions naturelles, les cépages, la taille, le palissage… C’est l’addition de pleins de petits facteurs qui peut jouer. A la limite, je préférerais mettre des cierges à l’église que des bougies dans les vignes ».

Crédits photos : Patrick Baudouin (pour Savennières Anjou) et AOC Chinon.