Jeudi 10 Octobre 2024
© Ana Solinis
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14.03.2024
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ARENI GLOBAL est un think tank consacré aux réflexions sur les « fine wines ». Sa présidente, Pauline Vicard, nous explique les défis que doivent relever les coopératives qui entendent jouer dans cette catégorie.
Certaines coopératives commencent à entrer dans la catégorie des fine wines. Pourtant, elles en ont longtemps été exclues, pourquoi ?
Un fine wine n’arrive pas par hasard. Dès le départ, il doit y avoir une vision, la conception d’un wine-maker. À l’origine, la préoccupation des coopérateurs était de contrecarrer l’exode rural en permettant aux vignerons de continuer à vivre dans leurs villages. En général, dans les objectifs des coopératives lors de leur fondation, élaborer des fines wines n’était pas une priorité. La mission n’était pas de "premiumiser", mais d’ouvrir des portes d’entrée économiques. Il s’agissait pour cela de contrer les « big players ». Le regroupement des vignerons donnait la possibilité de proposer sur le marché des volumes aussi importants que ceux du négoce, tout en restant compétitif au niveau des prix, grâce aux économies d’échelle issues de la mise en commun des moyens de production. Malheureusement, souvent, entre le volume et le très haut de gamme, il faut choisir. La deuxième difficulté réside dans le fait que l’excellence est une notion inégalitaire, exclusive par essence, alors qu’au contraire le principe des coopératives repose sur « un homme, une voix ». Il est plus compliqué dans la logique inclusive des coopératives de refuser certains terroirs, certains raisins, certains vignerons dont on juge qu’ils ne sont pas à la hauteur.
Certes, mais les coopératives ont aussi des atouts. Ces entreprises ne sont pas délocalisables et leurs biens ne peuvent être distribués. Elles s’inscrivent dans une logique de temps long et de transmission aux générations suivantes. Elles ont donc toujours eu avantage à investir dans l’outil de production. C’est la raison pour laquelle leurs pressoirs et leurs cuveries sont depuis longtemps à la pointe du progrès...
D’où l’importance aujourd’hui de maintenir leur nombre de coopérateurs, pour que ces investissements dans l’outil de production demeurent rentables. C’est un enjeu supplémentaire pour aller vers toujours plus de qualité et ne pas perdre les vignerons adhérents les plus dynamiques et les plus passionnés, qui peuvent, sinon, être tentés de voler de leurs propres ailes en reprenant leur indépendance. Les coo- pératives ont aussi des leviers. Une des premières choses pour vaincre les blocages qui pourraient empêcher une coopérative de monter en gamme consiste à obtenir une stabilité politique et organisationnelle, ce que la multiplicité des adhérents avec le système « un homme, une voix » ne facilite pas, par rapport à des domaines familiaux où les décisions sont plus simples car du ressort le plus souvent d’un seul homme. Mais, comme les grands vins se construisent sur des décennies, les dirigeants doivent obtenir des mandats longs qui leur laissent le temps de mettre à exécution leur vision, sans que la confiance qui leur est donnée soit sans cesse remise en cause. L’autre challenge, faute de pouvoir sélectionner ou exclure, c’est qu’il faut réussir à monter en gamme tout en restant inclusif, c’est-à-dire réussir à faire partager à tous les adhérents la même exigence, les mêmes objectifs, sur les plans technique et qualitatif.
En somme, c’est « ensemble ou rien »...
Exactement, pour autant, si cette dimension est plus contraignante qu’un modèle individuel, certains rencontrent de vrais succès. On voit par exemple à quelle vitesse des coopératives, via les structures d’accompagne- ment et de conseil qu’elles mettent en place, convertissent massivement leurs adhérents à des pratiques durables et les amènent à repenser la conduite de la vigne en se focalisant moins sur le rendement et davantage sur des objectifs qualitatifs. Quitte à changer aussi les modes de rémunération. L’autre moyen pour gérer cette tension entre l’exclusif et l’inclusif consiste à construire une gamme où les raisins de chaque vigneron pourront trouver leur place. L’idée, c’est de faire comprendre qu’« égalité » ne doit pas être confondue avec « indifférenciation ». Autrefois, les coopératives avaient cette image-là, tous les vignerons mettaient leur raisin dans la même cuve pour vinifier ensemble. Aujourd’hui, toutes les caves ont développé des démarches de sélection qualitative, et celles qui accèdent à la catégorie des fine wines vont encore plus loin et disposent de micro-cuveries qui leur permettent de vinifier à part chaque parcelle, d’en préserver la spécificité. Ce qui était un handicap, cet aspect massif, devient d’un coup un atout inégalable, la possibilité de jouer dans les assemblages sur de formidables gammes de terroirs, avec une multitude de nuances qu’il s’agit de préserver, de cultiver, et que saura exploiter le chef de caves le moment venu dans la composition de ses cuvées.
Le storytelling des coopératives peut aussi être un bel argument...
En effet ! Les coopératives ont cherché longtemps à faire oublier leur identité auprès du consommateur et du trade. Or, on s’aperçoit au contraire que l’aventure humaine et l’idéal que véhicule la coopérative sont des arguments extraordinaires qui parlent aux consommateurs. L’histoire de la coopérative Mailly Grand Cru, en Champagne, est par exemple très émouvante, elle a été fondée par d’anciens soldats qui, après avoir creusé des tranchées pour la guerre, ont décidé de creuser ensemble des caves pour la paix! Comme les vignerons ont réalisé ce travail eux-mêmes, chaque galerie a aujourd’hui une longueur différente, selon celle de l’hiver qui l’a vue naître... À l’heure où l’on promeut les circuits courts et le commerce équitable, le principe coopératif amène aussi un supplément de valeur. Quant à l’écologie, les infrastructures collectives évitent la multiplication des cuveries individuelles et permettent, grâce aux capitaux plus importants réunis, d’investir dans des installations plus écoresponsables.
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