Accueil Les métiers du vin touchés par le confinement (2/3) : les pépinières viticoles

Les métiers du vin touchés par le confinement (2/3) : les pépinières viticoles

Ci-dessus : Jean-Pierre Bouillac, pépiniériste en Gironde.

Auteur

Audrey
Marret

Date

16.04.2020

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En période de pleine activité avec les travaux de greffage et de plantation, les pépinières viticoles subissent les conséquences de l’épidémie de Covid-19, qui accentuent les difficultés de la filière.

Mai sera le temps du bilan pour les pépiniéristes viticoles. « On y verra plus clair », espère David Amblevert, président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV). La fédération rassemble 400 des 600 professionnels en France, et elle s’inquiète pour les deux grands travaux de la saison, actuellement en cours : le greffage et la plantation.

Pour les pépinières viticoles se jouent deux années de production. D’un côté le greffage, réalisé en atelier, fait naître les futurs plants qui seront livrés en 2021. De l’autre, les travaux de plantation, qui dépendent des viticulteurs, permettent aux pépiniéristes d’avoir des rentrées commerciales avec la livraison des pieds de vigne prêts à être plantés. « Les difficultés rencontrées par les viticulteurs entraînent des annulations de commandes, écrit la FFPV dans un communiqué. Un certain volume de plants risque d’être détruit et certains greffages ne se feront pas, faute de personnel pour la mise en œuvre. En revanche, les frais inhérents liés au matériel végétal et à cette production ont été engagés bien avant l’arrivée du Covid-19. De nombreuses entreprises craignent la faillite. »
Dans ce contexte « de crise » devait par ailleurs intervenir la nouvelle réglementation européenne sur la santé des végétaux, renforçant les contrôles sanitaires dans les pépinières viticoles. La FFPV demande son report d’un an.

Dans le flou pour la trésorerie

L’annulation des commandes (les pieds de vigne non plantés sont quasiment perdus) reste la grande crainte des pépiniéristes. Dans le sud et l’est de la France, détaille David Amblevert, 70 à 80% des plantations sont réalisées. Mais à cause du confinement, les travaux ont pris du retard dans les zones en façade atlantique, dont le Bordelais, qui plantent plus tardivement pour des raisons climatiques. David Amblevert, également pépiniériste en Gironde, exhorte les viticulteurs à ne pas renoncer à ces travaux : « Oui, il y aura du décalage, mais on peut planter tout le mois d’avril et au-delà. »

« Pour l’instant, la baisse de commande n’est pas quantifiable, constate Joël Schaffner, qui produit 900 000 pieds de vignes chaque année à Ergersheim, en Alsace. On a surtout des appels inquiets de nos clients vignerons qui nous disent qu’ils ne peuvent pas payer. Tout le monde est dans le flou au niveau de la trésorerie. » Du coup, Joël Schaffner a accepté de différer les paiements. « Le monde viticole est solidaire. On se fait confiance. »

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Mais « l’insolvabilité des viticulteurs fait partie des problématiques que l’on peut craindre », concède dans un euphémisme David Amblevert. La filière des pépiniéristes viticoles, dont le chiffre d’affaires tourne autour de 300 millions d’euros, a produit 230 millions de plants de vigne en 2019. Le Covid-19 met à mal une profession déjà plus ou moins éprouvée selon les régions.

« Des entreprises vont mourir »

« C’est un métier compliqué, où les entreprises familiales se transmettent de génération en génération, avec des clients fidèles, éclaire Jean-Pierre Bouillac, des pépinières viticoles du Vieux Puit à Reignac, en Gironde. Sur 20 ans, avec les crises successives, on a probablement perdu 60% des professionnels. Quand vous avez comme clientèle de belles propriétés, ça va. Mais en ce moment, dans le Bordelais, certaines exploitations sont au bout. Alors oui, il y a des entreprises qui vont mourir. »

Jean-Pierre Bouillac, qui commercialise plus de 2 millions de plants par an, estime avoir perdu 10% de production sur le marché bordelais l’an dernier et prévoit 25% de perte cette année. Les pépinières du Vieux Puit profitent en revanche du marché du cognac, en pleine croissance.
Jean-Pierre Bouillac s’alarme néanmoins d’un possible effet à retardement lié au Covid-19. « Il y a toujours un temps d’inertie dans le monde viticole. Selon le dénouement du confinement et la reprise du marché, les exploitations pourraient bloquer l’entretien du vignoble et les plantations pour l’année prochaine. Je suis inquiet pour 2020, mais je suis vraiment très inquiet pour 2021. »