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Vendanges 2025 en Rhône nord : Un grand millésime à petits volumes

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

17.10.2025

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Dans la Vallée du Rhône septentrionale, les vendanges 2025 resteront comme celles d'un millésime à la fois précoce, contrasté et porteur d’espoirs qualitatifs remarquables, malgré une chute de rendements historique dans certaines appellations. 

Le vignoble, soumis à un été alternant conditions favorables et épisodes de chaleur intense, a démontré une résilience exemplaire. Pour Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône, « la récolte est portée par un état sanitaire favorable, des acidités particulièrement préservées et un vignoble qui, malgré des épisodes climatiques contrastés, a montré une résilience remarquable. Ce résultat laisse entrevoir un millésime de grande qualité, dans la lignée des meilleurs repères récents. »

La véraison est intervenue dès le début août sur les zones les plus avancées, soit avec deux semaines d’avance sur 2024, confirmant la précocité exceptionnelle de ce millésime. L’un des grands enjeux de cette campagne a été le choix de la date de récolte, entre cueillir mi-août avant les pluies des raisins concentrés, ou patienter pour regagner un peu de volume et passer après les pluies de début septembre. Cette dichotomie se retrouve dans les profils de vins, entre richesse et fraîcheur.

Précoce mais étiré

Les premières grappes ont été coupées très tôt : dès le 14 août, la Maison Chapoutier donnait le coup d’envoi sur Saint-Péray avant de donner les derniers coups de sécateur la dernière semaine de septembre sur les hauteurs de Cornas, à 400 m d’altitude, et sur la colline de l’Hermitage pour le lieu-dit Monier de la Sizeranne. Clément Bärtschi, maître de chai, explique « qu'avec le réchauffement climatique, la Maison a choisi de vinifier de plus en plus en vendanges entières pour apporter de la fraîcheur sans verdeur, gagner en complexité aromatique et baisser le degré potentiel, puisque les rafles sont plus mûres. On les gère désormais comme des épices. »

Pour Xavier Frouin, à la Cave de Tain, l’année a été marquée, outre l’absence de gel et un épisode de grêle très localisé le 30 juin, par deux périodes caniculaires ayant réduit les volumes. Les vendanges se sont étalées du 22 août pour l’Hermitage blanc au 17 septembre pour le Crozes rouge : « C’était aussi tôt que 2020, le millésime le plus précoce du siècle, mais avec quand même de la fraîcheur et de l’équilibre sur les blancs pour lesquels nous avons bloqué la fermentation malolactique afin de conserver l’acidité. » L’équipe avait choisi d’attendre les pluies de début septembre pour garantir des maturités phénoliques correctes et préserver un minimum de volume. Malgré ces efforts, la cave prévoit une baisse de 35 % pour les blancs et de 30 % pour les rouges. 

À la Maison Delas, Jacques Grange souligne l’étirement de la campagne : « Les vendanges se sont terminées la deuxième semaine d’octobre, mais on avait commencé dès le 22 août. Ce qui fait une récolte relativement longue de 17 jours, au lieu des 8 habituels sur Crozes, mais globalement très satisfaisante du côté qualitatif. On tient un très grand millésime ! » 

Les épisodes caniculaires de fin juin et de mi-août ont provoqué des blocages de croissance, obligeant à étaler les vendanges. Les profils des vins s’annoncent particulièrement séduisants : « On a des équilibres avec pas mal d’acidité et des anthocyanes comme on en a rarement eu. En 2025, on est plus sur un fruité croquant, avec de la gourmandise et très frais, justement parce qu’on a un soutien acide un peu plus élevé. Des vins de plaisir et de régal. Les rouges sont très colorés avec une matière tannique soyeuse. Les hermitage blancs, par exemple, qu'il a fallu cueillir tôt, sont superbes. »

©F. Hermine pour « Terre de Vins »

Des baisses de rendement de 30-35 %

Ce millésime d’exception qualitative est aussi celui des volumes en forte baisse, en particulier sur Condrieu. « C’est la plus petite récolte des 15 dernières années » regrette Jacques Grange. « Même en 2021, qui avait gelé, on en avait eu plus de jus que cette année. » Les conditions de 2024 ont incontestablement impacté le 2025 : « Au printemps, on s'attendait déjà à une sortie d’inflorescences historiquement réduite. Si on rajoute à ça les deux épisodes caniculaires, on aboutit à un - 30 % en moyenne, - 10 pour les meilleures parcelles. Ce sont les coteaux qui s'en sortent le mieux car sur le granit, les vignes ont l'habitude de souffrir du manque d'eau et sont, au final, relativement équilibrées en charge, alors que sur des sols plus profonds bien alimentés en eau en début de campagne avec des réserves, les parcelles ont marqué le pas de façon plus importante dès le premier épisode de canicule, intervenu au moment où normalement, les baies sont en croissance. »

On évalue d'ores et déjà des pertes moyennes de 30 à 35 % sur l’ensemble des appellations, beaucoup plus sur Condrieu. Pierre-Jean Villa, président de l’appellation, confirme l’ampleur des dégâts : « Entre 2024 et 2025, il me manque presque un millésime et je ne suis pas seul dans ce cas. J’étais à - 40 % l’année dernière et - 53 % cette année. Globalement, Condrieu fluctue à -35 % -40 %. Ça va être dur sauf pour ceux qui ont des structures de négoce qui peuvent compenser en partie avec des achats de raisins. » 

Depuis 2017, les vignerons n’ont connu qu’un seul millésime « normal » en volume. Grêle, millésime hyper précoce avec quasiment pas de rendement, de gel, sécheresse… Chaque année a eu son imprévu météo. « Sauf 2018 et 2019 corrects en volumes. Heureusement, 2025, en qualité, est génial, aussi bien pour nos condrieu blancs que pour les rouges du Rhône nord. » Entre précocité historique, stress hydrique et baisse spectaculaire des rendements, 2025 signe un millésime paradoxal : rare en quantité, mais grand en qualité. 

Tension sur les allocations

Dans un contexte économique tendu, ces faibles volumes auront des conséquences directes sur le marché. Jacques Grange estime que « tout le monde va tirer la langue. Mais dans le contexte économique actuel, la préoccupation n’est pas de remplir les caves ; ça va plutôt inciter certains à brader pour vider les cuves. L’assainissement des stocks, qui plus est avec un très beau millésime, n’est pas une mauvaise chose. Ça ne compensera pas hélas le manque à gagner, car nous ne sommes pas dans un contexte qui autorise à imaginer une augmentation des cours. Donc, in fine, c'est du revenu au moins pour l'ensemble de la filière. » 

Certaines allocations se sont déjà envolées en septembre, anticipant la rareté à venir. « Comme les professionnels savent que pour 2024 et 2025, il n’y aura pas beaucoup de vins pour les 18 prochains mois, tout le monde s’affole sur les allocations » avoue Pierre-Jean Villa. « La bonne nouvelle, c'est que ça nous permet, pour l'instant, d'être un peu plus sereins. Mais c'est reculer pour mieux sauter. »

Enfin, les producteurs en bio, éprouvés par la pression sanitaire de 2024, ont retrouvé en 2025 une campagne « gérable ». Néanmoins, comme le note Jacques Grange, « la marge et le revenu net par hectare n’est clairement pas au bénéfice des bio, car on ne peut pas espérer une meilleure valorisation. Ce qui ne décourage pas les vignerons convaincus par cette philosophie de viticulture – contrairement à 2024 très compliqué avec une pression sanitaire record qui avait fait douter les plus motivés. »