Dimanche 13 Octobre 2024
Les deux nouveaux Coteaux champenois de la Maison Piper-Heidsieck aux côtés d'une ancienne bouteille de vin nature de la Champagne datant des années 1960
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16.09.2024
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Chaque année, Emilien Boutillat, le chef de caves du champagne Piper-Heidsieck, s’offre une carte blanche en nous proposant une ou des cuvées « Hors-série », qui sont autant d’occasions de réfléchir et de prendre du recul sur le terroir champenois. La Maison vient ainsi de dévoiler deux coteaux champenois (vins tranquilles) aux profils très singuliers et en même temps dans la droite ligne de l’ADN de la marque.
Les deux coteaux champenois présentés par Piper-Heidsieck sont des blancs de noirs issus du millésime 2022. Emilien Boutillat, le chef de caves, explique ce choix : « On a lancé le blanc de noirs "champagnisé" l’an dernier. Nous avons une affinité particulière pour le pinot noir depuis toujours, mais un pinot plutôt sur la fraîcheur, la tension, le côté vibrant, croquant, aux antipodes de ce que vous pouvez attendre de ce cépage, souvent très puissant et structuré. C’est pour cette raison que plutôt qu’en faire un coteau rouge, pour forcer le trait de cette élégance, nous nous sommes dits : pourquoi ne pas faire un blanc ? »
Le mode de vinification respecte ainsi les principes de Piper-Heidsieck, très attachée à la pureté du fruit. De la même manière que pour ses champagnes, Emilien a exclu le fût en se concentrant sur l’inox. Et pour mieux conserver encore cette pureté, il a eu l’audace d’utiliser une capsule à vis ! « Nous sommes sans doute les premiers en Champagne à y recourir. C’est aussi un clin d’œil à notre ouverture internationale. Depuis toujours, nous exportons loin, notamment en Australie. Or, la capsule à vis dans les vins du Nouveau monde est très répandue, alors que curieusement, en France, où elle a pourtant été inventée il y a cinquante ans exactement, elle est beaucoup plus rare. » On ajoutera que pouvoir se passer de tire-bouchon est une préoccupation très champenoise…
Même si la maison souhaitait rester en phase avec le style de ses champagnes, on n’élabore pas un coteau de la même manière qu’un champagne. Côté vignes tout d’abord, elle a pratiqué une taille plus restrictive, en cordon. Elle a poussé aussi davantage la maturité des raisins en les cueillant plus tard que ceux destinés au champagne. Le millésime, il est vrai, s’y prêtait, l’année étant exceptionnellement solaire et sèche, par opposition à 2021, où des premiers tests peu concluants avaient été réalisés.
En même temps, comme il s’agissait d’un blanc de noirs et non d’un rouge, il fallait aussi savoir s’arrêter à temps et éviter la sur-maturité qui aurait pu colorer le jus. La maison a d’ailleurs pris garde de vendanger en entassant le moins possible de raisin dans les caisses. Et comme Emilien voulait aussi garder le côté croquant et vibrant de Piper-Heidsieck, il s’est concentré sur la première serre, dont les jus ont à la fois plus d’acidité, de sucre et de parfum, mais aussi moins de tannin et donc de couleur. Enfin, l’idée n'étant pas de commercialiser un vin clair, il fallait tout de même apporter un minimum d’enrobage. Pour un coteau, on ne bénéficie pas comme pour le champagne de l’élevage sur lie en bouteille, Emilien a donc prolongé l’élevage sur lie fine en cuve qui a duré une année.
Les deux cuvées présentent des styles radicalement différents. La première est davantage dans l’esprit d’un Coteau Champenois. Elle est issue de la parcelle de Chauffour à Aÿ, exposée Nord-Est. Le profil est vif, sur les agrumes et en même temps délicat, avec de jolies notes de fleurs et de fruits blancs, avant de conclure sur une finale saline. L’ensemble rappelle un peu le bonbon arlequin.
La seconde cuvée est beaucoup plus déroutante. Elle provient d’une parcelle exposée Sud-Ouest d’Ambonnay. Le côté solaire du terroir a donné une touche diamétralement opposée. L’expression est plus charnue, plus généreuse, avec des fruits jaunes, de l’abricot. Mais aussi des fruits rouges, des notes de brioche grillée, de praline, davantage de gras et de mâche. On retrouve également une minéralité un peu pétrolée qui n’est pas sans rappeler le riesling… Alors que le premier vin pourrait accompagner des fruits de mer, des huîtres, pour souligner l'aspect iodé, le deuxième peut carrément aller sur une volaille en sauce… « Nous aurions pu les assembler, et trouver un équilibre entre les deux, mais il était beaucoup plus amusant de garder leur singularité et cet effet miroir. »
Le tirage est très exclusif, à peine 6 000 flacons, qui seront commercialisés en priorité sur les marchés de geeks du vin. « Aux États-Unis, ce sera plutôt à New-York qu’en Californie, nous en enverrons aussi dans les pays scandinaves, au Japon, en Italie, et bien-sûr en France. » C’est évidemment la cuvée idéale (65€) à faire déguster à l’aveugle à ses amis. Les blancs de noirs en Coteaux champenois sont extrêmement rares, et bien malin qui saura les reconnaître !
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