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Charles Heidsieck : qui de l’œuf ou de la poule ?

Jury et vainqueurs du concours de l'oeuf mayonnaise organisé chez Charles Heidsieck, D.R.

Jury et vainqueurs du concours de l'oeuf mayonnaise organisé chez Charles Heidsieck, D.R.

Auteur

Yves
Tesson

Date

24.09.2025

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Il est des sujets graves avec lesquels on ne plaisante pas. L’œuf mayonnaise en fait partie. Il existait déjà un championnat mondial de l'œuf mayonnaise, mais il manquait encore un concours régional en Champagne. C'est chose faite grâce à la Maison Charles Heidsieck qui a organisé samedi dernier la première édition dans son parc des Crayères à Reims, en partenariat avec l’Association de la Sauvegarde de l’œuf Mayo (ASOM). Si on ne sait toujours pas qui de l’œuf ou de la poule, on connaît désormais les deux meilleures adresses en Champagne pour déguster ce plat iconique de la cuisine bistronomique.

Le champagne aime bien de temps en temps abandonner le caviar pour s’encanailler un peu en s’associant à des grands classiques de la bistronomie. Et il faut reconnaître que l’association avec l’œuf mayonnaise est une réussite totale, tant il est vrai que l’acidité du vin résonne magnifiquement avec le caractère acidulé de la mayonnaise tout en dynamisant et en allégeant cette petite entrée qui pourrait sans cela être un peu roborative. Comme quoi, quand les élites cherchent à se rapprocher du peuple, le résultat peut être prometteur !

Un plat d’une fausse simplicité

Il est vrai aussi que réussir un œuf mayonnaise n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Véritable savoir-faire, il est défendu par une association, soutenue par Pierre-Yves Chupin, directeur général du Guide Lebey. Et oui, de même qu’il existait au début du XXe siècle une association pour défendre la légitimité d’une prononciation française pour le latin, plutôt qu’une prononciation italienne, il existe en France, une association pour sauvegarder l’art de l’œuf mayonnaise ! Une excentricité saluée l’été dernier par le roi d’Angleterre lors du dîner donné en l’honneur d’Emmanuel Macron où il n'a pas caché son émerveillement : « Dans quel autre pays au monde pourrait prospérer quelque chose appelé l'association de sauvegarde de l'œuf mayonnaise ? »

Plus sérieusement, la création de cette association au début des années 1990 par Christophe Lebey avait pour vocation de venir au secours des bistrots, un sujet on le sait qui n'a rien perdu de son actualité, tant ceux-ci continuent à décliner au profit des snacks en tout genre quand ce ne sont pas des distributeurs automatiques de pizzas. Pierre-Yves Chupin raconte : « L’objectif était d’aider les chefs à pouvoir disposer d’un plat qui soit facile à faire et d’un excellent rapport qualité prix. C’est vrai que les ingrédients d’un œuf mayonnaise ne sont pas très onéreux : de l’œuf, de l’huile, de la moutarde et un peu d’assaisonnement, voilà tout… »

Mais alors me direz-vous, c’est quoi la différence entre un bon œuf mayonnaise et un mauvais œuf mayonnaise ? La réponse donnée sur le site l’ASOM est pleine de bon sens : « L’œuf mayonnaise requiert un œuf de gros calibre cuit à cœur mais sans excès de façon à ce que le jaune, sans être coulant, conserve du fondant. La mayonnaise doit être maison, souple, nappante et servie en quantité suffisante pour recouvrir toute ou partie de l’œuf, avec un petit surplus permettant de la saucer avec un morceau de pain. L’œuf mayonnaise peut être accompagné de crudités et/ou de légumes cuits de saison. L’ensemble doit être d’une parfaite fraîcheur. L’aspect de l’assiette doit être appétissant et généreux (trois demi- œufs avec leur éventuelle garniture). La température de service doit être ajustée selon la saison afin de n’être ni trop froide pour ne pas altérer les qualités gustatives et la texture de la préparation, ni trop chaude pour éviter d’altérer la tenue de la mayonnaise. »

©DR

Deux vainqueurs très prometteurs

C’est sur ces critères très précis, mais aussi celui de la justesse de l’accord avec le vin prescrit, à savoir le Blanc de blancs base 2018 de la Maison Charles Heidsieck, que le jury a statué. Le prix du meilleur accord a été remporté par Tiphaine Bourdeau du restaurant Le Millénaire à Reims qui vient justement de retrouver son étoile au Guide Michelin. Le président du jury, Christopher Raoux, chef du restaurant Le Royal à Champillon, a souligné combien « la discrète note citronnée se mariait bien avec le blanc de blancs et à quel point la mayonnaise à l'huile de Livèche très légère soutenait la texture crémeuse du champagne ».

Une belle reconnaissance en tout cas pour Tiphaine Bourdeau qui à 22 ans à peine occupe déjà le poste de sous-chef de Benjamin Andreux. Comment lui est venue cette recette ? « Pour moi, l’œuf mayonnaise, c’est un classique, il ne faut pas le déstructurer. Mon objectif, c’était d’arriver à quelque chose de très frais, ce que j’ai réussi à obtenir grâce au citron, aux pickles de céleri et à la gelée de kalamansi tout en conjuguant cela avec le côté très beurré, très gourmand de la mayonnaise. Les petits croûtons de pain devaient quant à eux résonner avec le côté toasté du blanc de blancs. »

Tiphaine Bourdeau, vainqueure du prix du meilleur accord aux côtés d'Emilien Erard, chef de caves de la maison Charles Heidsieck. ©DR

Le premier prix dédié à la recette elle-même a été remis à Thomas Valleron, chef du restaurant l’Aube des sens (près de Troyes). Il a proposé un œuf construit à partir d’une « julienne de champignons de Paris frais et une mayonnaise au suc de poule rôti ». Pour Christophe Raoux, cette recette n’était pas seulement originale et audacieuse, elle apportait une vraie gourmandise. « Ce goût de poulet rôti nous a beaucoup plu. Cela nous évoque évidemment le côté réconfortant du poulet du dimanche. » Un assortiment qui a le mérite en tout cas de ne pas avoir à trancher l’entêtante question visant à déterminer qui de l’œuf ou de la poule est venu en premier. Pour une fois en effet, la poule et l’œuf étaient réunis en une seule et même entité !