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Pourquoi AG2R La Mondiale lâche le Wine & Business Club

Ci-dessus : Alain Marty et Bertrand de Villaines.

Auteur

Rodolphe
Wartel

Date

03.09.2020

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La liquidation judiciaire du Wine & Business Club, prononcée la semaine dernière par le tribunal de commerce de Paris, suscite l’incompréhension des décideurs. L’actionnaire AG2R La Mondiale, qui avait acquis en toute discrétion en 2017 ce réseau d’affaire dirigé par le charismatique Alain Marty, défend ses positions. Et répond à la longue liste des « pourquoi »…

L’information a été révélée par Challenges, à qui l’emblématique fondateur et « patron » du Wine & Business Club, Alain Marty, avait réservé la primeur. Et depuis la liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de Paris le 27 août, l’incompréhension reste totale. Pourquoi la compagnie d’assurance AG2R La Mondiale avait-elle acquis en toute discrétion ce club d’affaire en 2017 et, surtout, pourquoi s’en sépare t-elle aussi brutalement après seulement trois exercices aux commandes ? Explications de Bertrand de Villaines, directeur général de la Mondiale Grands crus (propriétaire des châteaux Soutard, Larmande et Grand Faurie la Rose à Saint-Emilion) et président du Wine and Business club, et de Béatrice Willems, directeur de cabinet du directeur général d’AG2R La Mondiale.

Pourquoi avoir piloté ce club dans la plus totale confidentialité ?
C’est dans un intérêt commun, souhaité par Alain Marty, qu’en 2017 la confidentialité aurait été validée afin de ne pas heurter d’éventuels prospects ou clients concurrents d’AG2R La Mondiale, ou encore des vignerons. « Alain nous l’a bien dit, et il a eu raison, prévient Bertrand de Villaines. Il faut accepter cela. Cela aurait été idiot de perdre d’entrée un client ou deux. On peut toujours refaire le monde mais c’était un bon deal. » La surprise fut grande néanmoins pour les adhérents du Wine & Business Club qui, le 28 août dans un mail envoyé à 19h20, ont lu le message funèbre d’un président qu’ils ne connaissaient pas : « Je réalise pleinement que ce qui précède suscitera de la déception, et parfois même de la colère de la part de certains d’entre vous. Je la comprends. Je crois pouvoir affirmer qu’en ces circonstances, nous tous partageons au moins un sentiment : celui de la tristesse. »

Pourquoi avoir racheté le Wine & Business Club en 2017 ?
« On a racheté le Wine & Business Club mais Alain Marty le dirigeait, précise Bertrand de Villaines. Sur sa carte de visite était noté ‘président fondateur’. C’est une façon astucieuse ou élégante de limiter la communication concernant le rachat. Le Wine & Business Club vivait grâce au relationnel d’Alain Marty ! » Et Béatrice Willems, directeur de cabinet du directeur général d’AG2R La Mondiale, de compléter : « Alain Marty n’était ni actionnaire ni salarié. Il avait un contrat de prestation de service avec la Mondiale Grands crus. Pour assurer la transition, nous n’avons pas souhaité communiquer sur le rachat et sur le changement de propriétaire. Cela n’aurait pas forcément été perçu par nos compétiteurs, et également clients du WBC, comme une bonne nouvelle. Cela aurait pu les conduire à quitter le WBC ».

Pourquoi une liquidation judiciaire ?
« Le Wine & Business Club connaissait des difficultés financières avant le Covid, assure Bertrand de Villaines. Le chiffre d’affaire, c’est 2,2M€ pour huit salariés et un résultat très faible qui était de 3000€ en 2019. Les pertes n’ont été évitées que parce que le WBC a bénéficié du soutien financier d’AG2R LA MONDIALE, de loin son premier client. Avec le Covid, les grands hôtels parisiens ne pouvaient s’engager sur aucune location en 2021 pour des soirées dans le format existant du WBC. Avec des bureaux, du personnel… les charges étaient trop importantes et il n’y avait aucune perspective. La liquidation immédiate a été prononcée par le tribunal. »
« Pour le groupe AG2R la Mondiale il y a une vraie réalité économique qui explique l’action que nous avons menée et qui explique la décision de justice, insiste Béatrice Willems. Nous n’avons pas eu d’autre repreneur. Le business model est compliqué. Et une tension s’est produite entre AG2R la Mondiale et Alain Marty. Aujourd’hui, l’avenir de cette société est entre les mains du liquidateur judiciaire. »

Pourquoi l’avoir acquis pour le liquider aussi tôt ?
« Le fait pour Soutard d’être reçu à Bordeaux à Toulouse… Le projet était génial, poursuit Bertrand de Villaines. Tous les directeurs généraux sont venus dans ce club qui joue un rôle de relations importantes, explique-t-il. Pour le groupe et Château Soutard, c’était sympathique et il y avait aussi un projet d’expansion à l’international, en Chine par exemple… Alain Marty a bien vendu son entreprise mais la réalité s’est révélée bien différente et en particulier la façon dont il la gérait. En 2017 nous n’avons pas vu que le modèle s’essoufflait. »
« Les managers sont extrêmement sollicités, poursuit Béatrice Willems. Les offres sont pléthoriques. Des acteurs ont été plus innovants et ont réussi à attirer les chefs d’entreprise et les managers. Et le coût d’entrée était également considéré comme élevé. Enfin, en terme d’innovation, il n’y a pas eu grand chose ».

Pourquoi le Wine & Business Club ne redémarrerait-il pas ?
La réponse ne viendra pas, cette fois, du côté d’AG2R La Mondiale, le dossier étant dans les mains du liquidateur. La question du remboursement des clients, qui n’ont pu assister depuis le 15 mars à aucune soirée, reste également épineuse. « C’est une bombe à retardement auprès de gens éminemment sympathiques, reconnait Bertrand de Villaines. Maintenant c’est dans les mains du liquidateur. On ne peut pas s’exprimer pour le liquidateur. Nous prenons des décisions difficiles qu’on assume. »
Dans un mail adressé à ses présidents, en date du 25 août, alors qu’il pressentait la liquidation imminente, Alain Marty, écrivait pour sa part : « Après de long mois de négociations, j’ai appris le 27 Juillet 2020 que ma dernière proposition de reprise n’était pas acceptée par AG2R La mondiale. Visiblement et contrairement aux demandes du gouvernement qui prêche l’exemplarité notamment pour les grands groupes d’assurances, nos actionnaires ne souhaitent ni sauver les emplois du WBC ni soutenir la PME qui gère le club en cette période de turbulence (alors que la société WBC SAS est bien sur bénéficiaire chaque année depuis 1991…) Je ne rentrerai pas dans les détails de cette situation ; j’ai été obligé d’intenter plusieurs procès qui sont actuellement en cours pour recouvrir mes droits. » De source sûre, Alain Marty, qui a réussi à monter ce club sans équivalent en Europe, préparerait déjà un projet de relance. La passe d’armes ne fait que commencer…

Le Wine & Business Club en chiffres
Le Wine & Business Club allait fêter ses 30 ans d’existence. Créé en 1991, il rassemblait environ 550 membres répartis dans une quinzaine de villes 11en France parmi lesquelles Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille… Des clubs avaient également été ouverts à Genève, Luxembourg, Chypre et Monte-Carlo, Monaco… Pour y entrer, chaque membre devait être parrainé, s’acquitter d’un droit d’entrée de 750€ HT et d’une cotisation annuelle variant de 5000 à 13 000€ selon les services proposés.