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[Bordeaux Tasting] Pourquoi les champagnes de coopératives sont si tendance ?

Auteur

Yves
Tesson

Date

11.12.2022

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À l’occasion de Bordeaux Tasting, nous sommes allés rencontrer trois jolies coopératives : Paul Goerg, Dom Caudron et H. Blin… Des champagnes qui séduisent de plus en plus les amateurs parce qu’ils cochent toutes les cases, tant par leur proximité au terroir, leur approche vigneronne que par la place qu’ils donnent à la RSE.

Les coopératives ont souvent l’image de grosses structures industrielles, un peu kolkhoziennes, au service des vignerons, mais éloignées d’eux, assemblant tous les crus de la Champagne et commercialisant pour l’essentiel sur le marché de la grande distribution. Au point que l’idée d’un champagne de coopérative pourrait avoir quelque chose d’oxymorique, comme si le luxe pouvait s’accommoder du soviétisme et d’une économie de masse.

En réalité, beaucoup d’entre elles sont à taille très humaines, visent d’abord l’export et le réseau traditionnel, tout en restant centrées sur un seul terroir, ce qui leur donne une identité très forte. Et si aujourd’hui elles ont le vent en poupe, c’est parce qu’elles cultivent à la fois une approche très vigneronne tout en permettant aux adhérents de bénéficier des outils les plus performants pour leurs vinifications. Bien-sûr, elles n’ont pas cessé de mettre en avant l’intérêt de l’assemblage, mais elles ne se privent désormais plus de créer, grâce à des cuveries plus petites, des cuvées parcellaires… La dimension RSE, très à la mode, est chez elles quasi-consubstantielle depuis leur origine. En effet, dans ces structures, l’humain est toujours au centre, le principe étant que quelle que soit la surface apportée, un homme égal toujours une voix. Sans parler de l’avantage du collectif en matière environnementale, dans une région où l’on multiplie des pressoirs qui ne servent que quinze jours par an, leur mise en commun limite l’empreinte écologique. Le collectif permet aussi de financer des services tels que l’accompagnement via des consultants spécialisés, vers les certifications, tout en créant des groupes de partage favorisant une émulation autour de ces questions.

Simon BLIN, Sébastien BARBIER et Daniel FALALA

Les trois coopératives présentes sur Bordeaux Tasting en sont le parfait reflet. H. Blin est une petite coopérative de la vallée de la Marne, à Vincelles, dont 98 % des approvisionnements proviennent d’un rayon de 5 km. Elle est aussi la première coopérative à avoir proposé un champagne bio en 2016. Une démarche qui ne faisait pas consensus au départ, certains adhérents considérant qu’on en faisait trop pour une catégorie minoritaire. Cette nouvelle gamme avait en effet nécessité des investissements pour être en mesure d’isoler ces raisins, comme l’achat d’un pressoir de 4 000 kg. Dans cette catégorie, H. Blin propose un blanc de blancs et un blanc de noirs assemblant meunier et pinot noir. Elle devrait dans les années à venir voir cette proposition s’élargir avec la création d’une cuvée bio 100 % petit meslier qui sera sans doute le tout premier pur meslier bio de la Champagne ! Aujourd’hui, la coopérative peut aussi se réjouir de voir les trois quarts de ses vignerons désormais certifiés HVE ou Viticulture durable en Champagne, alors même qu’elle compte un certain nombre de petites exploitations gérées par des doubles actifs pour lesquels l’engagement dans cette démarche est souvent plus compliqué. « Locavore », H. Blin a lancé un projet de chai à fûts dont les arbres sont issus de la forêt du village. Enfin, des travaux devraient permettre à la structure d’être à l’avenir 50 % autonome d’un point de vue énergétique.

Côté vins, on appréciera ses meuniers étonnamment fins, en particulier ceux cultivés en bio, où la coopérative obtient une minéralité et parfois une salinité incroyable. Simon Blin, petit-fils du fondateur et président, nous confie : « À l’aveugle, on a tendance à les confondre avec du chardonnay. Nous en avons qui ont vingt ans et qui sont encore magnifiques. On ne tombe pas sur cette évolution foxée, mais plutôt sur des notes toastées, grillées. »

Chez Dom Caudron, à Passy Grigny, le meunier de la vallée de la Marne est également roi. L’originalité de la coopérative réside cette fois dans sa démarche œnotouristique profitant de la sortie d’autoroute toute proche. Le musée créé autour du premier pressoir offert par Dom Caudron, l’abbé du village, pour soutenir la coopérative naissante en 1929, offre au visiteur une vision historique des savoir-faire traditionnels du champagne, servi avec poésie par un film documentaire où la voix off n’est autre que celle de l’acteur André Dussolier. Le contraste ensuite avec la modernité de la cuverie est saisissant. Les plus passionnés enchaîneront par une visite des vignobles qui peut aux vendanges se faire en Ford T ou en solex. Aujourd’hui, Dom Caudron reçoit 10 000 visiteurs par an, une diversification qui permet déjà d’assurer 10 % des ventes de champagne (15 000 cols sur les 120 000).

Sur la Côte des Blancs, la coopérative de la Goutte d’Or, née de l’union de huit familles de vignerons en 1950, et sa marque Paul Goerg joue la carte des cuvées parcellaires pour nous emmener à la découverte de son fief, le terroir premier cru de Vertus. Son dernier coffret, édité à seulement 1 500 exemplaires, présente une comparaison des plus intéressantes sur une base 2018, entre la parcelle « Les Monts Ferrés » et celle de « La Justice ». « Les Monts Ferrés », située sur un bas de coteau où les alluvions se sont accumulés, offre un profil gras, gourmand, un peu bourguignon avec beaucoup de volume. Sur « La Justice », la situation à mi-coteau avec des sols plus pauvres et du silex, génère des vins plus pointus, avec une belle fraîcheur. Un beau voyage qui ouvre la perspective d’accords très différents.