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Twood : la tonnellerie abat son joker

Magdeleine Allaume et Nicolas Heriard Dubreuil, président du conseil d'administration du Groupe Oeneo

Magdeleine Allaume et Nicolas Heriard Dubreuil, président du conseil d'administration du Groupe Oeneo. ©Twood

Auteur

Lucie
de Azcarate

Date

19.09.2025

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À partir du 22 septembre prochain, il sera possible d’acheter en ligne des barriques de chêne français à 690 € HT l’unité. La nouvelle marque Twood, du Groupe Oenoe, réussit ce prodige de compétitivité grâce à une innovation inspirée de la menuiserie et une gamme courte.

Le Groupe Oenoe a fait de l’innovation une marque de fabrique. En développant la marque Diam il y a plus de 20 ans, il promet le liège sans le goût de bouchon. Du côté de l’élevage, le groupe qui détient deux tonnelleries majeures, Seguin-Moreau et Millet, ambitionne désormais de rendre plus accessible l’achat de barriques.

Tout commence en 2022, à la sortie des confinements successifs, lorsque deux constats s’imposent. La disponibilité de chênes français est sous tension, la ressource est de plus en plus rare, en conséquence, les coûts du matériau augmentent. Magdeleine Allaume, directrice générale de la division Tonnellerie du Groupe Oenoe, abonde : « même si le couvert forestier gagne du terrain en France, le réchauffement climatique impacte la qualité des chênes ».  En aval de la filière, le marché du vin est sous contrainte avec la déconsommation, il ne peut donc pas absorber l’augmentation du coût du bois. Pour résoudre l’équation, continuer de faire du recours au bois une option de vieillissement, l’ancestral artisanat tonnelier a su faire un pas de côté.

La menuiserie à la rescousse

La tonnellerie traditionnelle ne tolère aucun défaut du bois, les douelles doivent être vierges de toute aspérité : nœud, veine… Ainsi, seuls 15 à 20 % du bois récolté est susceptible d’être utilisé pour fabriquer une barrique. Pour contourner le problème, le Groupe Oenoe a imaginé une douelle constituée de deux pièces de bois, solidaires grâce à un assemblage emprunté à la menuiserie. Les deux pièces ne forment qu’une seule douelle sans procédé de collage qui viendrait contaminer le vin. Les deux couches permettent d’utiliser des bois marqués par de légers défauts, tant qu’ils ne se superposent pas, le risque de fuite est évité. Avec ce procédé, 40 à 50 % du bois récolté peut être utilisé.

douelles twood (brevet)
Structure bi-couche Twood brevetée ©Twood

L’emboitement d’une pièce mâle et d’une pièce femelle forme une douelle aux propriétés comparables à celles du bois massif. Seuls les fonds et la douelle de bonde de la barrique, ainsi constituée, demeurent en bois massif. Le perçage de la bonde requiert, en effet, des propriétés mécaniques que l’assemblage ne peut pas garantir.  

Composée à 100 % de chênes français, la barrique Twood conserve les fondamentaux de la barrique traditionnelle, ajoute Magdeleine Allaume : « on retrouve tous les avantages du vieillissement sous bois avec l’oxygénation du vin, l’apport de tanins et les qualités organoleptiques du bois ». Ces qualités peuvent être modulées en fonction de seulement quatre chauffes ; afin d’être compétitif, la marque a fait le choix d’une gamme courte qui couvre, selon leurs estimations, près de 80 % du marché.

©Twood

Un modèle unique, calibré pour la commande en ligne

Pour son lancement, Twood ne sera décliné qu’en une seule version, la barrique bordelaise de 225 L. Sur le site, les clients peuvent choisir entre quatre chauffes : moyenne, moyenne +, moyenne longue et moyenne longue douce. Pas d’option de personnalisation, pas d’accompagnement personnalisé comme pour ce qu’on appellera dorénavant de la « haute tonnellerie », un plan de cerclage standard pour revenir à l’essentiel et limiter les coûts. « Twood se concentre sur les fondamentaux d’une barrique : l’esthétique, l’oxygénation, l’orientation organoleptique. La majorité des producteurs de vin a besoin d’une simplification et d’avoir une offre lisible et flexible » justifie Magdeleine Allaume.

Vendre des barriques sur internet, il fallait y penser et surtout disposer du produit qui s’y prête. En imposant un standard, Twood peut s’engager à livrer rapidement et s’adapter à une demande qui risque, de plus en plus, de fluctuer. Le millésime 2025, marqué dans de nombreuses régions par un déficit hydrique, illustre cette incertitude. Avec des rendements moindres que prévu, les vignerons voudront sans doute commander des barriques au plus près de leur besoin réel, ce qu’ils n’auraient pu prévoir au printemps dernier…

En fonction du démarrage, Twood n’exclut pas d’élargir sa gamme tout en limitant son offre à des standards. « Pour la barrique de précision, la tonnellerie traditionnelle restera la référence » veut rassurer Magdeleine Allaume. On imagine d’ailleurs mal la présidente de la Fédération des Tonneliers de France organiser la déstabilisation du secteur qu’elle représente…