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Saint-Émilion : le classement n’est pas un long fleuve tranquille

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

28.10.2021

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Suite aux nouveaux rebondissements judiciaires de ce début de semaine, le classement 2012 de Saint-Émilion se retrouve encore sous les projecteurs, alors que la cour administrative d'appel doit prochainement rendre un avis définitif sur sa validation dans les prochaines semaines.

Depuis les premiers jours qui ont suivi sa divulgation en 2012, le classement de Saint-Émilion est dans la tourmente. Une double bataille judiciaire qui dure depuis près de dix ans, et qui en cette fin d'année 2021, alors que se profile déjà le prochain classement de 2022, semble approcher de son épilogue. Dernier épisode en date : la condamnation, ce début de semaine par le tribunal correctionnel de Bordeaux, d'Hubert de Boüard pour "prise illégale d'intérêts" (60 000 euros d’amende dont 20 000 avec sursis). Philippe Castéja, propriétaire du château TrotteVieille, qui était également poursuivi pour les mêmes faits, a été pour sa part relaxé. En revanche, comme l'indiquent nos confrères du journal Sud-Ouest, les trois châteaux qui avaient porté plainte (Corbin Michotte, Croque Michotte et La Tour du Pin Figeac, tous les trois évincés du classement 2012) ont été déboutés de leurs demandes, le tribunal estimant que le lien direct entre l’infraction et leur préjudice n’était pas démontré.

Désormais, les regards se tournent vers le classement de Saint-Émilion : de quelle façon cette décision de justice peut-elle affecter la validation du classement 2012 et éventuellement la mise en place du classement 2022 ? Pour l'instant, l'affaire est entre les mains de la cour administrative d’appel de Bordeaux, suite au renvoi du Conseil d’État en février dernier. La cour doit clôturer l'instruction au 2 novembre, ce qui signifie que sa décision de valider définitivement - ou non - le classement de 2012 devrait être dévoilée dans les prochaines semaines, vraisemblablement d'ici la fin de l'année. A priori, le jugement pénal et le jugement administratif sont décorrélés - reste à voir si la décision du tribunal correctionnel ce début de semaine va apporter du grain à moudre à la cour administrative.

"Un problème de fond" selon le Conseil des Vins

Du côté du Conseil des Vins de Saint-Émilion, alors que les procédures sont déjà bien avancées pour le classement de 2022 (non sans quelques remous, déjà, comme le retrait des emblématiques châteaux Cheval Blanc et Ausone), on avance dans un communiqué que "cette condamnation ne remet pas en cause la légitimité du classement dont la légalité relève de l’appréciation du juge administratif". Et de poursuivre : "L’ensemble du travail de sécurisation par l’INAO de la procédure de classement, conforté par les différentes décisions des juridictions administratives, doit permettre de poursuivre sereinement l’élaboration du prochain classement qui doit voir le jour en 2022".

De façon plus approfondie, Franck Binard, directeur du Conseil des Vins, estime pour Terre de Vins que "le contenu de la décision du tribunal correctionnel est tout d'abord injuste. Le Procureur de la République lui-même a dit qu'il n'y a aucune preuve de profit personnel dans cette affaire. Mais plus largement, cela pose un gros problème de fond sur la présence, à terme, des professionnels du monde du vin dans les instances de l'INAO, car il pourra toujours y avoir des interactions qui feront peser sur eux un soupçon de conflit d'intérêt. À mon sens, il en va de la relation structurelle qui lie les syndicats professionnels - à qui le code rural confie la mission de gérer et défendre les appellations - à l’INAO et au Ministère de l’Agriculture".

Dans son communiqué, le Conseil des Vins prédit "qu’en fonction de ce jugement les règles qui prévalaient dans la gestion de l’INAO en 2012 et jusqu’à ce jour ne seront plus les mêmes dorénavant", arguant que les professionnels du vin "qui s’engagent dans la défense et l’intérêt collectif devront veiller à ne pas prendre ou inciter à prendre des décisions ou orientations pour lesquelles ils pourraient se voir demain attaqués et condamnés. Cela risque de freiner voire remettre en question bien des engagements professionnels bénévoles qui sont pourtant la force de nos appellations".