Accueil Terroirs et Vignobles [Champagne] Le Syndicat des Vignerons confiant mais vigilant

[Champagne] Le Syndicat des Vignerons confiant mais vigilant

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

14.10.2022

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Le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne (SGV) tenait la semaine dernière sa conférence de presse annuelle. Si la situation générale s’avère positive, à l’image du millésime 2022, la vigilance reste de mise au regard des grands enjeux que va affronter la région dans les années à venir

Sans surprise, l’heure était plus tôt aux sourires lorsque le Président du SGV, Maxime Toubart, et le Directeur Général, Laurent Panigai, ont pris la parole pour présenter les premiers retours sur le millésime 2022. Ce dernier a mis l’accent sur les grands espoirs que porte ce millésime qui a été « quantitatif et extrêmement qualitatif, à l’image d’autres grands millésimes que furent les 2002 ou 1982 ». Les signaux sont en effet plutôt au vert puisque « les degrés moyens des raisins rentrés se situent autour de 10,5°, les acidités se sont bien tenues et l’état sanitaire était exceptionnel ».

M. Panigai a souhaité rappeler également que le millésime 2022 aura été le plus ensoleillé jamais enregistré ce qui devrait inévitablement « donner un profil particulier aux vins ». Un élément visible du changement climatique qui interroge les vignerons de champagne. Pour faire face aux problématiques des maladies, des années de recherche ont permis de faire homologuer un tout nouveau cépage dans le cahier des charges de l'appellation. Le voltis vient d'être validé le 8 septembre dernier par l'Inao et pourra être planté dès 2023 dans le vignoble. "ce cépage est résistant à l'oidium et au mildiou et pourra être planté dans des proportions limitées" a précisé M. Panigai. Une preuve de la prise de conscience de tous les acteurs de la filière quant aux grands enjeux de demain.

De réels motifs d'inquiétude

La situation commerciale de la Champagne s'avère particulièrement positive. 323 millions de bouteilles ont ainsi été commercialisées en 2021, en très forte hausse par rapport à 2020 impactée par le Covid (244millions de bouteilles). Les expéditions ont également retrouvé une belle dynamique avec des volumes en hausse de 15,5 % de janvier à août 2022 en comparaison de la même période en 2019, dernière véritable année de référence. Cette situation est très largement due à la bonne tenue de l’export (+26,7 %) en comparaison d’un marché français relativement stable (+1,2 %). Mais le triomphalisme n'est pas de mise et plus que jamais, le SGV tient à sensibiliser sur les difficultés à venir pour la filière, notamment auprès des pouvoirs publics. Comme dans la plupart des vignobles de l’Hexagone, la pyramide des âges montre un vieillissement des vignerons dont 63 % sont aujourd’hui âgés de plus de 50 ans en Champagne. Ceci implique qu’un vigneron sur deux partira à la retraite d’ici 10 ans. Se pose alors la question de la pérennité des exploitations, dont 1/3 ne sont aujourd’hui par reprises.

Le prix des vignes en AOC Champagne ayant connu une explosion au cours des 2 dernières décennies (x3,2 en 21 ans), le coût de transmission du foncier d’une exploitation représente en moyenne 5,4 années du résultat courant avant impôt. Pour les propriétaires bailleurs, ce ne sont pas moins de 28 années de revenus qui sont nécessaires pour pouvoir couvrir le montant des droits de succession. Sous l’impulsion du Premier Ministre Jean Castex, le député de la 3 ème circonscription de la Marne, Eric Girardin, a donc travaillé sur les coûts des successions dans le secteur viticole et son impact sur l’installation des jeunes dans ces vignobles à haute valeur ajoutée. Ses recommandations portent notamment sur la création d’un observatoire de l’évolution des coûts de transmission dans les vignobles pour pouvoir mieux anticiper les besoins d’évolutions notamment fiscales. De manière générale, une réforme de la fiscalité actuelle (montant des exonérations, révision de l’IFI notamment pour le bâti loué pour éviter sa vente compte tenu des valeurs élevés, totalement décorrélées des revenus générés…) permettrait selon lui d’apaiser une situation devenue particulièrement préoccupante.

Par ailleurs, la main d’œuvre disponible pour les vendanges connaît une baisse structurelle (70 000 contrats de vendangeurs signés en 2022 contre 121 000 en 2015) imposant le recours à des sociétés de prestation, ces dernières faisant essentiellement appel à de la main d’œuvre étrangère. Là encore, le SGV souhaiterait que l’exonération des charges salariales sur ces contrats soient de nouveau exonérées comme jusqu’en 2015 car cela permettrait d’augmenter les salaires de 10% et d’augmenter mécaniquement l’attractivité saisonnière. La révision des conditions d’hébergement, aujourd’hui plus drastiques que dans d’autres secteurs, permettraient également de faciliter l’accueil d’une main d’œuvre devenue aujourd’hui trop rare.