Mardi 15 Octobre 2024
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26.03.2015
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A la veille de la Semaine des Primeurs, parlons Bordeaux… blanc. Mais d’un blanc atypique. Ni sauvignon, ni sémillon, mais 100% chardonnay. Un vin produit par les vignobles Mouty et baptisé « Nouvelle Terre ».
Lorsqu’on parle de vins blancs à Bordeaux, on pense immédiatement aux cépages emblématiques de la région – sauvignon, sémillon, muscadelle… Certains, comme l’iconoclaste Dominique Léandre-Chevalier, dans le Blayais, s’essaient parfois à produire des « blancs de noir » à partir d’un autre cépage typiquement bordelais, le cabernet-sauvignon. D’autres vont encore plus loin, et s’affranchissent totalement des encépagements traditionnels pour tenter des aventures encore plus osées. C’est le cas des vignobles Daniel Mouty, qui ont lancé il y a quelques mois un blanc 100% chardonnay, baptisé « Nouvelle Terre ».
Quatrième génération
Entreprise familiale basée à Sainte-Terre, dans la Libournais, les vignobles Mouty ont fêté leurs 90 ans en 2013. Elle semble loin, l’époque où l’arrière grand-père auvergnat avait acquis ses premières vignes à Saint-Emilion. Aujourd’hui, les vignobles Mouty s’étendent sur 52 hectares, et déploient une jolie gamme de vins (trois bordeaux rouges, deux saint-émilions, deux pomerols, un bordeaux rosé) dont le succès repose principalement sur la vente directe, de la présence sur les salons grand public à celle sur le marché de Piraillan, sur la presqu’île du Cap Ferret.
Ces dernières années, Daniel Mouty, représentant de la troisième génération de vignerons dans la famille et président des vignerons indépendants d’Aquitaine, a été rejoint par ses enfants, Sabine et Bertrand. C’est ce dernier, passionné de musique et de voyages, qui a eu l’idée de se lancer dans la production d’un vin blanc « différent ». Il raconte : « à une époque nous produisions un blanc, mais c’était un assemblage classique bordelais, de sauvignon et sémillon. Nous voulions revenir à la production de blanc, mais en testant de nouvelles choses, en s’affranchissant du dogme des appellations, et en prouvant que le bordeaux blanc peut avoir un autre goût que celui du sauvignon ».
Trouver le bon terroir
Grand amateur de blancs de Bourgogne, Bertrand Mouty s’est fixé l’objectif de produire du chardonnay dans le Bordelais. En Vin de France, forcément – aucune AOP girondine n’incluant ce cépage dans les décrets d’appellation. Restait à trouver les terroirs : « nous avons trouvé les sols appropriés sur le coteau de Génissac », explique Bertrand Mouty. « Ce sont des sols très calcaires, propices à la production de chardonnay. C’est ici que nous avons planté 1, 8 hectare en 2010 ».
Trois ans plus tard avait lieu la première récolte. Un premier millésime marqué par les conditions difficile de l’année 2013, associées à des vendanges manuelles et un tri drastique de la vendange. Résultat : peu de volumes, à peine 25 hl/ha (soit une production de 3000 bouteilles). « L’objectif était de ne pas faire un vin trop vif », souligne Bertrand Mouty. « Il fallait récolter tôt le matin pour garder la fraîcheur, ne pas dépasser 16-18° pour ne ps faire partir les arômes. Pressurage direct et très doux en grappes entières, démarrage de fermentation en cuve, puis on met tout en barriques (bourguignonnes) : un tiers de bois neuf, un tiers de barriques d’un vin, un tiers de barriques de deux vins. Bâtonnage sur lies, malos en barriques. des élevages courts, huit mois à peine – le fait est que nous avons moins d’acidité qu’en Bourgogne – pour que le bois ne marque pas les vins mais leur donne de la structure ».
L’attention à chaque détail
Il semble clair que Bertrand Mouty n’a pas voulu faire un « coup » en lançant ce vin, mais un produit bousculant les codes, dont il serait fier. Il « chouchoute » son chardonnay, et c’est encore plus palpable avec le millésime 2014, encore en cours d’élevage : la part de bois neuf a été réduite, le fruit est plus éclatant que sur le 2013, la vivacité est plus tranchante. Mais l’on a toujours le profil gras, ample et légèrement beurré recherché par le viticulteur. Et bonne nouvelle, ce millésime 2014 sera produit à hauteur de 5400 bouteilles, à la faveur d’une récolte plus abondante.
L’attention portée à cette cuvée « Nouvelle Terre » va jusqu’au packaging, très soigné : bouteille bourguignonne, étiquette élégante évoquant les explorateurs de jadis, bouchon en verre… Le tout pour un prix (18 € à la propriété) qui n’a pas à rougir face à certains blancs de Bourgogne.
Le joli accueil fait à « Nouvelle Terre » par les cavistes et restaurateurs est loin d’inciter Betrand Mouty à se reposer sur ses lauriers. L’homme fourmille déjà de nouvelles idées. Une cuvée ultra-limitée du château du Barry, le saint-émilion « historique » de la famille. Et, qui sait, un autre blanc atypique ? « Et pourquoi pas du riesling ? »
Mathieu Doumenge
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