Accueil Plan dépérissement : les bonnes pratiques qui vont (peut-être) sauver le vignoble

Plan dépérissement : les bonnes pratiques qui vont (peut-être) sauver le vignoble

Thomas Chassaing, conseiller viticole de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire (vignoble d’Anjou et Saumur) montre les systèmes racinaires d’un « vieux » pied, contre un jeune plant.

Auteur

Julie
Reux

Date

18.06.2018

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Les Chambres d’Agriculture ont lancé un plan national de trois ans et 10 millions d’euros contre le dépérissement du vignoble. Rassemblés en réseaux en Charentes, Val de Loire et Rhône-Provence, 300 vignerons cherchent des moyens de prolonger la vie du vignoble.

10% de « manque à produire » par an en France, soit 4,6hl/ha. C’est la conséquence évaluée du vaste phénomène de dépérissement du vignoble. Et ça varie selon les régions. Pour les vignerons de Charentes, la perte dépasse les 10hl /ha pour 50% des vignerons interrogés.

Face à ce phénomène, 29 réseaux de vignerons et pépiniéristes ont été créés fin 2016 en Charentes, Val de Loire et Rhône-Provence, sous l’égide des Chambres d’Agriculture. Les viticulteurs y testent des itinéraires techniques ou des nouveaux systèmes de culture, en prenant en compte les contraintes organisationnelles et économiques. L’objectif de ce « plan dépérissement » 2017-2020, qui mobilise aussi les interprofessions viticoles et l’INRA, est que les nouvelles connaissances qui émergeront de ces groupes « pionniers » se diffusent directement au cœur du vignoble. Plusieurs « bonnes pratiques » visant à maintenir la productivité des parcelles et à prolonger l’espérance de vie des ceps sont d’ailleurs déjà largement répandues.

• Taille respectueuse des flux de sève
• Complantation
• Sélection massale (bouturage des meilleures vignes de la parcelle)
• Recépage
• Curetage
• Essais de produits
• Choix du matériel végétal

L’amélioration des techniques de taille est souvent la première technique adoptée. La taille » Guyot-Poussard », autrement appelée « taille respectueuse des flux de sève », permettrait ainsi de prévenir l’apparition d’amadou et de bois mort. Mais si cette technique est déjà très répandue en Loire (utilisée par 76% des vignerons en Indre-et-Loire par exemple), où elle a été depuis longtemps mise en avant par le SICAVAC (Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d’Analyses du Centre), elle reste minoritaire en Rhône-Provence (27%).

Ci-dessous : un pied de vigne mort coupé en deux. On y voit de l’amadou et des flux de sève contrariés.

Le curetage, qui consiste à enlever à l’aide d’une petite tronçonneuse les morceaux de bois mort (comme pour « amputer » le cep des parties gangrénées) semble aussi avoir fait ses preuves. Mais tous ces gestes requièrent de la technicité et donc des formations (y compris pour les conseillers viticoles), que les Chambres développent de plus en plus.

Longue vie au cep

Il faut bien aussi, pour maintenir la productivité des parcelles, « boucher les trous » et remplacer les pieds morts. Pépiniéristes et vignerons commencent à se pencher sur l’importance de la qualité du « matériel végétal », des ceps qui vont être replantés. Mais d’autres techniques sont aussi expérimentées, notamment en val de Loire (grâce encore au SICAVAC), comme le recépage ou le surgreffage. La première technique consiste à laisser croître un « gourmand » (un rameau qui surgit au pied du cep) plusieurs années, jusqu’à ce qu’il soit assez gros pour devenir le tronc principal (l’ancien pied est alors coupé). La technique est économique (3€ par pied au lieu de 9€ pour une plantation), mais tous les cépages ne s’y prêtent pas.

Ci-dessous : Thomas Chassaing fait une démonstration de surgreffage.

Le surgreffage est plus technique : lorsqu’un cep meurt, plutôt que de tout arracher, la souche américaine (tous les ceps français sont greffés sur des pieds américains) est conservée avec son réseau racinaire, et un nouveau rameau est greffé dessus. Le geste requiert de la précision et donc du temps de main d’œuvre. Mais, énorme avantage, ce nouveau pied produit du raisin dès l’année suivante (demi-récolte)… au lieu de 3 à 5 ans pour une plantation classique.

Plus de 70 facteurs de dépérissement identifiés

Toutes ces techniques s’additionnent souvent, et une étude « scientifique » de leurs effets et coûts permettront d’affiner les process. Mais la lutte contre le dépérissement souffre encore d’un désavantage majeur : les causes du phénomène restent très floues. Matériel végétal médiocre ? Pression de maladie plus forte ? Changements climatiques ? Mécanisation ? Mauvaises pratiques ? Surexploitation ? Phytosanitaires ? Plus de 70 facteurs de dépérissement sont identifiés dans les « autopsies » de ceps morts, mais ce qui fait qu’un pied meurt tandis que son voisin vit reste mystérieux. Des observatoires se mettent peu à peu en place pour mieux comprendre ce qui tue les pieds de vigne, et 3 millions d’euros du plan (sur 10) sont consacrés à la recherche.

Le dépérissement est « aussi vieux que la vigne », analyse Bernard Artigue, vigneron bio à Bordeaux et président de la Chambre d’Agriculture de Gironde et de la commission viticulture des APCA (France). Mais depuis le début des années 2000 et le tournant du « changement climatique » (mais aussi l’interdiction de l’arsenite de soude, contre les maladies du bois), l’ampleur du phénomène vient à menacer la survie des exploitations, confrontées à des baisses de productivité. Pour le vigneron bordelais, le dépérissement, « c’est un peu notre phylloxéra du 21e siècle ». Et de fait, résume le Bordelais, « 5% de pertes par an, c’est simple à calculer : si on ne fait rien, dans 20 ans on n’a plus de vignoble. »

Plus d’infos (plans de recherche, fiches techniques, formations, etc.) sur plan-deperissement-vigne.fr