Mercredi 16 Juillet 2025
Le chenin ©DR
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15.07.2025
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Lancé à l’initiative d’InterLoire et du collectif Fan de chenin, l'Observatoire Mondial du chenin entend s’imposer comme la source de référence du chenin, en matière de production, de consommation et d’économie. Il dresse aujourd’hui un état des lieux précis du cépage dans 29 pays producteurs, en offrant une vision inédite de ses dynamiques viticoles et commerciales à l’échelle internationale. Si la Loire et l’Afrique du Sud se taillent la part du lion, les tendances mondiales montrent un rééquilibrage discret mais prometteur.
En 2023, le chenin était cultivé dans 29 pays, mais 98 % des 31 200 hectares recensés se concentrent sur cinq d’entre eux : Afrique du Sud (52 %), France (34 %), États-Unis (6 %), Argentine (5 %) et Australie (1 %). L’Afrique du Sud reste le premier pays producteur, avec 16 200 hectares, suivi par la France (10 700 ha), où la Loire en concentre 92 %.
Le chenin accuse une baisse de 13 % à l’échelle mondiale sur les 15 dernières années, soit -4 700 ha. Le recul touche surtout l’hémisphère Sud (-18 %), tandis que la Loire fait figure d’exception avec une progression de +12 % (+1 030 ha). Fait marquant : les plantations récentes (vignes de moins de 20 ans) y représentent 68 % des surfaces, signe d’un dynamisme certain. À l’inverse, l’Afrique du Sud, bien que dominante, affiche une baisse de -13 %, malgré une part croissante du cépage dans son encépagement global (de 17,9 % à 18,4 % entre 2013 et 2023). La cause ? Des sècheresses répétées entre 2016 et 2019, qui ont réduit les volumes récoltés et donc ensuite plantés. Les coupures de courant fréquentes nuisent également à l’irrigation et aux vendanges, ce qui a entraîné des rendements plus faibles sur la récolte 2023. Egalement depuis les années 2000, les coûts ont progressé beaucoup plus vite que les prix payés aux vignerons (coûts +130 % vs revenus +80 % sur 2005‑2017), rendant la viticulture peu rentable. Enfin, on privilégie désormais des rendements limités pour des vins haut de gamme : la « premiumisation » du chenin fait baisser la surface plantée à haut rendement. Cette stratégie, même si positive en termes de réputation et de qualité, conduit à une baisse du volume global.
Historiquement implanté par les moines de la Loire, le chenin est l’un des rares cépages capables de produire toute la gamme des blancs : secs, liquoreux, effervescents. En Afrique du Sud, il passe de cépage de distillation à vitrine du haut de gamme blanc (notamment à Stellenbosch et Swartland).
En 2024, le chenin représentait 136 millions de bouteilles consommées dans le monde : 85 millions en vins tranquilles, 51 millions en effervescents. Si 60 % des surfaces sont situées dans l’hémisphère Sud, 80 % des bouteilles sont bues dans le Nord, et notamment en Europe.
Pour les vins tranquilles, l’Allemagne domine (20 % de la consommation mondiale), suivie de la France (17 %), du Royaume-Uni (11 %), de la Suède (9 %) et des Pays-Bas (5 %). Toutefois, ce segment est en recul depuis 2019 (-6 %), avec des pertes importantes au Royaume-Uni (-25 %) et aux Pays-Bas (-41 %), compensées en partie par la dynamique de marchés émergents comme la Russie (+322 %), la Chine (+400 %) et les États-Unis (+19 %).
Les effervescents, quant à eux, connaissent un engouement constant (+37 % en 5 ans), notamment en France, où 2 bouteilles sur 3 sont consommées localement. Les consommateurs se tournent de plus en plus vers des formats effervescents, perçus comme plus festifs, modernes, ou adaptés à de nouvelles occasions de consommation. L’Allemagne (10,3 millions de cols), le Royaume-Uni et la Belgique-Luxembourg figurent dans le Top 5, mais la montée des États-Unis (+71 % en 5 ans) et de la Suède (+133 %) est significative.
Le chenin séduit particulièrement les jeunes adultes urbains. Aux États-Unis, il compte 11,1 millions de consommateurs (dont 3 millions de plus depuis 2019), avec une proportion plus élevée de moins de 35 ans. Au Royaume-Uni, 21 % des consommateurs de vin déclarent en boire au moins une fois par an. La Chine se distingue avec 7,7 millions de consommateurs issus des classes moyennes urbaines. Globalement, les amateurs de chenin manifestent un intérêt plus marqué pour le monde du vin que la moyenne, un levier intéressant pour les prescripteurs. Le recul du chenin en vin tranquille s'explique par un changement de goût des consommateurs, un basculement des stratégies de production et de communication vers les effervescents, et une recherche de produits plus différenciants ou festifs dans un marché concurrentiel.
Selon le Wine Trade Monitor qui décrypte les perspectives du marché mondial du vin, le chenin est le 3e cépage blanc « à potentiel » derrière le Chardonnay et le Sauvignon. Il est plébiscité par les opérateurs au Royaume-Uni, au Canada et en Belgique, où il entre dans le top 3 des cépages les plus attendus tous profils confondus.
En France, plusieurs appellations intègrent aujourd’hui le chenin dans leur VIFA (Variétés d’Intérêt à des Fins d’Adaptation), soulignant son intérêt face aux enjeux du changement climatique. Côté distribution, les cavistes adhérents au réseau « Fan de chenin » prévoient une progression de leurs ventes dans les deux prochaines années (68 % d’entre eux).
En dépit d’une contraction globale des surfaces, le chenin affiche des signaux forts : rajeunissement des vignes, premiumisation des styles, conquête de nouveaux marchés et reconnaissance accrue par les professionnels. De la Loire aux Western Cape, il s’impose comme un cépage d’avenir, résilient, inspirant et parfaitement dans l’air du temps.
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