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Penfolds dévoile ses ambitions pour Bordeaux

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

23.09.2025

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Le géant du vin australien vient de dévoiler la nature de ses projets pour le vignoble bordelais, quatre ans après avoir entamé ses premiers investissements dans le Médoc. Entre vins de marque et œnotourisme haut de gamme, le pilier du groupe Treasury Wine Estates semble vouloir insuffler une nouvelle énergie dans la région… et faire sérieusement bouger les lignes.

En 2019, le groupe australien Treasury Wine Estates faisait l'acquisition du château Cambon La Pelouse, cru bourgeois exceptionnel. En 2021, ce même groupe annonçait le rachat de trois propriétés médocaines à la famille Mulliez : les châteaux Belle-Vue, Bolaire et Gironville. Puis en 2022, c'est le château Lanessan, emblématique propriété du Haut-Médoc jouxtant Saint-Julien et ayant longtemps appartenu à la famille Bouteiller, qui entrait dans l'escarcelle du géant des antipodes, dont l'entité phare est Penfolds, marque au rayonnement international. Depuis, peu ou pas de nouvelles concernant la suite de ces acquisitions et le cap réellement donné par l'équipe Penfolds à ces propriétés médocaines. On y voit désormais plus clair, suite aux annonces faites (en grande pompe) par le groupe, dans le cadre du château Lanessan qui devient l'épicentre des ambitions bordelaises de Penfolds.

La vigne et le vin d'abord

D'abord un point d'étape sur le vignoble : avec 70 hectares plantés dont 20 replantés en trois ans, auxquels s'ajoutent 20 nouveaux hectares qui devraient être plantés d'ici 2028, Lanessan représente un potentiel approchant les 100 hectares de vignes. Auxquels s'ajoutent également les 85 hectares de Cambon La Pelouse, Belle-Vue, Bolaire… Bref, un sérieux potentiel de production, supervisé par le directeur technique Pablo Laborde, qui constitue le socle des cuvées que Penfolds souhaite produire à Bordeaux, soit deux références à ce jour : FWT 585 et FWT 543. FWT pour « French Winemaking Trial », le 585 étant un « Bordeaux blend » typique mariant cabernet sauvignon, merlot et petit verdot ; tandis que le 543 assemble cabernet sauvignon et syrah. Dans les deux cas, Penfolds s'autorise à assembler des raisins aussi bien issus de vignobles en propre que d'achats extérieurs (y compris sur le 585 où les achats peuvent se faire jusque sur la rive droite) : ces deux cuvées sont donc en Vin de France. Un signal net donné par l'opérateur australien, qui entend apporter son énergie, sa force d'investissement et son côté disruptif à la région bordelaise, sans hésiter à s'extirper du cadre des AOC — par les temps qui courent, voilà une pratique qui se révèle de moins en moins taboue. Cette approche s'inscrit totalement dans l'ADN de Penfolds, géant qui a fêté ses 180 ans en 2024 et qui a eu dès sa création pour singularité de composer des vins issus de différents terroirs australiens. L'héritage laissé par le grand œnologue Max Schubert, qui visita Bordeaux en 1950 et en revint avec l'idée de créer son « grand cru » Grange, est encore vivace au sein de la maison, toujours très ouverte aux expérimentations.

Pablo Laborde, directeur technique des vignobles Penfolds à Bordeaux. ©DR

Injecter une nouvelle énergie à Bordeaux

Et en termes d'expérimentations, Bordeaux constitue un « terrain de jeu » inestimable pour Penfolds. Comme le souligne Peter Gago, l'incontournable « chief winemaker » de Penfolds depuis 2002 : « les Bordelais l'ont sans doute eux-mêmes oublié, mais quand il s'agit de parler de grands vins, peu de régions peuvent se hisser au niveau de Bordeaux. Bordeaux, ce n'est pas seulement les grands châteaux, le prestige, ce sont des terroirs, des savoir-faire, une tradition viticole de grande précision. À titre personnel, j'ai toujours eu beaucoup de vins de Bordeaux dans ma cave, en Australie. Donc pour nous, il était normal de venir un jour faire de grands vins ici. C'est pourquoi nous avons fait ces acquisitions en quelques années, de Cambon la Pelouse à Lanessan. Nous avons pris le temps de bien connaître ces lieux, ces terroirs, car tout part de là. Du sol, des vignes, du vin. C'est ce que nous ferons à ce niveau qui perdurera dans plusieurs décennies. Nous allons maintenir la qualité des vins, de nos références FWT 585 et FWT 543. Nous n'excluons pas de produire plus tard des parcellaires très identifiés. Et bien sûr nous conservons la marque Château Lanessan. Ensuite vient le reste du projet, autour de l'hospitalité, de l'œnotourisme. L'histoire de Bordeaux a toujours été vitalisée par des énergies venues d'ailleurs, et nous espérons apporter notre pierre à l'édifice. »

Un projet œnotouristique en plein Médoc

Peter Gago évoque un projet d'hospitalité et d'œnotourisme, et ce dernier constitue en effet le deuxième pilier du projet dévoilé par Penfolds, dont le château Lanessan est l'épicentre : tout d'abord, un projet de nouveau chai, à la fois intégré au paysage, ultra moderne et durable, est conduit par l'architecte Audrey Pédezert (Atelier Mazières). Les travaux doivent commencer au printemps prochain pour une livraison pour les vendanges 2028. Le château Lachesnaye, vignoble anciennement rattaché à Lanessan bénéficiant d'un bâtiment du XIXᵉ siècle, intégrera la partie accueil des visiteurs, boutique, dégustations… Des offres de restauration et d'hébergement sont à l'étude pour proposer une « expérience unique » aux amateurs qui viendront à Cussac-Fort-Médoc. Lanessan disposant déjà d'un environnement exceptionnel (200 hectares de parcs et forêts, un musée du cheval, une grande verrière), les perspectives œnotouristiques du lieu semblent considérables. Maintenant que le cap est officiellement donné, il ne reste plus que quelques années à attendre pour voir surgir de terre cette enclave australienne dans le Médoc qui bénéficiera, à n'en pas douter, de toute la puissance de la marque Penfolds.

©DR