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Astros, l’exception provençale

Astros

Château d'Astros © Studio BaALT

Auteur

Yves
Tesson

Date

28.12.2025

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Bien plus qu’un domaine viticole, le château d’Astros est un héritage quasi spirituel, le lieu d’inspiration de la famille Maurel depuis neuf générations dans tous les grands projets entrepreneuriaux et philanthropiques qu’elle a pu mener à travers le monde, de la banque marseillaise du grand-père aux start-ups humanitaires des petits-enfants

À l’époque où la via Aurelia traversait le domaine, l’endroit était déjà un lieu de culte. Un temple romain s’élevait là où fut édifiée plus tard la chapelle Saint-Lambert, un évêque guéri par la source miraculeuse abritée dans la crypte. Trésor spirituel, mais aussi temporel : dès le XIIIe siècle, les Templiers exploitèrent la qualité de cette terre fertilisée par les alluvions déposés par la rivière de l’Argens. Banquiers de Philippe Le Bel, leur fortune faisait de l’ombre au monarque qui les envoya au bûcher. Le domaine fut récupéré par l’Ordre de Malte qui érigea la ferme en Commanderie. Le prieuré du XVIIe siècle est un vestige de cette période, de même que le chai de vinification qui sert encore à l’élaboration des rouges.

À la Révolution, comme tous les biens de l’Église, l’ensemble est confisqué par l’État. Un notaire se porte acquéreur mais oublie de payer. Si bien qu’en 1802, alors que Napoléon cherche des fonds pour financer ses campagnes, le gouvernement remet aux enchères le domaine. Cette fois, c’est un savonnier de Marseille, Maximin Martin, qui devient propriétaire. Agronome, il fera bâtir deux aqueducs de 84 mètres de long pour assurer l’irrigation des cultures. Quant à son petit-fils, Marc Maximin Martin, il édifie en 1842 un étonnant château dans le style Renaissance italienne. C’est derrière les quatre lions en bronze qui ornent l’entrée de l’allée que la famille de Marcel Pagnol se dissimule dans une scène devenue culte du « Château de ma mère ». 

Au décès de Marc Maximin, la propriété qui compte 900 hectares, passe à son neveu Joseph Maurel, issu d’une famille d’armateurs de la cité phocéenne, dont l’homonymie avec les Morrel du « Comte de Monte Cristo », exerçant le même métier à Marseille, est troublante ! Du financement des expéditions maritimes à la banque, il n’y a qu’un pas, que son petit-fils Robert Maurel, polytechnicien, franchit en 1929. Le moment pour fonder son établissement est bien mal choisi avec l’éclatement de la première grande crise économique mondiale. Pour autant, l’entreprise ne périclite pas et ouvrira même des agences dans la seconde moitié du XXe siècle à Monaco, Lyon et Paris. Marc, son petit-fils, raconte : « Dans le Var, on surnommait notre grand-père le banquier paysan. Son travail d’agriculteur nourrissait son approche de la finance. Il disait, quand il y a de mauvaises années en bourse, cela ne m’inquiète pas, parce que j’ai l’habitude des mauvaises récoltes. Mon père Bernard a pris sa suite avec la même philosophie, il a aujourd’hui 95 ans et il est toujours propriétaire du domaine. »

La banque Maurel fusionnera finalement avec la banque Rothschild & Cie en 2017, une famille que les Maurel ont soutenue pendant la Seconde Guerre. Les Maurel sont toujours au conseil d’administration et constituent le deuxième plus gros actionnaire. Les échanges avec les Rothschild ne se limitent bien sûr pas à la banque. Entre grands vignerons en perpétuelle recherche de solutions pour rendre la viticulture plus durable, ils partagent aussi beaucoup. 

Pendant ce temps, au domaine, la grande et la petite histoire ont continué à se croiser. Au cours de la Seconde Guerre, le château est occupé et la famille cantonnée dans la maison du cocher. La réserve de munitions entreposée par les Allemands est bombardée par les Américains, provoquant beaucoup de dégâts. En 1947, le général De Gaulle, lors d’un banquet au château, y lance son nouveau parti, le Rassemblement pour la France.

Banquier et paysan !

Que retenir de la gestion du château d’Astros par ce grand-père banquier ? D’abord et avant tout une approche qui fut paradoxalement tout sauf pécunière. « Une façon de rentabiliser au mieux Astros aurait été de construire dix lotissements. Il ne l’a pas souhaité. Et aujourd’hui, nous sommes par contrecoup dans une situation où nous avons entre les mains quelque chose de très singulier, un domaine de 680 hectares vierge de toute construction dans une zone où la pression immobilière est particulièrement forte. Un patrimoine de biodiversité inestimable », confie Marc. Une partie du domaine est de fait classée Natura 2000, regorgeant d’espèces endémiques comme les cistudes et surtout les tortues terrestres d’Hermann.

Cette richesse, les Maurel ont toujours voulu la partager avec le public. Ainsi, davantage encore que pour ses vins, Astros est connu en Provence pour sa cueillette de pommes, une tradition née dans les années 1980 où toutes les familles de la région se pressent en septembre. Le domaine souhaite la maintenir malgré les coups de gel printaniers de plus en plus fréquents en misant sur de nouvelles variétés plus tardives. L’objectif est en effet de rester en polyculture. Les parcelles dédiées à la vigne alternent avec les oliviers, les vergers, les pois chiches, tandis que les moutons qui s’inscrivent dans un système d’agropastoralisme paissent une partie de l’année.

Aujourd’hui, c’est Bruno Maurel, le frère cadet de Marc, qui assure la gérance. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son profil est atypique – même s’il est en phase avec la vocation spirituelle initiale du lieu. Religieux dans la communauté fondée par Jean-Joseph Allemand, il nous explique que « c’est l’un des rares statuts de prêtre où on peut exercer un métier. Comme la vocation de notre communauté est tournée vers le service des jeunes, on considère qu’il est important que les éducateurs sachent ce qu’est la vie. La Bible évoque beaucoup le travail de la vigne. L’avantage, c’est que dans mes homélies je sais de quoi je parle ! »

Rien de surprenant du reste à ces deux casquettes dans une famille où tous les membres ont toujours été des double-actifs, et cela y compris pour la génération des neveux de Bruno avec laquelle la transmission est déjà bien engagée. En parallèle de leurs différents projets professionnels, tous sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans le développement du domaine. Emma Aubert, la fille de Lucie, sœur aînée de Bruno, s’émerveille : « Ce qui est frappant chez mes cousins, c’est le nombre d’entrepreneurs. Parmi la jeune génération, au moins 50 % ont créé leur propre entreprise. À chaque fois, Astros a constitué pour eux à la fois une source d’inspiration et, en même temps, leur nouvelle activité a été un moyen d’enrichir le domaine par de nouvelles compétences et de nouveaux projets. » 

Une ribambelle de neveux très dynamiques

Il y a d’abord les enfants de Marc. Valentin et son petit-frère Jules ont fondé une entreprise d’import-export de vins et spiritueux à Hong Kong qui distribue une partie des cuvées d’Astros. Le troisième frère, Tristan, a créé une entreprise de viande végétale qui fonctionne incroyablement en France et aux États-Unis. Grand défenseur de la cause animale, son rêve est de cultiver un maximum de protéines végétales à Astros. Alice, sa sœur psychologue, imagine transformer la commanderie en un espace dédié à des sortes de retraite. « Ce qui est magique en effet à Astros, c’est cette complémentarité entre les deux lieux, le château dont la construction a été conçue pour accueillir de grandes fêtes, avec cette enfilade de salons de réception et cette architecture très chargée et de l’autre la commanderie, beaucoup plus tournée vers l’introspection. D’un côté le "tox", de l’autre le "détox" ! », s’amuse Emma.

Puis viennent les cousins installés en Amérique latine, les enfants d’Agnès Dussaud, elle-même passionnée par l’agriculture syntropique dont les préceptes s’inspirent du fonctionnement de la forêt amazonienne et qui doit permettre de régénérer les sols. Sa fille Manon a installé partout au Brésil des panneaux solaires et elle aimerait en doter Astros. Quant à son frère Rémi, il fait de la pisciculture durable en Australie et il souhaite réhabiliter l’ancien vivier du prieuré. 

Une idée qui intéresse de près Emma Aubert. Après des études de géopolitique, elle a rejoint une ONG travaillant sur la transition écologique sur le pourtour méditerranéen. Astros est pour elle évidemment un cas d’école où elle essaie, en lien avec des hydrologues de l’agence Permalab, de trouver toutes les solutions qui permettront de cultiver chaque goutte d’eau. « Cela passe par la réhabilitation de bassins historiques, mais aussi par une manière de planter les vignes de sorte que l’eau ne ravine pas directement vers la vallée, mais soit retenue et pénètre ainsi les sols. »

Tout comme leur cousine Alice, ses deux frères Paul et Louis s’intéressent davantage à la partie hospitalité. Paul, qui habite aux États-Unis où il rénove des vans pour en faire des campings cars, aimerait en mettre à disposition au château. Louis avait créé une société développant des « Smart Audio Services » afin de mettre la musique au service des entreprises, des lieux et des événements. Au moment du Covid, il a vu son activité temporairement suspendue ce qui lui a permis de s’intéresser de plus près à Astros et de réfléchir avec son épouse Élodie au repositionnement marketing de la gamme, ainsi qu’à la création d’une offre événementielle jusque-là inexistante au château. Aujourd’hui, Astros organise des concerts, propose des expériences culinaires, accueille des séminaires, avec en tout plus de 30 000 visiteurs par an ! Quant à la gamme, elle reflète l’esprit du lieu, ce lien entre la terre et le ciel que figure le logo redessiné. Celui-ci représente un astre, en écho aux douze nymphes du zodiaque peintes dans la coupole du château.

Les nouveaux habillages viennent sublimer des vins d’une grande finesse, certifiés bio depuis 2020. La moitié est en IGP Var, l’autre en Côtes-de-Provence. Les premiers proviennent des terroirs alluvionnaires de l’Argens, dont la richesse produit des vins de plaisir au fruit généreux. Les seconds sont en grande partie issus de la parcelle de la Pègue, qui signifie littéralement en Provençal « collant », en référence au raisin si concentré et sucré sur ce terroir plus caillouteux, très bien exposé à la fois au soleil et au vent, produisant des vins plus complexes.

Château d'Astros © Studio BaALT
Château d'Astros © Studio BaALT

Terre de vins aime

Château d’Astros Amour blanc 2024 AOP Côtes-de-Provence

Un 100 % rolle qui mise sur la pureté du fruit avec une vinification exclusivement en inox. La fraîcheur est parfaitement préservée tirée par des agrumes bien vifs, traçants, que viennent enrober quelques notes de miel et de fleurs blanches. On joue ici vraiment sur le registre de la finesse et de l’élégance qui conviendra parfaitement pour accompagner un turbot à la crème ou un saumon mariné au citron.
17 € TTC


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