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À Baumanière, la cave a toujours été trois étoiles

Gilles Ozzello et Alain Gousse ont travaillé pendant quelques mois ensemble avec l'officielle passation des pouvoirs. (Photo JB)

Auteur

Jean
Bernard

Date

13.02.2020

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Après trois décennies passées à espérer le retour de la troisième étoile, le restaurant phare des Baux-de-Provence renoue avec son passé prestigieux. Pas vraiment une révolution pour les sommeliers qui ont toujours veillé à entretenir l’héritage laissé par Raymond Thuilier.

Des trois nouveaux restaurants récemment estampillés trois étoiles par Michelin en 2020, il en est un qui est tout particulièrement chargé d’histoire.
Ici en Provence, de la même manière que son grand-père, Raymond Thuilier, l’avait appelé en 1969 à ses côtés pour l’aider à poursuivre son œuvre, Jean-André Charial a choisi la jeunesse de Glenn Viel pour donner le tempo en cuisine. C’était il y a cinq ans. Un tandem à la fois complice et marqué par le respect qui signe donc, en ce début d’année, un retour au sommet de la gastronomie française. Retour espéré depuis trente ans car de 1954 à 1990 la table de l’Oustau de Baumanière avait déjà fait briller trois étoiles au-dessus des Baux-de-Provence.

« J’ai vécu cette époque-là à partir de 1978, raconte Gilles Ozzello jeune retraité et ancien chef sommelier de la maison. Raymond Thuilier était un personnage attachant qui de temps en temps m’appelait pour que je lui présente un vin choisi par un client. Il le goûtait du bout du nez car c’était un buveur d’eau. En revanche, c’était un visionnaire. Nous avons été sans doute le premier restaurant à proposer un menu végétarien. Et concernant le vin, il investissait de la même manière qu’il le faisait pour améliorer le confort de l’Oustau. » Des choix longtemps orientés vers les grands châteaux bordelais. « La clientèle était très parisienne et plutôt orientée ainsi. La Bourgogne était bien représentée aussi mais surtout par les maisons de négoce. Une situation que j’ai faite évoluer pour orienter la carte vers des vins de vignerons. »

Jusqu’à 100.000 bouteilles !

Gilles Ozzello se souvient que le stock a atteint jusqu’à 100.000 bouteilles. « Pour une raison simple, nous achetions beaucoup et nous laissions ensuite le vin arriver à maturité. L’Oustau à la chance de pouvoir bénéficier d’une cave exceptionnelle creusée dans le rocher qui offre des conditions optimales pour laisser le temps au temps. Car nous n’étions pas pressés de vendre. C’est comme cela que j’ai vu à mes débuts deux bouteilles de château Lafite 1865 être vendues le même jour ! »

Jean-André Charial a assuré son chef sommelier de la même confiance avec une seule orientation, pas de vins étrangers, si ce n’est de Porto, à la carte. « C’est un homme qui aime le vin et qui en produit. Et si nous réduisions nos achats après avoir perdu la troisième étoile, il savait aussi valider mes choix lorsque c’était nécessaire. Car il fallait tout de même investir en pensant au futur et faire de notre carte qu’elle demeure toujours aussi attractive. »

Une carte et une cave placées sous la responsabilité d’Alain Gousse depuis 18 mois. Comme son prédécesseur, il profite des allocations historiques qui constituent 80% des rentrées annuelles de bouteilles. « Le volume est aujourd’hui d’environ 50.000 bouteilles pour un total de 4.000 références françaises et bien sûr quelques Portos. Parmi les dossiers que je souhaite évoquer avec Jean-André Charial avant l’ouverture prévue le 6 mars, il y a la volonté d’ouvrir la carte sur le monde. L’Italie me semble prioritaire de même que l’Allemagne et l’Autriche pour les liquoreux. Il y a de grands vins dans ces pays qui seraient cohérents avec la cuisine du chef même si avant tout notre mission est de mettre en avant les vins de Provence et des Alpilles en particulier. »

Esprit d’ouverture

Un esprit d’ouverture qui s’est traduit par l’intégration de nouveaux domaines. Alain Gousse de citer Pierre-Jean Villa (Condrieu), Ulysse Collin (Champagne), Bellivière (Jasnières), Gilles Berlioz (Savoie)… « J’ai également la volonté de mettre en place une collection de vins jaunes. »
Quant aux vins natures, « aucune porte n’est fermée et ils ont leur place à la carte s’ils sont bien maîtrisés et sans déviance aromatique. Il est trop difficile d’expliquer aux clients qu’il peut y avoir cinq vins différents en une seule bouteille en fonction de la période où on le sert ! »

Quant à ces trois étoiles, elles ne vont pas bousculer l’ordre établi en matière de vins au verre. « C’est indispensable d’associer choix et qualité. Au sommelier ensuite de savoir faire tourner l’offre qui se structure autour de cinq blancs, cinq rosés et cinq rouges, sans oublier trois champagnes dont une cuvée qui nous est propre, un 100% chardonnay issu d’Avize. »
Forte de quatre sommeliers hors saison et six d’avril à septembre, l’équipe sera prête le jour J. Celui espéré pendant trente ans…