Mardi 5 Novembre 2024
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21.10.2015
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Le 16 septembre, en pleine vendange, Alexandre Bain, vigneron de Pouilly-Fumé, affolait les réseaux sociaux en annonçant que l’INAO lui refusait son appellation contrôlée. Un mois plus tard, sa récolte est rentrée, mais quelle étiquette portera-t-elle ?
Installé à Pouilly Fumé depuis 2007, Alexandre Bain, est vite devenu un chouchou des sommeliers branchés comme des amateurs d’écologie et de vin « nature ». Son vin est parfois retoqué par les commissions d’appellation, mais il finit toujours par obtenir le label. Mais cet été, le vigneron est convoqué par l’OIVC, l’entreprise à laquelle l’INAO, Institut national de l’origine et de la qualité, délègue le contrôle technique. Le rendez-vous est pour le 20 août, mais quelques jours auparavant, l’OIVC annule et le re-convoque pour le 3 septembre. Alexandre Bain demande alors un report, arguant la proximité des vendanges. Sa requête n’est même pas discutée et le couperet tombe le 15 septembre : l’INAO lui retire l’habilitation à utiliser l’appellation contrôlée Pouilly-Fumé pour « défaut de contrôle » et ce pour les deux millésimes 2014 en élevage et 2015 en cours de vendange.
Alexandre Bain est retourné car « il y a une disproportion flagrante entre un rendez-vous manqué et la gravité de la sanction. Je me retrouve un peu orphelin; Je ne modifie pas les sols avec des herbicides, je vendange à la main, je fais un vrai travail pour que le mot terroir veuille dire quelque chose. Maintenant, je crains que les vins d’appellation soient en train de devenir des produits de marque. Quand on achètera une bouteille d’AOC, ce sera comme un coca, on saura exactement à quoi s’attendre ».
Que son vin ne se vende plus une fois privé d’appellation, il ne le craint guère, puisque le « meilleur restaurant du monde » (Noma à Copenhague) et nombre d’étoilés lui sont fidèles depuis plusieurs récoltes. Des vignerons qui vendent en « vin de France », il en connaît des dizaines comme Patrick Bouju en Auvergne, ou dans la Loire comme lui, Didier Chaffardon ou le pionnier Mark Angéli, qui fut un des premiers à sortir des rangs. Lorsque le vigneron de Cairanne Marcel Richaud, dans le sud de la vallée du Rhône perdit son appellation, il ne perdit pas un client. Danièle Gérault, la courtière qui commercialise ses flacons s’en souvient en riant « non seulement personne n’a refusé le vin sans AOC, mais j’ai carrément fait un tabac. On se l’arrachait ! ».
La récolte 2015 s’est faite dans des conditions climatiques idéales mais « il fallait être patient, car la sécheresse avait stressé la vigne et, pendant un moment, figé l’évolution des raisins. Cela a fini par se débloquer et le résultat me plait, des raisins mûrs, et une acidité meilleure que ce que j’imaginais » déclare Alexandre Bain. Sera-t-il aussi patient vis à vis de l’INAO ?
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