Accueil Asphodèle, le blanc sec de la « renaissance » à Château Climens

Asphodèle, le blanc sec de la « renaissance » à Château Climens

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

06.07.2020

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Ces dernières années, nombreuses sont les propriétés du Sauternais qui ont présenté de nouvelles cuvées de vins blancs secs. En cela, Asphodèle s’inscrit dans l’air du temps, mais en se démarquant, comme toujours à Château Climens.

D’une phrase, Bérénice Lurton, propriétaire du château, évacue la question : « nous n’avons pas le droit de sacrifier l’harmonie de Climens pour des raisons économiques ». Si la question était de savoir si la sortie de cette cuvée de blanc sec née à Barsac était guidée par des motifs financiers, la réponse est non. Sans éluder la question, Bérénice reconnaît d’ailleurs que la situation est compliquée pour tous les châteaux bordelais producteurs de vins liquoreux. Mais pour autant, cela ne justifie pas de faire n’importe quoi pour des seules questions de rentabilité. L’approche est bien différente. Tout d’abord, il y a la question du matériel végétal pas toujours au niveau espéré. Vous avez beau être dans l’une des plus célèbres propriétés de la région, une partie des vignes plantées dans les années 1980 s’avère de piètre qualité, ou du moins incompatible avec le niveau d’exigence très élevé du lieu. Quelques hectares plantés entre 1997 et 2000 ont permis, avec quelques années de recul, de cerner ce qui devait être fait par la suite. 5 hectares supplémentaires ont ainsi pu être replantés entre 2011 et 2014, correspondant à tout l’enclos à l’arrière du château. De là s’est posé une autre problématique : que faire de jeunes vignes (globalement celles âgées de moins de 20 ans) dans une propriété qui ne produit que des vins liquoreux ? Car Bérénice en témoigne avec une certaine espièglerie : « ces jeunes vignes prennent le botrytis mais manquent vraiment de profondeur, d’éclat, de soyeux pour entrer dans un grand liquoreux. Nous les appelions ‘Haribo’ et ‘Tagada’ ! »

Une envie, une rencontre, des moyens

Au détour de la conversation, presque comme une confidence, Bérénice avoue qu’elle « aime de plus en plus les vins blancs secs ». Et donc, l’envie de produire un vin qui lui ressemble et qu’elle aime. Un vin à l’image de Climens, à la fois « déroutant et évident ». Pourtant, le pari semblait mal engagé. « Avec mon Directeur technique Frédéric Nivelle, nous avons certainement fauté par manque de confiance. Nous nous interrogions. Que pourrait donner un blanc sec issu de jeunes vignes et uniquement de sémillon ? » C’est là que la rencontre fortuite avec Pascal Jolivet à New York en 2017 va être l’élément déclencheur. Bérénice aimait ses vins, notamment ses Sancerre, leur côté vivant, évident, l’association de « la chair et du délié ». Lui, spécialiste du sauvignon mais surtout révélateur de terroirs avec ses mono-cépages y a immédiatement cru. Des investissements ont donc été réalisés, notamment des cuves et des groupes de froid, pour pouvoir vinifier dès 2018 un premier millésime.

Épaulées par les équipes de Pascal, celles de Climens ont ainsi suivi un protocole de vinification très peu interventionniste, naturel, « en parfaite adéquation avec la philosophie de Climens qui est en biodynamie depuis plus de 10 ans » rappelle Bérénice. Et à la clé, un résultat à la hauteur des attentes, comme en 2019. Le second millésime d’Asphodèle offre beaucoup d’expressivité, un balancement entre fleurs et fruits blancs, une plénitude de matière fidèle au cépage mais le tout porté par une grande finesse et une fraîcheur finale. « Cela tient à nos vendanges, très tôt pour conserver un fruité croquant et des acidités qui sinon disparaissent rapidement ». Bérénice croit en ce vin dont la production est passée de 12 700 bouteilles à 55 000 en un an. « Il nous reste des parcelles à arracher et à replanter pour les mêmes raisons ». L’avenir de ce vin est donc tout tracé, d’autant qu’il est proposé à un prix plus qu’adéquat (29€). Un vin comme un symbole. L’asphodèle est un lys blanc qui est la première fleur à repousser après un incendie. L’incendie ici, ce fut le gel qui avait tout ravagé en 2017, tant les raisins que les esprits. « Asphodèle est donc le signe d’une renaissance à Climens, une aventure merveilleuse qui nous a permis de trouver une nouvelle expression de notre terroir ». L’audace récompensée.