Accueil Bicentenaire de la mort de Napoléon : à la santé de l’Empereur !

Bicentenaire de la mort de Napoléon : à la santé de l’Empereur !

(photo : Collection Moët & Chandon)

Auteur

Yves
Tesson

Date

05.05.2021

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Les historiens et les politiciens s’écharpent sur le bien-fondé de la célébration du bicentenaire de Napoléon. Les uns mettent en avant l’ampleur de son héritage qui permit de sauver une part des acquis de la Révolution, les autres, qui ne craignent pas les anachronismes, y voient le précurseur des régimes totalitaires du XXe siècle. Le monde du vin se souvient lui d’un empereur respectueux du terroir où, sans être grand connaisseur, il puisa peut-être une part de son génie…

Derrière chaque grand homme, il y a un grand vin. Napoléon s’éprit du Chambertin alors qu’il était élève à l’École royale d’artillerie entre 1788 et 1792 à Auxonne, en Côte-d’or. Une source de réconfort qui ne le quittait jamais pendant ses campagnes et dont il dégustait toujours au déjeuner et au dîner une demi-bouteille, coupée à l’eau… À en croire son secrétaire particulier Bourienne, même lors de la campagne d’Égypte, il en emmena avec lui toute une cargaison dont les restes furent réexpédiés à son retour. Les flacons n’ayant pas été altérés par ces longs voyages, le Chambertin acquit une solide réputation de vin de garde. Napoléon lui-même l’achetait d’ailleurs avec cinq ans d’âge. Pendant la terrible retraite de Russie, alors que son armée subissait le froid glacial de l’hiver, son aide de camp tenait contre sa poitrine sa bouteille de Chambertin pour qu’elle soit toujours chambrée.

Mais l’empereur n’était pas sectaire. S’il ne buvait jamais de liqueurs, il s’octroyait lorsqu’il était souffrant un verre de madère. Il était aussi amateur de champagne, se fournissant auprès de son ami Jean-Rémy Moët. Les premières commandes passées par Napoléon remontent à l’époque où il n’était encore que consul, en 1801. On en trouve également de l’impératrice. Elles n’étaient pas toujours destinées à sa consommation particulière et servaient parfois de cadeaux diplomatiques comme cette expédition à la demande de Joséphine pour le roi de Bavière en 1806.

Napoléon séjourna à plusieurs reprises chez Jean-Rémy Moët à qui il remit la légion d’honneur en 1814, juste après avoir repris Reims, alors qu’Épernay avait résisté au siège des Russes. Il la détacha de son propre habit en s’exclamant : « Prenez cela. Avant peu ma chancellerie régularisera le brevet. Ne me remerciez pas, je vous donne ce que vous méritez. Ah ! Les Russes osent entrer en France… Si mes plans réussissent, je les écrase et je rejette d’un seul coup de l’autre côté du Rhin les débris de l’armée. Si mes combinaisons échouent, dans un mois je ne serai plus Empereur. Mais si le sort trompe mes espérances, je veux au moins récompenser dès aujourd’hui vos loyaux services comme administrateur (Jean-Rémy était maire d’Épernay), et surtout ce développement admirable que vous avez su donner, en France comme à l’étranger, au commerce de nos vins. »

Les relations de la famille Moët avec Napoléon se lisent jusque dans l’architecture : le jardin de l’Orangerie aurait été tracé par le peintre Jean-Baptiste Isabey, dessinateur du cabinet de l’Empereur, connu pour avoir participé à la mise en scène de son sacre.

En 1869, pour le centenaire de la naissance de Napoléon, Moët & Chandon utilisait pour la première fois la marque « Brut Impérial ». En 1969, cette fois à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, au cours d’une croisière commémorative entre la Corse, l’île d’Elbe et Sainte-Hélène, avec à son bord plus de 1 300 admirateurs de l’empereur, Robert-Jean de Vogüé, alors président de la Maison, a acquis lors d’une vente aux enchères pour 140 000 francs son chapeau légendaire. À l’intérieur, une lettre portant le timbre du chambellan du Palais de l’île d’Elbe atteste de l’authenticité du couvre-chef en peau de castor : « Le 20 septembre 1814, l’Empereur revenant d’une excursion à l’île de la Pianosa sur la barque Husher eut son chapeau jeté par un coup de vent à la mer. Repêché, mais devenu inutilisable car il était déjà très usé, Napoléon n’en voulut plus et en fit don au sous-signé, lequel en reconnaissance d’un grand service qui lui avait été rendu le céda à Monsieur Nencio, Commissaire de Palais le 1er janvier 1815. Le Chambellan de l’Empereur. Dr Lapi. »

L’exil à Saint-Hélène et la consolation des vins de Constance

Dans son exil à Sainte-Hélène, l’Empereur, privé de son chambertin quotidien, adopte les vins de Constance, l’un des vignobles du Cap planté en 1685 par le gouverneur de la colonie, Simon Van Der Stel. Le nom « Constantia » était un hommage à sa petite fille. Bénéficiant d’un climat méditerranéen, le vignoble d’Afrique du Sud se distingue alors des vignobles créés dans les autres colonies par sa très grande réputation qualitative qu’il acquiert dès le départ et le fait qu’il est d’emblée destiné à l’exportation. Le vin de Constance alimente ainsi en Europe au même titre que le tokaï et les grands bordeaux les plus belles tables des princes. A contrario, les premiers vignobles d’Amérique latine, par exemple, étaient uniquement destinés à l’alimentation des marchés intérieurs. Très affecté par la crise phylloxérique dont il ne s’était jamais vraiment remis, le vignoble de Constance a connu depuis les années 1980 une belle renaissance. En 2016, la vente aux enchères d’un « Grand Constance 1821 », millésime de la mort de l’Empereur, avait beaucoup attiré l’attention des médias.

Moët & Chandon Brut Impérial, prix recommandé : 40,50 €
www.moet.com