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Château Clarke, quinqua classe

(photo ©Erwan Balanca / ©Anaka / ©Michael Boudot)

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

12.06.2023

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Cette propriété de Listrac-Médoc célèbre les 50 ans de son acquisition par le Baron Edmond de Rothschild. Aujourd'hui figure de proue du groupe Edmond de Rothschild Héritage, elle affiche ses ambitions en inaugurant de nouvelles installations.

En 1973, Château Mouton-Rothschild devient le premier - et le seul à ce jour - domaine à faire modifier le classement de 1855 en passant du statut de 2ème Grand Cru Classé à celui de Premier. À la même époque, Lafite-Rothschild prospère déjà sur le toit du monde. Le Baron Edmond de Rothschild, incarnant la troisième branche de la famille (et accessoirement actionnaire de Lafite), veut construire son propre projet viticole. De grandes propriétés médocaines lui tendent les bras, mais son ambition est de partir d'une feuille blanche ; il jette alors son dévolu sur le château Clarke, en appellation Listrac-Médoc, et sur la propriété voisine en appellation Moulis, Château Malmaison. Clarke est alors un vignoble quasiment à l'abandon, malgré sa riche histoire remontant au moins au XIIème siècle et façonnée au XVIIIème par Anthony Clarke, qui lui a donné son nom.

S'entourant des meilleurs techniciens et consultants, le Baron Edmond de Rothschild s'emploie à redresser le vignoble et à sublimer l'identité de ce terroir atypique, une sorte d'enclave de la rive droite en plein Médoc avec sa veine argilo-calcaire plutôt propice au merlot - voire au cabernet franc - qu'au cabernet-sauvignon. Un grand effort de restructuration est lancé, qui s'étire jusqu'au début des années 1990 mais est encore en cours aujourd'hui pour toujours mieux s'adapter aux évolutions climatiques. "Nous sommes constamment sur une réflexion d'amélioration de notre encépagement et de la meilleure façon d'exprimer la spécificité de nos terroirs", expliquent de concert Boris Bréau, directeur général de Edmond de Rothschild Héritage, et le directeur technique Fabrice Darmaillacq. "Clarke a la particularité d'être l'un des terroirs les plus froids du Médoc, ce qui est un avantage par rapport aux étés très chauds que l'on rencontre de plus en plus. Aujourd'hui, les 55 hectares de Château Clarke sont à dominante de merlot (70%, le solde en cabernet-sauvignon) mais nous envisageons de replanter du cabernet franc. Et la part de production de blanc n'est pas anodine, puisqu'elle couvre une superficie de 4,5 hectares pour notre 'Merle Blanc' que le Baron avait eu l'idée de relancer dès 1992".

Ci-dessus : Fabrice Darmaillacq et Ariane de Rothschild

Au total, les 55 hectares de vignes de Château Clarke s'intègrent dans un ensemble de 200 hectares, comprenant zones boisées et écopâturages. Plus largement, le groupe familial compte 145 hectares de vignes dans le Médoc, en ajoutant celles de Malmaison et celles du château Odilon, en appellation Haut-Médoc, acquis à la fin des années 1970. Il faut y ajouter, sur la rive droite, le château des Laurets et le château de Malengin, deux propriétés en Nouvelle-Zélande (Rimapere et Akarua) et enfin trois partenariats internationaux, en Afrique du Sud (Rupert & Rothschild), en Argentine (Flechas de Los Andes) et en Rioja (Macán, avec Vega Sicilia). Tous ces vignobles sont placés depuis 2015 sous la bannière Edmond de Rothschild Héritage, qui réunit les activités non bancaires du groupe, notamment l'hospitalité (à Megève), les exploitations fermières (céréales, élevage, laiterie) et une pépinière.

Dans cette galaxie, le château Clarke occupe forcément une place à part, ne serait-ce que parce que le Baron Edmond de Rothschild y était profondément attaché. Consciente de ce statut très particulier, Ariane de Rothschild, qui préside la holding familiale, a souhaité impulser un renouveau de la propriété à travers de grands travaux qui se sont étalés sur les trois dernières d'année et qui viennent de se conclure, la semaine dernière, par l'inauguration des nouvelles installations. C'est l'architecte bordelais Alexandre Rougier qui est à la manœuvre de ce grand projet qui, en parallèle de l'optimisation du vignoble, entend "projeter Château Clarke sur les 50 prochaines années". Un nouveau site de vinification pour Château Malmaison, reprenant quasiment à l'identique mais de façon rehaussée la configuration du bâtiment précédent, sous lequel a été creusé un nouveau chai à barriques ; une nouvelle cuverie pour Château Clarke (inaugurée pour les vendanges 2022), avec 45 cuves inox de 50 à 160 hl ; et enfin une nouvelle salle de dégustation avec vue panoramique sur le vignoble constituent les aménagement principaux. Le chai historique de Clarke a lui aussi été rénové, avec un espace adjacent pour l'élevage du Merle Blanc. En d'autres termes, tout a été pensé pour permettre à ce fringant quinquagénaire qu'est Château Clarke de briller à sa juste mesure dans l'univers des grands vins médocains.

Dégustation
Une verticale des millésimes suivants a permis de juger du potentiel ainsi que de l'évolution des vins de Château Clarke : 1982, 1986, 1990, 1996, 2003, 2005, 2009, 2010, 2016, 2018.
On voit un gain de précision à travers le temps, mais aussi des affirmations de style différentes, notamment influencées par les différents consultants impliqués dans l'élaboration des vins - successivement Émile Peynaud, Michel Rolland puis Eric Boissenot.
Le 1982 est riche d'une portée symbolique, car il est le premier millésime dont le Baron Edmond de Rothschild était réellement fier. 1990 épate par sa vitalité encore intacte. 2005 est très sérieux dans sa droiture et sa gaine de tannins finement dessinée. 2009 et 2010 constituent un joli duo, l'un plutôt sur la gourmandise, l'autre sur la tonicité. 2016 s'avère encore plein de jeunesse, d'éclat, sur un fruit explosif. 2018, enfin, est un millésime très abouti, combinant du crémeux, de la densité, des tannins très fondus et une belle longueur - encore à attendre pour laisser l'élevage se fondre totalement.