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Emmanuel de Bodard : dans l’arrière-boutique des Domaines qui montent

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

14.01.2016

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Ce passionné de vin et de technique, propriétaire d’un domaine en Bourgogne et fondateur de l’enseigne de cavistes Les Domaines qui montent, mise sur des vignerons et des appellations méconnus, à raconter et déguster dans une trentaine de boutiques.

Emmanuel de Bodard s’est intéressé vraiment au vin lorsqu’il a hérité de son père en 1986 le domaine de Rully Saint-Michel en Bourgogne. Les Bodard sont avant tout des créateurs d’entreprises ; le père avait fondé Nature & Progrès et le salon Marjolaine, le fils passionné de technique, est l’un des concepteurs d’Audika. “J’ai été élevé dans le monde de la bio et biodynamie, raconte Emmanuel. Et j’ai grandi entouré de scientifiques qui parlaient déjà de changements climatiques il y a 50 ans”. Il gère de Paris le domaine de 14 ha au sud de la Côte d’Or avec ses caves creusées dans la roche et s’occupe également d’autres affaires de famille, l’exploitation forestière, la pisciculture mais cela ne suffit pas à l’occuper. « Ce qui m’intéressait, c’était la vigne, le vigneron, le terroir. Je ne connaissais rien à la viticulture, un peu plus à la bio, et j’aimais juste le bon vin. Je me suis vite rendu compte que dans la filière vin, il n’y avait pas de repères homogènes et à l’époque, peu d’activité transversale hors grands groupes. Les consommateurs commençant à s’intéresser vraiment au produit, j’ai voulu tenter l’aventure en leur apportant une réponse avec des vins qui ont une âme et quelque chose à raconter ».

Des vins plaisirs et des BIB®

Ainsi naissent Les Domaines qui montent, regroupant une vingtaine de vignerons de toute la France qui vendent encore en vrac, faute d’outils commerciaux mais qui font déjà de très bons vins. L’offre sur le principe des « domaines qui montent »…à la ville, est alors moins courante ; elle intéresse les supermarchés, les restaurateurs et les exportateurs en quête de différenciation. Aujourd’hui, certains sont des stars tels le Château de France en Bordelais, le domaine Dozon en Touraine, le petit Puech en Graves de Vayre, le Château Escot en Médoc, le Domaine de la Bastide à Visan… L’entreprise refait les étiquettes et même certains assemblages pour mieux répondre aux attentes des consommateurs avec des vins fruités et plaisirs, peu boisés, avec du raisin dans la bouteille.

Dès 1990, les Domaines qui montent sont les premiers à promouvoir le bag-in-box®, « plus pratique pour les restaurateurs, ne serait-ce que pour économiser de l’emballage et des matières sèches, contrairement à la bouteille de 50 cl ». Il n’y avait alors qu’un prestataire dans le massif central. En 1995, nous avions installé nos piles de BIB dans les allées centrales de Carrefour avec une douzaine de références, identiques en bouteilles, et un slogan choc: ‘goûtez le en bouteilles, achetez le en bag-in-box®’. C’était aussi une question de technique. Le vin est en général meilleur en BIB car un peu plus évolué et plus rond ».

A emporter ou à consommer mais au même prix

Au début, la société n’envisage pas d’ouvrir des boutiques ; elle ne dispose que d’un lieu d’exposition pour les professionnels, rue Cardinet à Paris, qui fait office à partir de 1989 de magasin encombré de palettes. Le grossiste offre un stockage au froid après un transport au froid. Encore une fois, un choix technique avant tout. « Les vins détestent les vibrations. Après livraison, en général, le vin est mort , affirme Emmanuel de Bodard. Tandis que lorsqu’il part d’un domaine à 3°C, qu’il est stocké en entrepôt à 5 et livré en camion frigorifique, il souffre moins des vibrations. Le seul problème est alors le tartre plus visible dans la bouteille mais on l’explique aux clients ». Face au succès du premier « magasin », l’entrepreneur décide d’en ouvrir d’autres sur le principe du « On cherche d’abord les hommes avant de trouver un local ». Une trentaine de boutiques de 65 à 400 m2 dont 5 à Paris, bientôt 6, voit le jour à partir d’un concept : un caviste qui vend les bouteilles à emporter (2000 références) et au même prix sur place accompagnées de produits agroalimentaires pouvant être dégustés ou réchauffés dans le magasin (1500 références). Des spécialités dont les recettes ont été mises au point avec les producteurs « mais sans oublier que notre cœur de métier est de vendre du vin, insiste Emmanuel de Bodard. Quand le consommateur ne finit pas sa bouteille, on lui met dans les mains, on inscrit son nom dessus pour la prochaine fois ou on l’offre à la table d’à côté. On préfère ce système avec des bouteilles à partir de 6€, plutôt que de pousser le vin au verre. L’idée est que les gens viennent chez nous pour découvrir et passer un bon moment, pas pour se nourrir ». Pas de vins étrangers et peu d’appellations connues : « On ne vient pas chez nous pour acheter un chablis ou un margaux mais plutôt pour découvrir un côtes roannaises, un fronton ou un coteaux d’Aix ».