Accueil [ENTRETIEN] Henri Duboscq : Haut-Marbuzet, « avec modération mais sans masque »

[ENTRETIEN] Henri Duboscq : Haut-Marbuzet, « avec modération mais sans masque »

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

08.04.2020

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Henri Duboscq, propriétaire éternel du Château Haut-Marbuzet, est un roman. Pour sa verve, son vin et le talent avec lequel il a fait connaître son vin de Saint-Estèphe aux quatre coins du monde, à commencer par les six de l’Hexagone. Alors Terre de Vins a voulu prendre des nouvelles de l’artiste et en profiter pour lui demander quelques conseils en ces heures de confinement.

Comment vivez-vous ce confinement au sein du Château Haut-Marbuzet, déjà lové dans les confins du Médoc ?

À mon âge, 75 ans bien passés, le confinement est une seconde culture, les ambitions sont derrière moi, les passions presque éteintes, les plaisirs interdits, l’impossibilité évidente à faire le mal… Ainsi cette officialisation du confinement ne me gêne guère. De plus, être confiné à Marbuzet, cette colline inspirée, touchée par une grâce surnaturelle, dans des chais dont l’obscurité favorise l’élevage d’un millésime 2019 grandiose, pourrait ressembler à un privilège. Ce confinement me permet de me concentrer exclusivement sur les projets d’embellissements de la qualité correspondant à mon goût, c’est-à-dire à celui des adeptes de Haut-Marbuzet.

Continuez-vous d’expédier des commandes, quel est l’impact de la crise sur l’économie du Château ?
Bien sûr, les expéditions des commandes sont réduites au minimum. Les restaurants sont fermés tout comme les caves de mes partisans régulièrement garnies depuis 50 ans. Ainsi, la trésorerie s’effrite mais les banques nous promettent aide et je suis de la génération de vignerons médocains qui, sans un sou, ont produit 1959, 1961 et 1970.

A la vigne et au chai, y a-t-il beaucoup de bouleversements ?
Il n’y a aucun bouleversement à la vigne et aux chais. Tout le personnel est présent et travaille en confiance dans le microclimat de Saint-Estèphe depuis longtemps béni des Dieux et donc, pour l’instant, protégé.

On connaît votre appétence pour les Lettres, pourriez-vous nous donner quelques conseils de lecture par ces temps de repli à la maison ?
Je lis actuellement les travaux sur les lumières de la volupté ou l’art de l’usage du plaisir chez Casanova de Jean-François Lhérété, le Talleyrand de Louis Madelin, La Seconde mort du général Boulanger de qui vous savez (sourires) et Les Aquitains de Napoléon III signé Pierre Brana et Joëlle Dusseau. Tous ces livres mêlent gloire, opportunisme, difficultés, volupté… composants de la vie d’un vigneron confiné.

Sur ces suggestions, quel millésime de Haut-Marbuzet nous conseillez-vous de déboucher et pourquoi ?
En ce moment, je bois le Haut-Marbuzet 2013 en magnum. Sa finesse, son élégance, son pouvoir de séduction lui confèrent la vertu de la gorgée qui appelle l’autre. A consommer avec modération mais sans masque.

Ci-dessous : Henri Duboscq, confiné dans son bureau.