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Pierre Caslot, gourmande Chevalerie

Auteur

La
rédaction

Date

06.02.2013

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Pierre Caslot parle autant de ses cuvées que de ce qui se mange avec ! De la table de Guy Savoy à celle de Benallal Akrame, coqueluche du 16e tout juste étoilée, ses vins se prêtent à tous les accords. La visite, toujours gourmande, est aussi un régal pour les yeux : ses caves souterraines comptent parmi les plus spectaculaires de Bourgueil.

Au carrefour de la Touraine et de l’Anjou, le domaine de la Chevalerie trône depuis 400 ans en plein milieu de l’appellation Bourgueil. Le vignoble d’un seul tenant entoure les bâtiments domestiques et viticoles. Soit 38 ha de cabernet franc, âgés de 25 à 70 ans, plongeant leurs racines dans les graviers et le tuffeau, les deux grands sols que se partagent Bourgueil sa voisine Saint Nicolas de Bourgueil. Le lieu est superbe, fait d’ombres et de mystère, idéal pour une intrigue sur fond viticole… Pierre Arditi y a laissé ses traces, au printemps dernier, lors des deux jours de tournage d’un nouvel épisode de la série télévisée Le Sang de la Vigne.

À la Chevalerie on travaille en famille. Les enfants de Pierre, Stéphanie et Emmanuel, perpétuent la tradition. Vignerons artisans, ils appliquent le savoir familial, à l’écoute du terroir depuis 14 générations.

Toute la propriété est conduite en biodynamie. « On n’emploie pas de produits chimiques, on veut garder nos insectes ! Par contre, l’herbe, il faut la biner pour l’enlever. C’est pourquoi, j’organise chaque année, les « journées binette ». Les gens viennent tous les mercredis de début juin à fin août arracher ce qui pousse entre les ceps. Une façon conviviale de faire de l’exercice », annonce Pierre dont la malice fait oublier les 60 printemps. Une initiative disant bien le personnage : Pierre Caslot, comme ses enfants, aime faire découvrir ses vins dans la bonne humeur.
Et, bien entendu, cette journée d’efforts se termine par un repas… pantagruélique.

La caverne d’Ali Baba

La conversation démarre à l’entrée de la cave, profondeur souterraine où se lovent des milliers de bouteilles. On déambule dans de drôles de catacombes, anciennes carrières de calcaire blanc qui servirent à la construction des bâtiments alentours. On se balade allégrement à travers le temps, d’une pile du début du siècle dernier aux millésimes plus jeunes. Le domaine garde l’équivalent d’un hectare de production par an : une véritable collection est née, mémoire du siècle, sous ses airs guillerets, Pierre Caslot cache son profond respect pour dame nature.

On sort de ce labyrinthe par un escalier dérobé donnant sur le potager, la nourriture n’est jamais loin. Une table en bois, un casier sous le bras, Pierre dit simplement : « On va déguster, par quoi commence-t-on ? » Par le millésime de l’année ! Après, on verra…

La Cuvée Bonn’Heure 2011 (6 €) entre grenat et carmin, se parfume de cacao et de réglisse. L’instant d’après, apparaissent cassis, sureau et groseille, relevés d’un rien de poivre, enfin, la violette embaume le bouquet déjà fort développé. Joyeux, il entre en bouche pour y déposer les fruits sentis. Les tanins soyeux déroulent sur les papilles leur tapis délicat, une bonne structure, ourlée d’une minéralité aérienne. La fraîcheur est son ultime atout. Vin de graviers, élevé 8 mois en cuve béton et en pièces de 500 litres, c’est le vin des copains, celui que Pierre sert avec les rillons, ces gros dés de poitrine de porc rissolés et confits.

Jean-Jack Martin, figure de la Touraine, artiste épicurien, écriturier du goût et des odeurs et ami de Pierre, en dessine l’étiquette. À deux, ils rédigent un opuscule gourmand dans lequel des recettes traditionnelles associées aux vins du domaine se racontent dans un langage qui rappelle les dîners rabelaisiens. Et le vigneron de peaufiner les recettes ! Qui ne serait tenté par les morilles farcies et le Busardière 2007 (16 €) ou la pintade rôtie en cocotte, colorée au beurre, accompagnée de lardons et de champignons de la pâture d’à-côté et le Brétêche 2008 (8, 30€). Mais comme dit Pierre : « Selon le moment, on peut préférer un cabernet franc sur gravier, vin plus facile, plus léger, sur le fruit, ami des cochonnailles. Ou un vin plus trapu, plus construit, plus austère aussi, issu du tuffeau, qui fait merveille sur une côte à l’os cuite aux sarments de vigne. L’avantage chez nous, avec le nombre de cuvées disponibles, on trouve toujours celle qui ira avec ce qu’on a préparé, du sandre au boudin en passant par le civet de lièvre… ». Et ceci fait bien l’affaire de ce vigneron gastronome !

Fin limier de son terroir, Pierre Caslot ne laisse personne le quitter sans parler du tuffeau « un calcaire compact assez mou, souvenir d’une mer oubliée depuis plusieurs millions d’années, qui agît comme une éponge et assure l’approvisionnement en eau. Ce gros nougat minéral contient une multitude d’éléments que les radicelles emmagasinent. Sol froid, il décale la maturité de plusieurs semaines par rapport aux graviers. Tanniques et structurés, les vins demandent un élevage plus long, on embouteille après deux saisons d’élevage ». Illustration, la Cuvée Grandmont 2010 (24 €) sombre, au grenat violacé, obscurcit le verre et laisse le dégustateur un instant rêveur… Y plonger le nez, c’est découvrir une richesse olfactive inattendue où se reconnaissent la mûre, le cassis et la fraise, assombris de chocolat et de zan. L’attaque semble gourmande, mais l’architecture imposante aux tanins serrés fait vite la loi. Taciturne, il nous faut l’amadouer pour qu’il révèle un peu de sa complexité.

« Grandmont, un lieu magique de 5 ha de cabernet franc de plus de 50 ans qui donnent de petits rendements. Le moût est mis tout de suite en fûts, on le bascule vite en cuve. Les longs élevages ne sont pas forcément nécessaires. Grandmont, un potentiel énorme ! », explique Pierre rêveur, tellement… qu’il en oublie de nous parler du civet de goret qui irait bien avec !

Par Marc Vanhellemont
Photographie Guillaume Souvant

Domaine de la Chevalerie
7-14, rue de peu-Muleau, 37140 Restigné
www.domainedelachevalerie.fr

Cet article est paru dans « Terre de Vins » n°20 (novembre-décembre 2012).
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