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iSommelier : une révolution pour la décantation ?

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

08.12.2015

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Nouveau produit lancé sur le marché, iSommelier est une carafe connectée dont l’objectif est d’accélérer le processus de décantation. Retour sur le test de cet objet étonnant.

Proposée par le groupe Ifavine, la carafe iSommelier est, au premier regard, assez semblable à tous ses homologues. Mais un détail suscite toutefois immédiatement la curiosité. La carafe, dont le centre est traversé par une colonne de verre, est indissociable de la machine cubique design sur laquelle elle repose. Le principe de base est simple. Pour pallier la durée habituelle importante de décantation, Ifavine a développé une technologie révolutionnaire d’oxygénation massive et rapide des vins par double filtration de l’air. L’air ambiant est ainsi successivement débarrassé de la quasi-totalité de son humidité, de son azote (pour conserver plus de 90% d’oxygène) ainsi que des différents polluants et odeurs. Ces caractéristiques permettent en théorie d’atteindre en une minute le même résultat que celui obtenu normalement en une heure. Le rêve de tout sommelier professionnel en somme, qui pourrait ainsi servir n’importe quel vin commandé par des clients dans des conditions optimales. D’autant que la carafe est elle-même connectée à une base de données appelée Ifavine Network, en cours de construction, qui devrait permettre à terme aux vignerons de renseigner le nombre de minutes d’iSommelier nécessaires selon le type de vin et le millésime. Si cette idée est séduisante, elle ne risque d’être réellement opérationnelle que dans plusieurs mois voire années, le temps pour Ifavine de prêter cette machine à un nombre de vignerons suffisamment large pour qu’ils la testent et renseignent ensuite cette base.

Un impact évident sur le vin

Afin de juger de l’efficacité de cette technologie, trois vins de Charles Perrin du domaine de Beaucastel à Chateauneuf-du-pape ont été utilisés, chaque fois en deux services : le premier carafé de manière traditionnelle et le second après un passage plus ou moins long en iSommelier. Sans tergiversation aucune, l’impact de cette sur-oxygénation sur le vin est indéniable. Le vin s’en trouve modifié, que ce soit au niveau aromatique ou en termes de texture et de toucher de bouche. Mais loin d’être prévisibles, les résultats de l’expérience sont assez surprenants. 30 secondes d’iSommelier ont ainsi assoupli (presque trop) le Beaucastel blanc sans impact sur l’aromatique. Après une minute, le vin a regagné en tension et son nez s’est fait plus charmeur. S’agissant de Beaucastel rouge 2010, le vin classiquement carafé et servi immédiatement exhalait les fruits mûrs, une ode au grenache. 1 minute d’iSommelier lui a permis de perdre en sucrosité et de gagner en acidité, le tout porté par une trame aromatique différente évoquant les agrumes. Plaisant mais finalement moins typique que le premier. Après 3 minutes d’iSommelier, le vin avait basculé sur des notes de sous-bois et perdu en matière, apparaissant presque maigre en milieu de bouche… Enfin, le 1998 rouge du domaine s’exprimait plus précisément sans iSommelier.

Cette technologie a donc prouvé son incidence importante sur les vins, tant en termes d’arômes que de texture mais les résultats obtenus peuvent s’avérer déroutants. L’intérêt de cette technologie semble plus évident pour des vins aux tanins un peu serrés ou présentant une importante réduction. La machine permettra alors respectivement d’apporter de la rondeur au vin et d’en faire disparaître les arômes déplaisants. Une aubaine pour les professionnels de la restauration qui ne peuvent pas, en temps normal, décanter longuement ces vins. Reste à voir si le prix de vente de cette machine (700 € pour les professionnels) lui permet de trouver sa place. Les particuliers qui peuvent, pour leur part, plus facilement anticiper la décantation d’une bouteille chez eux, n’y trouveront qu’un intérêt restreint, surtout à un tarif public encore prohibitif (1499 €).