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Prendre en compte la pénibilité en viticulture

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

24.02.2023

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Les métiers de la viticulture sont au contact de la nature, et c’est ce qui les rend attractifs pour ceux qui veulent travailler au grand air. Pour autant, les accidents du travail et les maladies professionnelles dans ce milieu ont des taux de fréquence et de gravité élevés, supérieurs à la moyenne du secteur agricole. 

Ces métiers peuvent être une source de Trouble Musculo Squelettique (TMS) car le corps peut être soumis à de fortes contraintes dues au climat, aux postures contraignantes, à la répétition des gestes pour en citer quelques-unes. Limiter ces troubles et anticiper pour éviter leur apparition devient un enjeu fort.

On en parle

Tout le monde gagne à parler de la pénibilité. Il y a quelques années, le salarié taisait sa douleur, maintenant on n’attend plus l’arrêt de travail pour en parler. Un dialogue qui ne s’oppose pas à la productivité et participe à une ambiance détendue et plus respectueuse.

C’est ainsi que certains domaines ont mis en place un « groupe de réflexion pénibilité ». C’est le cas depuis 2007 pour les champagnes Veuve Clicquot, pionnier dans ce domaine. À Haut-Bailly (cru classé de Graves), « un ergonome est intervenu sur la chaîne de conditionnement pour une adaptation du poste de travail» nous dit Gabriel Vialard, le directeur technique. Mais ce n’est pas le domaine où le besoin est le plus fort.

La vigne : un milieu contraignant

Marcher sur un sol irrégulier, subir les aléas climatiques, être au contact des produits phytosanitaires, tels peuvent être les risques professionnels auxquels sont exposés l’ouvrier agricole. Mais un des plus importants risques est le travail de la taille. Il est répétitif pour la main qui taille avec un sécateur (450 000 coups au minimum, sur un hectare) et contraignant pour la posture (agenouillé, penché, accroupi). Pour préparer l’ouvrier, Haut-Bailly a mis en place optimouv : « une séquence d’échauffement musculaire qui a lieu le matin, pendant 20 min, de 8h00 à 8h30 » explique Gabriel Vialard. De même à Yquem un coach sportif vient 4 fois par semaine pour travailler les gestes et postures mais aussi pour favoriser le bien-être. De plus, à Haut-Bailly (comme à Brane-Cantenac et à Kirwan), « des exosquelettes, avec sangles et élastiques, sont mis à disposition. 4 vignerons sur 10 ont adhéré au système » précise Gabriel Vialard. 

Et puis, il y a le scooter des vignes : un étonnant appareil qui permet à l’ouvrier de se déplacer de pied en pied, assis, face à la vigne, avec tout son matériel : un engin mis au point par une entreprise du Maine-et-Loire et qui a un bel avenir si les employés s’en saisissent. Car il n’est pas souhaitable d’imposer, il faut proposer. L’enjeu est d’alléger la pénibilité mais aussi de pouvoir durer dans son travail. Un sujet d’actualité.

Des ouvriers concernés ?

Le compte professionnel de prévention (C2P), actuellement en vigueur, prend en compte la pénibilité selon 6 facteurs. Deux retiennent notre attention : ceux liés au rythme du travail (dont la répétition d’un même geste) et ceux liés à un environnement physique agressif (dont les températures extrêmes). Les facteurs de risques professionnels sont caractérisés par une exposition du salarié au-delà de certains seuils. Ils doivent avoir une intensité et une durée minimales. 

Il n’est donc pas certain que l’ouvrier en viticulture satisfasse les facteurs de pénibilité car les seuils d’expositions ne sont pas atteints. C’est ce que pense Gabriel Vialard à Haut-Bailly pour qui le facteur « répétition » aura du mal à être pris en compte : « ce geste répété se fait pendant une période de l’année seulement : c’est le cas pour la personne en poste sur le conditionnement dont le geste n’a pas été jugé suffisamment répétitif ». Et pour l’exposition aux températures extrêmes « ils ne cochent pas la case. Ils ne travaillent pas par exemple dans une chambre froide 7 h par jour ». Des propos que confirme Mickaël Nicolas de la « Prévention des Risques Professionnels en MSA Bourgogne ». « Si l’on peut constater qu’il y a des risques TMS, ceux-ci ne sont pas toujours pris en compte dans le C2P car la quantification est difficile ou les seuils pas atteints. Les ouvriers ne sont pas sur des postes à risques à temps plein ». Le projet de réforme des retraites, dans son état actuel, propose seulement d'abaisser les seuils d'acquisition de points pour le travail de nuit et pour le travail en équipes successives : rien qui ne concerne les ouvriers agricoles.