Samedi 12 Octobre 2024
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20.09.2012
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Dans le vignoble ligérien comme ailleurs en France, rien n’aura été épargné aux viticulteurs cette année, de la grêle au mildiou. « C’est un millésime de vigneron », prévient Thierry Germain, qui s’appuie depuis dix ans sur l’agriculture biologique et la biodynamie pour tirer le meilleur de ses vignes.
Thierry Germain est en alerte. Le propriétaire du Domaine des Roches Neuves, à Varrains (28 hectares en appellations Saumur et Saumur-Champigny) guette tous les signes envoyés par ses vignes, à moins de deux semaines du début des vendanges. Sauf imprévu, la récolte des chenins blancs devrait débuter le 2-3 octobre, et celle des cabernets francs entre le 5 et le 10 octobre. « Ce sont des dates qui semblent tardives, car on sort de dix années précoces, mais l’on a oublié ce qu’était la viticulture dans le val de Loire jusque dans les années 90 », modère Thierry Germain. Tout est sous contrôle, donc, même si la prudence reste de mise : il faut s’attendre à tout sur un tel millésime…
« Comme partout ailleurs, cela a été une année compliquée, nous explique-t-il. Cela avait plutôt bien démarré avec un mois de mars précoce, marqué par le beau temps. Mais la fin de printemps a été calamiteuse, le vignoble a subi la pluie et le froid d’avril à mi-juillet. La grêle début juin a aussi fait des dégâts, et a affaibli la plante. Les vignerons qui n’ont pas été très attentifs avec leur vigne ont rencontré beaucoup de problèmes. Au final, tout cela a entraîné un retard de végétation de trois semaines sur une année normale, des stades de floraison très disparates, avec des risques de maladie accrus. Et comme nous sommes ici en agriculture biologique et en biodynamie, nous pouvions nous retrouver particulièrement exposés ».
Réactivité
Thierry Germain conduit en effet son vignoble en agriculture biologique (Ecocert) et en biodynamie (certifié Biodyvin depuis 2002), ce qui implique notamment le refus de recourir à des traitements de synthèse, à des engrais chimiques ou à des pesticides pour se protéger des aléas. « Nous nous sommes appliqués à faire des traitements réguliers et ciblés pour prévenir les risques et fortifier la plante, nous explique-t-il, avec de la silice de corne (501) pour brûler le mildiou. Cela nous a permis de réduire considérablement les doses de cuivre, moins de 3 kilos au total ». Mais plus encore que les traitements, c’est le travail sur la durée qui constitue l’enjeu primordial : « Je pense qu’il faut dix bonnes années en biodynamie pour rééquilibrer les plantes. Nous arrivons aujourd’hui à maturité, et selon moi la vigne était mieux préparée cette année à subir les intempéries et leurs conséquences qu’elle ne l’était en 2007, où le mildiou avait été plus présent ».
Une vigne plus forte, des sols plus vivants, voilà pour Thierry Germain la clé du succès dans un millésime aussi compliqué : « le grand secret en biodynamie, c’est d’être hyper réactif, à l’écoute de la plante et donc d’avoir le matériel approprié pour pouvoir traiter les 28 hectares dans la journée. Cela demande beaucoup de travail sur le végétal, beaucoup de temps, beaucoup d’investissement humain, mais au final on est récompensé ».
La quête de l’équilibre
Depuis mi-juillet, les intempéries ont cédé la place à la chaleur et au soleil, ce qui a permis de rattraper un peu le retard de végétation. Mais les conséquences d’un début d’été pourri sont visibles : « il y a eu de la coulure et du millerandage sur la fleur, entraînant de petites sorties. Les grappes sont petites, ce qui signifie que les vignerons qui ont des ceps très chargés vont avoir du mal à obtenir de belles maturités ; ceux qui ont maîtrisé les charges auront de beaux équilibres, avec certes des rendements réduits (NDLR : pour Thierry Germain, 30 à 35 hl/ha, contre 45 hl/ha en temps normal). Dans tous les cas ce n’est vraiment pas un millésime à vendanger à la machine, tant il y a d’inégalités entre les fleurs ».
Aujourd’hui, Thierry Germain se veut confiant pour ce millésime 2012 qui était si mal engagé. « Vous m’auriez posé la question il y a trois semaines, je n’aurais pas été aussi optimiste, mais avec cette fin d’été marquée par des journées chaudes et des nuits fraîches, on arrive à un bel équilibre entre maturité et acidité. Sauf catastrophe, septembre peut sauver ce millésime. Ce sera un millésime sur la structure, un millésime de vigneron, mais vraiment intéressant ».
Mathieu Doumenge
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