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Yquem, l’éloge de la patience

Auteur

La
rédaction

Date

15.06.2012

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En annonçant cette semaine son intention de « décaler » la sortie du millésime 2011, le Château d’Yquem prend ses distances avec la règle du jeu des Primeurs, sans en sortir pour autant. L’objectif de cette décision : donner toute ses chances à ce cru d’exception.

L’information n’a pas fait autant de tumulte que celle, il y a quelques semaines, du Château Latour annonçant son intention de se retirer du circuit des Primeurs. Elle a néanmoins créé le « buzz » ces derniers jours dans le monde du vin, et pour cause : lorsque le Château d’Yquem, propriété légendaire du vignoble bordelais et unique Premier Cru Supérieur de Sauternes, annonce son intention de ne pas lancer la vente de ses Primeurs 2011, il y a de quoi susciter quelques remous. En effet, alors que la quasi-totalité des grands domaines bordelais ont annoncé leurs prix pour le millésime 2011, les observateurs attendaient avec impatience que le plus fameux des liquoreux sorte du bois… Il leur faudra encore attendre.

En prenant la décision de ne pas sortir leur millésime 2011, les « décideurs » du Château d’Yquem – à commencer par Bernard Arnault du groupe LVMH et Pierre Lurton, directeur d’Yquem du Château Cheval Blanc – ne se retirent pas du circuit des Primeurs. Ils se mettent seulement en situation de « décalage », et attendent un meilleur moment. Pour couper court à toute fausse rumeur ou à toute « intox » galopante, Pierre Lurton a pris lui-même les devants via une déclaration officielle :

« C’est une décision difficile à prendre, mais comme le ton de la campagne des Primeurs est donné par les rouges, nous aurions eu beaucoup de mal à faire comprendre que 2011 est un millésime d’exception à Yquem. Il vaut le fabuleux 2001. Mais le contexte n’est pas bon pour donner toutes ses chances à ce vin que nous aimons tous. »

Ne pas confondre avec les rouges

Le contexte délicat de la campagne 2011
(un millésime qui a « le tort » d’arriver après les très prestigieux 2009 et 2010, des premières critiques en demi-teinte, des prix attendus à la baisse après la forte progression des deux dernières années, une vraie interrogation sur les performances économiques à long terme de ce millésime…) vient en effet troubler la donne pour un château comme Yquem. En effet, si qualitativement les vins rouges bordelais du millésime 2011 ont pâti de la comparaison avec 2009 et 2010, il n’en va pas de même pour les grands Sauternes : considérés par les dégustateurs comme égaux au superbe millésime 2001, les 2011 sont d’une très grande qualité. Le Château d’Yquem symbolise cette réussite, avec une note de 96-98 par Robert Parker (il est suivi de près par Climens, 95-97, Doisy-Daëne, 95-97, et Coutet, 94-96).

On peut donc comprendre que les têtes pensantes d’Yquem ne souhaitent pas être « noyées » dans la situation globalement morose du millésime 2011 – d’autant que les liquoreux, et y compris les Sauternes, doivent généralement faire face à de réelles difficultés pour trouver leur marché. La décision de « décaler la sortie d’Yquem à une période plus propice », à la hauteur du qualité du millésime, apparaît donc comme une stratégie frappée au coin du bon sens. Il n’en demeure pas moins qu’elle met en lumière, après le « cas Latour » et « l’affaire Carruades » de la semaine dernière, une certaine prise de distance de certains grands domaines vis-à-vis du système des Primeurs. A suivre…

M.D.