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Concours Grandes Écoles : SPIT et trésors crachés

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

03.04.2016

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Le concours œnologique SPIT organisé par Sciences Po a confronté le week-end dernier 12 grandes écoles et universités internationales. Après plusieurs années de domination étrangère c’est EM Lyon Business School qui a gagné le concours. « Terre de Vins » a suivi cette épreuve de haut vol.

« Élevez votre esprit, mais cultivez aussi le reste de votre corps, à commencer par votre palais ». C’est en ces termes malicieux qu’Olivier Ruchet, directeur du campus Reims de Sciences Po, a accueilli la 8e édition du SPIT (littéralement « cracher » en anglais, initiales du Sciences Po International Tasting).

12 grandes écoles et universités* (6 françaises, 6 étrangères) parmi les plus prestigieuses au monde avaient envoyé 3 champions de leur club d’œnologie défendre leurs couleurs au cours d’épreuves dignes d’un grand concours de sommellerie. En président du jury, le Suédois Andreas Larssen, meilleur sommelier du monde 2007, était juge de paix sur les épreuves les plus difficiles, comme le grand oral.

Dès 9h30 le matin, place aux implacables questions théoriques : Combien de jéroboams entrent dans un salmanazar ? Sous quel autre nom est connu le cépage espagnol Tinta de toro ? Qui a affirmé « le champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après boire » ? Dans quel pays se déroulera le prochain concours de meilleur sommelier du monde ? etc.

L’épreuve de culture générale est entrecoupée de 3 séries de dégustations à l’aveugle, et des questions correspondantes. La première série a mis en scène 3 champagnes Bollinger : RD 1996, RD 2002, Spectre 2009, tous d’une incroyable jeunesse. Puis, voyage le long d’un fleuve mystère (le Rhin) pour découvrir aussi bien des vins allemands (riesling 2008 Nonneberg, Domaine Breuer, Rheingau) que français : gewurztraminer 2013 grand cru Furstentum, domaine Weinbach, ainsi qu’un étonnant grand cru Altenberg de Bergheim 2009 du domaine Marcel Deiss, issu d’une complantation de 7 cépages !

Pour la série des rouges, l’auditoire a rapidement détecté le cépage commun pinot noir. Moins aisé était de deviner que le premier venait de Champagne (Bollinger, la Côte aux Enfants 2009), le deuxième de Bourgogne (Louis Jadot Beaune Boucherotte 2009) et le troisième d’Afrique du Sud (Hamilton Russell pinot noir 2013) !

Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1985 et Climens 1975

Seules les 3 meilleures équipes s’affrontaient pour le dernier round de la compétition : un grand oral de dégustation à l’aveugle de deux vins d’exception. Sur cette finale, Oxford (80 points), Cambridge (85 points) – deux grands habitués de cette compétition – ainsi que pour la première fois EM Lyon (98 points) s’affrontaient.

Les deux grands vins sélectionnés (dévoilés bien plus tard) sont exceptionnels.
Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1985 brille d’un or profond. Le nez explore des arômes de chaumes et de paille, la truffe blanche sèche. La bouche est dans un registre de fruits secs (noisette), de levure, revigorée par une sensation tactile très droite, longue, et une finale aux fins accents d’écorce de clémentine sèche. Seul Andreas Larsson, meilleur sommelier du monde, avait découvert le millésime !

Climens 1975 démontre l’insolente capacité des sauternes à la garde, avec une profonde couleur topaze. Le nez est riche et majestueux, évoquant la gelée de coing, l’ananas grillé et une farandole d’épices cardamone-cannelle. La bouche est une étoffe chatoyante tissant le caramel, l’abricot sec, dans une générosité non dénuée de fraîcheur.

A ce stade, le match est très serré. Deux styles s’affrontent sur les descriptions. D’un côté l’approche anglo-saxonne, très analytique, précise, époustouflante dans la manière de deviner les vins et les millésimes. De l’autre, une école plus française basé sur l’émotion ; la description du vin sans notes, verre à la main – moins souveraine mais plus touchante.

« Ce n’est pas l’esprit qui fait les opinions, mais le cœur », affirmait Montesquieu. Le jury a-t-il suivi la maxime ? A-t-il été séduit par l’accord mets-vins virtuose proposé sur le champagne (saint-jacques snackées au vin jaune, ravioles à l’oseille et aux morilles) ? Toujours est-il que c’est finalement l’EM Lyon qui remporte d’un cheveu la finale. Après de nombreuses années de domination étrangère, le trophée du Sciences Po International Tasting revient en France pour l’édition 2016, Cocorico !

* Ecoles et Universités présentes
France :
ENS, EM Lyon, ESSEC, ESTP, Polytechnique, HEC
International : Cambridge, Copenhagen Business School, Cornell, Chinese University Hong Kong, Oxford, St-Andrews.