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L’[en]jeu écologique de la famille Drappier

Auteur

Lucie
de Azcarate

Date

23.05.2025

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C’est à Urville, dans l’Aube, qu’a débuté depuis maintenant trois décennies une discrète révolution écologique. La Maison Drappier célèbre cette année dix ans de neutralité carbone. À l’origine de cette performance, inégalée à ce jour en Champagne, l’engagement de toute une famille.

Alors que l’écologie devient une nécessité de plus en plus pressante, que le label VDC représente l’avenir de la Champagne viticole, certains n’ont pas attendu cette prise de conscience collective pour prendre des initiatives. C’est le cas de Michel Drappier qu’on ne peut pas taxer d’opportunisme. Dès la décennie 1990, alors qu’il travaille avec son père André, il commence à réfléchir à l’impact écologique de son activité et, à l’aune de ses considérations environnementales, change de perspective : « Mon père, André Drappier, recherchait l’efficacité dans son travail. De son point de vue l’utilisation des pesticides, par exemple, était justifiée, tandis que mon épouse et moi étions plus sensibles à la pollution que cela pouvait provoquer. »

Aujourd'hui, la Maison Drappier applique une politique environnementale volontariste qui se traduit par des investissements conséquents et un engagement sur le temps long tant la rentabilité peut parfois tarder. De fait, pour Michel Drappier, la structure familiale de son entreprise est déterminante : « Dans une société détenue par des actionnaires, il est plus difficile de consentir à des investissements dont on n'est pas capable de mesurer la rentabilité, surtout à court terme. Nous nous sommes impliqués quotidiennement dans notre village d’Urville, classé Natura 2000, et nous investissons dans notre outil de travail. » Ici se joue la succession des générations.

Dans la famille Drappier, je demande la fille, Charline

Pour Michel, c’est la naissance de sa fille Charline en 1989, l’aînée de la fratrie, actuellement à la manœuvre dans l’entreprise, qui a rebattu les cartes : « pour moi cela a été un déclic. Avec un nouveau-né, beau, pur, nous ne pouvions par continuer à mettre des produits chimiques partout ». À l'époque, une vigne bien tenue en Champagne, c'était une vigne sans un brin d'herbe. Autant dire dans ce contexte que les velléités avant-gardistes de Michel Drappier ont été freinées par son père. Qu’à cela ne tienne, il les a reportées en cave en commençant à faire des vins plus naturels notamment en diminuant les doses de souffre. Finalement, le vignoble de la Maison Drappier accède à la certification en bio en 2014.

En cave puis à la vigne, l’approche écologique est globale. Parmi les initiatives les plus déterminantes, l’installation de panneaux photovoltaïques sur près de 2000 m² de bâtiments permet de fournir 75% des besoins en énergie de l’entreprise et a contribué à l’abandon total des énergies fossiles. Côté packaging, les efforts se sont concentrés sur la bouteille de couleur brune qui contient 90% de verre recyclé. D’un bout à l’autre de la chaîne, de la vigne à la commercialisation, les Drappier font évoluer leurs pratiques jusqu’au transport de leur champagne. En Octobre 2024, une expédition de champagne Drappier a pris le large du Havre à destination de New-York, à bord du voilier cargo Anemos de la compagnie TWOT.

Dans la famille Drappier, je demande le cadet, Antoine

cheval ardennais dans les vignes champagne drappier
Antoine Drappier et Idaho ©OG Studio

À côté des investissements, l’expérimentation contribue à l’écologie. Chez les Drappier, verger, potager et poulailler sont conduits selon les principes de la permaculture, une pratique qui vient trouver naturellement sa place en complément de l’agriculture biologique.

De même, Antoine, le cadet de la famille, passionné par les animaux et la nature, cultive les parcelles dédiées aux cépages champenois rares : fromenteau, arbane, petit meslier et la parcelle la grande sendrée, avec Idaho, son cheval de trait ardennais. Plus léger qu’un tracteur, Idaho préserve la structure des sols et évite leur compactage. Pour Michel Drappier, le travail de son fils représente un retour aux sources : « Je suis né en 1959, avant de faire l'acquisition d'un tracteur enjambeur, mon père avait deux chevaux ardennais sur lesquels je montais lorsque je l’accompagnais dans les vignes. »

Dans la famille Drappier, je demande le fils, Hugo

Ces engagements écologiques ne sont pas toujours faciles à tenir. Le millésime 2024 a lancé un questionnement entre Hugo et son père sur l’opportunité de continuer en bio tant la campagne viticole a été marquée par l’humidité. « Pour Hugo, responsable de la vigne, la multiplication des traitements était difficile à gérer. Mais nous avons tenu bon. D’une certaine façon, nous ne pouvions pas abandonner le bio surtout lors de ma cinquantième vendange ! »

Le père et le fils ne s’arrêtent pas en si bon chemin. En ce printemps 2025, Michel et Hugo Drappier entament la supervision de la construction d’une nouvelle cave creusée, offrant un avantage naturel précieux : une auto-régulation de la température. Elle sera surmontée d’un bâtiment en bois, dont les murs seront constitués de paille et de chanvre, matériaux qui offrent une bonne régulation thermique.

Chez les Drappier, l’enjeu écologique n’est pas un jeu de bataille. Ils surmontent toujours les tensions qui surviennent nécessairement, « même si on s’engueule un peu parfois, mon plus grand plaisir, c’est de travailler avec mes enfants », souligne Michel Drappier. Après tout, les Drappier œuvrent de concert pour que « durable » ne soit pas un vain mot, mais une ligne de conduite à chaque génération. Et c’est avec beaucoup d’émotion que Michel Drappier évoque le souvenir de son père, André Drappier, récemment disparu à l’âge de 99 ans : « Pour moi, la cerise sur le gâteau c’est Papa. Ça a pris du temps, mais à partir de 80 ans, il a aimé les champagnes que l’ont faisait, il a bu avec plaisir du brut nature. »

©Jean-Charles Gutner

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