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« Entre les rangs » : un calendrier solidaire qui révèle l’intime

A gauche: Pauline Versace, fondatrice de La Vie Bonne A droite: Chuyue Ji en plein shooting du calendrier

Auteur

Julia
Bouchet

Date

27.11.2025

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En cette fin d’année où la filière viticole continue d’affronter des secousses économiques et sociales sans précédent, une initiative à taille humaine vient rappeler l’essentiel : derrière chaque bouteille, il y a des femmes et des hommes, avec leurs doutes, leurs élans, leurs passions silencieuses. C’est tout le propos du nouveau calendrier solidaire « Entre les rangs », lancé par Pauline Versace, fondatrice de l’agence bordelaise La Vie Bonne, en collaboration avec la photographe Chuyue Ji.

Un projet né d’une conversation… et d’un manque

Pour comprendre la naissance d’« Entre les rangs », il suffit d’écouter Pauline Versace. « Une idée folle parmi d’autres », surgit au détour d’un échange avec son amie Chuyue Ji, gérante de Yima Culture Communication. Toutes deux connaissent de l’intérieur le monde de l’œnotourisme, ses heures lumineuses comme ses creux d’incertitude. Très vite, l’objectif s’impose : créer un objet artistique positif, capable de montrer la réalité souvent invisibilisée de celles et ceux qui font le vin. « Ce que je vis sur le terrain est très loin de ce qu’on entend dans les médias. Je rencontre des vignerons positifs, inventifs, déterminés. C’est ça que je voulais mettre en avant. » Le parti pris est clair : s’éloigner des chais, des barriques, des images attendues, et aller chercher l’humain entre les interstices du quotidien.

Photographier les passions, les respirations

Le titre « Entre les rangs » ne renvoie pas seulement aux vignes. Il dit ce que le calendrier capture : les moments qui permettent de tenir quand tout vacille. Pour la photographe Chuyue Ji, rejoindre ce projet était émotionnellement important : « Me lancer dans un thème aussi exigeant est un geste fort parce que mon but et mon rôle principal est de capter les émotions de chacun des vignerons. » Pauline insiste de son côté : « On voulait aller dans les pas de côté, les respirations, les passions qui permettent de tenir quand c’est dur. » Pour cela, chaque participant a été invité à révéler un pan intime de son existence : une activité, un geste, un hobby, une parenthèse, bien loin de l’exercice de communication classique. Une demande délicate, que tous ont pourtant acceptée.

Le noir et blanc comme évidence

Côté esthétique, la photographe Chuyue Ji a opté pour une direction artistique sobre et exigeante : « Le noir et blanc permet de se concentrer sur les regards, les mouvements. Il laisse un espace d’imagination. » À chaque page, un visage, un corps en mouvement, un fragment d’intimité. Chaque mois du calendrier juxtapose ainsi un portrait épuré à un château ou domaine en couleur : « On a choisi de mettre en lumière les châteaux en coloré. Quand vous tournez la page, vous avez aussi de l’histoire et quelque chose de très lumineux. » Un dialogue visuel subtil entre l’intime et le territoire, entre la personne et le lieu.

calendrier

Le premier noyau du collectif

Ils et elles ont accepté de se prêter au jeu, de dévoiler une passion, un geste, un souffle personnel. Jean-Thomas Doublet, représentant de la nouvelle génération au Château Vignol, figurent parmi les visages capturés par l’objectif sensible de Chuyue Ji. On y découvre aussi Madina Querre et Adrien David-Beaulieu, duo engagé de Notre Sainte-Terre à Saint-Émilion ; Anne-Françoise Quié, copropriétaire du Château Rauzan-Gassies à Margaux ; Daisy Sichel, membre de la fratrie qui porte aujourd’hui Château Angludet ; Laure de Lambert Compeyrot, directrice du Château Sigalas Rabaud ; ou encore Miguel Aguirre, directeur du Château La Tour Blanche (Sauternes). À leurs côtés, Brigitte et Caroline Tribaudeau, qui mènent le Château Mauvinon (Saint-Emilion) en famille ; Benjamin Gutmann, à la tête du Château Jouvente dans les Graves; Hugues Dutheillet de Lamothe, copropriétaire du Château Fonfroide ; et Mathieu Huguet, vigneron au domaine familial Sadon Huguet, complètent ce premier noyau.

Au sein du collectif, la diversification est un sujet brûlant. Valentine Picant, directrice du domaine Hostens-Picant, dans l'Entre-deux-Mers le formule avec franchise : « On vit une période pas facile et chacun se demande comment mieux équilibrer les choses. » Elle appelle à l’ouverture : « Peut-être qu’il y a des moments d’échange à imaginer pour dès à présent ouvrir cette communauté au plus grand nombre. »

valentine picant
Calendrier La Vie Bonne - Valentine Picant ©Chuyue Ji

Le parcours de Jérémy Brun du Domaine du Carrelet (33) illustre parfaitement l’esprit du collectif. Ancien officier marinier, il amorce une reconversion qu’il raconte avec sincérité : « Moi, j’ai un parcours atypique… Je suis marin militaire dans la Marine nationale, 20 ans de contrat que je termine en 2026. J’ai acheté quelques vignes en friche, un peu moins de 2 hectares. » Et au fil de sa carrière, il s’implique profondément dans la santé mentale : « J’ai passé quatre ans à accompagner des blessés psychiques. La santé mentale est très importante. Je suis préventionniste au ministère, sentinelle pour la prévention du suicide… Ce sont des petites formations que je veux mettre à disposition de la filière. »

Ensemble, ils forment ce qui deviendra le collectif « Entre les rangs », un groupe mouvant, volontaire, uni par l’idée que la viticulture doit pouvoir s’appuyer sur ses forces vives — et sur leur humanité.

Un calendrier… mais aussi un collectif en mouvement

Derrière l’objet se dessine un projet plus large : le collectif « Entre les rangs », né simultanément. Sa vocation : encourager la reconversion des vignerons, accompagner la diversification, qu’elle soit agricole ou touristique, et surtout créer un espace d’échange d’expériences. Comme le résume Pauline : « Se réunir et échanger ne demandent que de la volonté. Le collectif peut vivre sans argent ; le calendrier doit seulement l’aider à démarrer. »

Le journaliste Henry Clémens a été sollicité pour animer le collectif, et plusieurs vignerons — dont Valentine Picant et Jérémy Brun — ont déjà proposé des pistes concrètes.

Un modèle horizontal, basé sur la confiance, l’entraide et l’envie de construire l’avenir autrement.

Le calendrier est vendu 35 € TTC, intégralement reversés au collectif. Il est disponible à l’Office de tourisme de Bordeaux, prochainement à la Cité du Vin, dans les châteaux partenaires, et sur le site de La Vie Bonne.


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