Mardi 23 Décembre 2025
Une cabotte du nouveau Domaine des Cabottes ©Iannis Giakoumopoulos
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Date
23.12.2025
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Au passage de 2025 à 2026, la rédaction de Terre de Vins vous propose une rétrospective par région viticole. En Bourgogne, il ne fallait pas manquer la création du Domaine des Cabottes par Artemis Domaines, la 165ème vente des Hospices de Beaune et deux anniversaires : les 50 ans des crémants de Bourgogne et les 10 ans de l’inscription au Patrimoine de l’UNESCO des climats.
L’année a commencé fort, par une exhorte d’Armand Heitz, vigneron _ entre autres activités _ à Chassagne-Montrachet. À l’occasion du dry january, il déclare : « Si vous voulez du sans alcool, prenez de l’eau, des jus de fruits, des kombuchas ou des thés fermentés qui ont plus de cohérence. » Or, la véritable pression qui pèse sur la Bourgogne, ce n’est pas l’hygiénisme mais les taxations douanières qui menacent l’export, notamment aux États-Unis. Dans la tempête, la vénérable bourgogne viticole se raccroche à son histoire. En 2025, l’appellation crémant de Bourgogne a célébré ses 50 ans et saisit l’occasion de cet anniversaire pour revenir aux origines de la bulle bourguignonne à travers trois siècles d’histoire dans un ouvrage « Bulles, l’histoire singulière des crémants de Bourgogne ». À l’instar de l’effervescence, les climats bourguignons peuvent se targuer d’une histoire séculaire, inscrite au patrimoine de l’Unesco il y a maintenant 10 ans. Leur sauvegarde se renforce encore, alors qu’à l’aube de 2026, la Chine s’apprête à reconnaître 70 appellations bourguignonnes… Entre les anniversaires et cette conclusion encourageante, voici donc ce qui s’est passé en Bourgogne en 2025.
Sitôt qu’il est question de restructuration ou d’investissement, on peut parler de « grandes manœuvres », surtout en Bourgogne. La Chablisienne, fondée en 1923, qui rassemble aujourd’hui 300 vignerons, a inauguré un tout nouveau lieu de stockage. Elle a en effet acquis une carrière en décembre 2023 qu’elle a réaménagée en 17 mois à peine pour devenir un lieu de stockage qui se fond parfaitement dans son environnement. Damien Leclerc, son directeur admet quelques ambitions : « Le potentiel de stockage est d’environ 10 millions de bouteilles. Avec les 6 millions actuellement stockées, cela nous laisse un peu de marge. »
C’est aussi pour satisfaire ses ambitions, qu’Artemis Domaines a annoncé dans un communiqué daté du 7 octobre dernier, la scission de Domaine Bouchard Père & Fils, acquis en 2022, en deux propriétés distinctes. D’un côté, le nom historique conservera la destinée de 60 ha en Côte-d’Or, de l’autre, le nouveau Domaine des Cabottes, intégrera 35 ha des climats les plus iconiques de la Côte de Beaune. Jérémy Cukierman, Master of Wine et Directeur Communication & RSE, a bien voulu nous expliquer les raisons de cette nouvelle organisation : « Nous nous sommes aperçus que le nom de Bouchard, tant qu’il n’y avait pas de décision forte, restait associé au négoce alors même que nous avions décidé de nous concentrer sur nos vignes en propriété. Nous avions également l’impression d’être trop gros. Avec 98,7 ha, répartis sur 111 parcelles, nous ne pouvions avoir la minutie et la précision nécessaires pour conduire comme il se doit chacun de ces terroirs extraordinaires. »
Jadis, le duché de Bourgogne jouissait d’un accès à la mer. Que ce ne soit plus le cas depuis la période moderne n’a pas éteint l’appétit de certains bourguignons pour le grand large. La Maison Albert Bichot a même tenté un voyage hauturier par l’intermédiaire de la cuvée Secret d’Océan. Deux pièces de chardonnay ont été arrimées sur le voilier « Grain Sail » afin « de comprendre l’impact du transport maritime transatlantique sur le vin » précise Albéric Bichot. D’autres vins bourguignons ont voyagé par voilier. Quatre flacons de "Ruchottes-Chambertin Grand Cru" 2022 du Domaine Mugneret-Gibourd ont également été embarqué, cette fois sur le bateau d’Antoine Cornic pour faire le Vendée Globe en 2024.
Quant à la Maison Simonnet-Frèvre, à Chablis, c’est le cap du bio qu’elle maintient. Quelques climats sont déjà revendiqués AB et l’ensemble des vignes en propriété seront certifiées en 2026. Plus au sud, les vignerons de Buxy tentent une nouvelle nuance de vin. Ce vermeil paraît inédit, à moins que ce soit une référence à une ancienne pratique remise au goût du jour pour satisfaire les palais friands de rouges légers…
Les conditions dantesques subies par une grande partie du vignoble bourguignon en 2024 avaient fortement impacté les esprits et usé les corps. Autant dire que 2025 a été vécu majoritairement comme un soulagement même si la variabilité du temps n’a pas été sans conséquence. Au printemps la chaleur s’est imposée sur l’ensemble de la Bourgogne avec un premier pic caniculaire en juin puis un second en août qui a accéléré la maturation des raisins. On peut observer de la grillure sur des raisins du mâconnais et de la Côte-d’Or, les vignes ayant mieux résisté dans le chablisien.
Dans l’ensemble, c'est une vendange de belle qualité, seule ombre au tableau : les quantités. Les mauvaises conditions météorologiques de 2024 ont conduit à une mauvaise initiation florale, combiné à l’échaudage, les rendements se sont avérés décevants.
Le millésime 2024 a trouvé preneurs à la 64ème vente aux enchères des Hospices de Nuits le 9 mars. Conséquence des intempéries exceptionnelles, seules 15 cuvées, parmi les 19 potentielles étaient disponibles. Pour pallier le manque, il était possible d’acquérir, à titre exceptionnel, des bouteilles et des magnums des vieux millésimes du domaine. Quant aux hospices de Tonnerre, le 20 avril dernier, ils inauguraient leur vente aux enchères. Sur le même modèle que les hospices de Beaune et de Nuits, Tonnerre ne peut cependant compter que sur un hectare de vignes. Des dons de domaines alentours ont donc permis d’étoffer l’offre.
En automne, on bascule sur la vente du millésime 2025, initiée par les hospices de Beaune. Pour ce nouveau millésime, les volumes s’avèrent modestes avec 428 pièces de vins rouges et 110 pièces et 2 feuillettes de blancs, soit 538 pièces et 2 feuillettes en tout. Quant au profil des vins, il est difficile à appréhender. C’est un millésime que Ludivine Griveau, régisseur du Domaine, qualifie de « solaire », tout en concédant qu’il se révèle également « très bourguignon » par sa finesse, son acidité et ses équilibres. Néanmoins, l’ensemble des 51 cuvées sont présentées, ce qui laisse présager d’une qualité tout à fait honorable, auxquelles s’ajoute une 52ᵉ et nouvelle, la cuvée François Faiveley. Avec des parrains aussi prestigieux qu’Alice Taglioni, Martin Solveig, Cédric Klapisch et Vincent Lacoste, la pièce du président, vendue au profit de deux associations : Enfance et Handicap en Côte-d’Or et l’Institut Robert Debré du cerveau de l’enfant, a trouvé preneur pour un montant de 400 000 €.
Malgré les difficultés rencontrées, entre un millésime 2024 difficile, un 2025 très prometteur mais aux quantités limitées, et les conséquences des taxes douanières aux Etats-Unis, le reflexe bourguignon reste de cultiver sa légitimité au regard de l’histoire. Le Clos Vougeot, sorte de centre de gravité de cette filière viticole, s’y emploie en convoquant la figure tutélaire de Brillat-Savarin avec une exposition qui lui est consacrée jusqu’en 2026…

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