Jeudi 10 Octobre 2024
©O. Sarazin
Auteur
Date
02.05.2023
Partager
L’accord est à la fois subtil et puissant. Il a été imaginé par Hugo Desnoyer, artisan boucher à Paris, et Renaud Fillioux de Gironde, maître assembleur de la maison Hennessy à Cognac
Un jour, Renaud Fillioux de Gironde a poussé la porte du 28, rue du docteur Blanche à Paris. Le maître assembleur des cognacs Hennessy savait l’adresse gourmande mais ignorait l’originalité de la boucherie d’Hugo Desnoyer, où les beaux morceaux se choisissent à l’étal et se dégustent à l’assiette, sur une grande table d’hôte en forme de billot, au milieu du commerce. « J’étais comme un enfant au milieu d’un magasin de jouets », se souvient-il.
Le négociant charentais et le boucher parisien ont taillé un brin de bavette, se toisant et se jaugeant avant de sympathiser. « Mais c’est quoi ton eau-de-vie ? » a demandé Desnoyer, qui méconnaissait le cognac. Fillioux de Gironde lui a raconté l’art du vieillissement dans les fût de chêne du Limousin. Tiens donc ! C’est ici, dans le Limousin, que Desnoyer sélectionne les meilleurs bœufs, dont la viande doit maturer avant d’exprimer toutes ses saveurs. Comme les eaux-de-vie de Cognac…
Notes épicées et poivrées
Les deux gourmets ont confronté leur savoir-faire ; goûté et marié leurs produits. Une vraie complicité est née. A l’automne 2021, Desnoyer proposait à ses clients un accord insolite : un onglet de bœuf maturé quatre à six semaines servi snacké, relevé d’une sauce au cognac monté au beurre et accompagné d’un verre de XO Hennessy. Le « food pairing » s’épanouissait en notes épicées, poivrées et boisées. La formule (42 euros) fut servie jusqu’en novembre 2022 dans l’échoppe proche de la porte d’Auteuil, repaire de vrais viandards, amoureux de la qualité et soucieux du respect des bêtes. Bien des célébrités l’ont appréciée, notamment le comédien et metteur en scène Jacques Webber, habitué des lieux.
Desnoyer et Fillioux de Gironde peaufinent un nouvel accord, dont la subtilité et la puissance ont été réglées dans les cuisines de Bagnolet, le château de la maison Hennessy à Cognac. Aujourd’hui, place à la viande crue : tartare de veau de lait de Corrèze et XO. Le premier est délicat ; le second plus expressif ; le point d’équilibre difficile à trouver. Nous avons goûté : une réussite. Tout se joue dans la découpe au couteau (ni trop gros ni trop petit) et l’assaisonnement généreux (échalote ciselée, ciboulette, huile d’olive, jus de citron vert, sel et poivre du moulin).
“Allongez d’un trait d’eau”
L’astuce du boucher ? « Vérifiez la mâche ! Elle doit rester agréable, avec une texture à la fois fine et dense. Puis agrémentez d’une purée de yuzu ou râpez l’écorce du citron vert… »
Celle du maître assembleur ? « Servez le XO sur glace et allongez-le d’un trait d’eau minérale tempérée. Il faut un peu l’allonger sans le noyer. La légère dilution et le jeu des températures vont révéler les arômes, notamment les notes poivrées. »
Cet accord viande-cognac est à savourer avec modération du 15 mai au 15 novembre 2023, exclusivement à la table de la boucherie Desnoyer dans le XVIe arrondissement, au prix de 45 euros (verre de cognac inclus). L’établissement est ouvert du mardi au samedi à l’heure du déjeuner ; dîner les seuls jeudis soirs.
Réservations au 01 46 47 83 00.
Articles liés