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Accords vins et mets : Cahors remet le couvert

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

07.06.2018

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Contrairement à la logique de la restauration, partons de la bouteille pour aller vers l’assiette. Cette expérience séduisante made in Cahors vient de se dérouler chez Thierry Verrat, à la Ribaudière (1 étoile Michelin).

« On choisit toujours le vin en fonction du plat, il s’agit de tenter l’expérience inverse, explique Jean Dusaussoy, connaisseur des vins de Cahors et consultant en accords vins et mets. Du coup, on échange avec le chef en dégustant les vins que nous voulons soumettre et ensuite le cuisinier créé une recette. » L’opération a commencé au début de l’année 2017 avec le chef doublement étoilé Pascal Bardet dont la table – le Gindreau – est dans le Lot. Viendront ensuite les chefs Christophe Hay (La Maison d’à Côté), Marius Halter dans son nouveau restaurant de Parnac (Les Jardins), Fernando De Tomaso (Le Biondi à Paris), Takashi Kinoshita (Château de Courban) et, ce 6 juin, le chef-artiste étoilé Thierry Verrat.

Accords vins et mets plutôt qu’accords mets et vins

Le premier vin sur les starting-blocks était la cuvée Eulalie du Château Cénac sur le millésime 2008. Un vin qui a déjà 10 ans, dont les tannins se sont polis avec une pointe d’acidité que Thierry Verrat a voulu contrer avec le gras d’un culatello di zibello accompagné d’un beurre de Surgères. Ce fut une mise en bouche sur l’équilibre des forces avant d’intégrer le terroir maritime charentais cher au chef de la Ribaudière. Au menu, un magnifique tartare de bar à la truffe de Jarnac, voile de jaune d’œuf et pimenton fumé, un plat très lié que le vin choisi en amont va venir délier, distraire, sublimer. C’est un vin du causse, la cuvée Sanguis Christi 2015 du domaine des Roques de Cana. Une heureuse rencontre où le jeu s’est davantage opéré sur les textures que sur les saveurs. Le troisième vin est celui d’Arnaud Bladinières, Une étoile est née 2014 du Mas des étoiles, un jus puissant de malbec, épicé, réglissé que Thierry Verrat est venu confronter à des bouchons de langoustines caramélisées et à sa dentelle de corail ; il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

Passé cette expérience, la perle Noire 2014 du Château Tour de Miraval est entrée en piste, un vin tendu et élégant que le filet de turbot vient caresser avec son jus de volaille, son lard et son biscuit de tête rôti à la graisse de canard. Du grand art signé Verrat ! « Il faut oser, s’amuser, provoquer, c’est dans ce genre d’atelier que l’on peut s’exprimer, le vin inspire », confie-t-il. La création pour le dessert est du même acabit pour venir tempérer la fougue animale de la cuvée La Camps 2015 du Château Lamagdelaine noire. Thierry Verrat lui soumet une glace à la barrique à partir d’un lait qui a infusé dans des douelles : du haut vol. Désormais, au restaurant, prenons d’abord la carte des vins avant de choisir son menu, c’est l’enseignement original de ces alliances. Accords vins et mets plutôt qu’accords mets et vins…

« Cahors is Back »

« Au-delà de l’expérience, il s’agit d’installer davantage les vins de Cahors dans le culinaire », explique Jérémy Arnaud, de Terroir Manager et de fait associé à cette opération. En quelques années, les vins de Cahors ont opéré une véritable mutation avec une compréhension des terroirs moins empirique et un travail de précision à la vigne comme au chai. Répétons-le, Cahors is back. Ce n’est pas Florian Balzeau, meilleur sommelier de l’année 2018 selon Gault & Millau, qui officie au Gindreau qui dira le contraire : « Lorsque j’ai pris mes fonctions dans ce restaurant en 2015, j’avais une image des vins de Cahors un petit peu dépassée, voire même complétement obsolète. Ma dernière visite dans le vignoble de Cahors datait de 2006. J’en étais resté à un profil de vin très dur, un peu charnu, avec des élevages un petit peu marqué. Cette image a explosé en quelques semaines ! En effet, dès mon arrivée j’ai beaucoup dégusté dans le vignoble et me suis vite aperçu du changement des profils de vins, lesquels sont plus sur la fraîcheur, l’éclat, la nuance, avec moins de boisé, moins d’austérité aussi, tout en gardant la typicité du cépage malbec mais dans un autre registre. Du coup, je me suis dit qu’il y avait d’autres possibilités d’accords mets et vins de Cahors ». Dont acte.