Samedi 9 Novembre 2024
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07.02.2022
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2014 succède à 2013 chez Cristal de Roederer, un millésime maîtrisé qui allie concentration, maturité et en même temps fraîcheur et minéralité. Jean-Baptiste Lécaillon, chef de caves de la Maison, a accepté de nous raconter son histoire.
Comment résumeriez-vous la « recette » de Cristal ?
Cristal, c’est d’abord la constance de sept grands crus : Verzenay, Verzy, Beaumont-sur-Vesle, Aÿ, Cramant, Mesnil et Avize. Ils approvisionnent la cuvée depuis sa création en 1876. En tout, cela représente 45 parcelles, toujours en milieu de coteau. Ces vignes ont minimum 20 ans, le temps nécessaire pour que les racines pénètrent la roche. Sur ces sols très calcaires, le PH est élevé, par conséquent la minéralisation est douce, avec peu d’azote et de potassium, mais beaucoup de calcium. Un régime maigre auquel il faut ajouter notre viticulture qui utilise à la place des engrais des composts, ce qui redouble la lenteur de l’alimentation. Lorsque vous utilisez un engrais chimique, vous pouvez ajouter des quantités précises d’azote et de potasse directement assimilables par la vigne. En travaillant sur des composts, tout cela est lié à la matière organique et se libère lentement au gré de la météo et du rythme du sol.
On est en plein dans la tradition historique de la Champagne, une petite taille, des petites vignes pas trop puissantes qui produisent un raisin concentré à contrepied de la tendance qui consiste à chercher des rendements supérieurs et donc une dilution de la matière. Si cette dernière approche permet aussi d’obtenir de belles qualités, ce que nous souhaitons pour notre part, c’est obtenir du caractère. Cela nécessite une maturité phénolique aboutie. Les acides organiques, les composés protéiques, les polyphénols, les tanins, sont des éléments qui vont donner un goût prononcé, ce que j’appelle l’extrait sec. On a donc un vin concentré et en même temps avec des PH bas puisqu’on est sur les craies, ce qui confère une fraîcheur, une salinité qui viennent équilibrer cette matière supplémentaire.
Dans Cristal, il y a l’influence du sol, mais aussi de l’année…
L’ADN demeure le sol, l’effet climat du millésime vient derrière. Comme les raisins sont issus uniquement de notre domaine, nous pouvons complètement maîtriser l’adaptation de notre viticulture aux conditions de l’année. 2014 suit le rythme d’une valse à trois temps où la puissance de la craie, qui a cette capacité à la fois d’absorber et de restituer l’eau, a été fondamentale. Le printemps était lumineux et faible en précipitations jusqu’à la fin juin alors que juillet et août ont été océaniques avec beaucoup de passages de dépressions et deux fois plus de pluie que d’habitude sur la Côte des blancs et la vallée de la Marne. En revanche, la montagne de Reims est restée plutôt sèche. En voyant les pluies arriver, nous avons interrompu le labour pour laisser l’herbe exercer une concurrence hydrique. Comme nous n’avions pas eu d’été, la maturité n’était pas très aboutie. L’eau avait provoqué une forme de dilution. On a pensé que l’extrait sec serait faible. Profitant du retour du climat continental en septembre, nous avons fait le pari de vendanger plus tard, alors que le raisin atteignait 11 degrés. Nous avons rentré des jus fruités avec une belle matière et en même temps très champenois, nets, droits, dotés d’une grande fraîcheur.
Comment procédez-vous à l’assemblage ?
Nous assemblons d’abord les 45 parcelles. Puis nous fonctionnons par soustraction, en en retirant une ou plusieurs pour voir si on arrive à faire mieux, à rééquilibrer, à renforcer l’esprit du terroir. En 2014, j’ai utilisé toutes les parcelles de la Montagne, mais j’en ai éliminé trois d’Aÿ, un peu diluées, et trois d’Avize qui n’avaient pas la pureté de Cristal. Ainsi, nous ne partons pas d’une feuille blanche, il existe déjà un canevas avec les différents terroirs présents, il s’agit plus d’une composition, une forme de réajustement.
Prix : 250€
www.roederer.fr
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