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Hemera 2008 : l’esprit lumineux du champagne Henriot

© wearethegoodchildren

Auteur

Yves
Tesson

Date

03.03.2023

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Hemera est sans doute l’un des derniers 2008 que l’on verra sortir. Mais la vérité est que ce millésime tout en retenu imposait d’attendre et qu’il commence aujourd’hui tout juste à s’exprimer. Ciselé, étincelant, précis, épuré, vibrant, sa dégustation nous permet de nous remémorer les quelques qualités qui font la différence entre un bon vin et un grand vin, le premier flatte, le deuxième surprend, éblouit et, pour finir, vous élève.

L’origine du champagne Henriot fondé en 1808 se trouve sur la Montagne de Reims, sur trois crus de la face Nord : Mailly, Verzy et Verzenay. Lorsqu’en 1880, la Maison fait l’acquisition de vignes sur la Côte des blancs à Chouilly, Avize et Le Mesnil-sur-Oger, elle opère un basculement. D’un seul coup, le chardonnay qui était absent de ses assemblages devient majoritaire. A la même époque, elle commence à acheter une partie de ses raisins, et c’est sans doute pour être certaine de ne jamais oublier ses racines, qu’elle lance en 1889 « Premier », une cuvée spéciale constituée exclusivement à partir des six crus fondateurs. Au fil des années, ce champagne sera rebaptisé successivement Baccarat, les Enchanteleurs, et à partir du millésime 2005 « Hemera », du nom de la déesse de la lumière. 

C'est l'un des anciens papiers peints de la Maison des Aulnois où figure la déesse Héméra qui a inspiré le nom de la cuvée.

La cuvée connaît alors une légère évolution dans sa philosophie, puisque les six crus sont désormais systématiquement à parité, l’idée étant de mettre davantage en évidence l’expression et l’originalité de chaque millésime, sans chercher par des rééquilibrages géographiques à l’atténuer. Le principe est plus exigeant. En effet, tous les millésimes ne permettent pas à ces six crus à fort caractère de s’accorder spontanément. Il faut souvent un long vieillissement en cave pour leur donner le temps de se réconcilier, et cette entente peut même être impossible sur certaines années. « Chaque cru est unique. Pour les Pinots noirs de la Montagne, Mailly donne des vins expressifs, souvent massifs, opulents. C’est un peu le banquet du chasseur !  Verzenay est davantage dans l’élégance, la finesse et Verzy apporte une structure solide. Côté chardonnays, Chouilly est généreux, exotique. Avize contribue à la vivacité et à la fraîcheur avec cette tension assez marquée. Quant au Mesnil, il apporte une brillance qui n'appartient qu’à ce cru » explique Alice Tétienne, la cheffe de caves.

2005, 2006 et 2008, la trilogie très contrastée d’Hemera

Pour mieux comprendre la spécificité du 2008 que la Maison s’apprête à sortir et l’influence radicale de l’effet millésime sur cette cuvée, une petite verticale s’imposait. Nous avons débuté par Hemera 2005, une année difficile, « en dents de scie », alternant coups de froid, redoux, soleil, humidité… Le caractère affirmé du vin traduit bien le combat mené par la vigne contre la nature. Le champagne s’exprime avec beaucoup de concentration, de manière uniforme, comme un bloc monolithique, jusqu’à ce que la finale vienne ramener un souffle d’air avec une petite pointe d’acidité combinée à une amertume très élégante. Sur ce millésime, clairement, c’est le côté chaleureux et puissant du pinot noir de Mailly qui domine. Les arômes tertiaires sont déjà marqués, mais la trame de fraîcheur de ces six grands terroirs crayeux demeure et ressort à travers une belle salinité.

Hemera 2006 est également très expressif mais dans un tout autre registre. On a d’une part cet aspect opulent donné par la dimension solaire du millésime avec des fruits jaunes mûrs voire confits. Néanmoins, l’humidité qu’on a aussi connue cette année-là, a ramené en bouche beaucoup de fraîcheur et cet aspect fin et bien dessiné. Bref, on est dans l’équilibre parfait, avec juste ce qu’il faut de patine et le bon mix entre rondeur et fraîcheur. De toute évidence, c’est le chardonnay de Chouilly qui domine, dans toute sa générosité. 

Hemera 2008 représente enfin l’année classique au climat typiquement champenois : un printemps humide, un été assez frais, des pluies avant les vendanges suivies du retour in extremis du soleil (le fameux miracle champenois !). Le millésime est connu pour le caractère épuré de ses vins, portés par une tension qui leur donne beaucoup de profondeur, mais aussi une certaine retenue. Les grands vins, on le sait, ne se donnent pas d’un seul coup ! 2008 et cet opus d’Hemera en particulier, en sont l’archétype. « C’est ce qui fait d’Hemera 2008 la cuvée la plus cohérente des trois avec la signature générale de la Maison faite de générosité et de complexité mais toujours dans la distinction et l’élégance. »

Au niveau des arômes, on est clairement sur les agrumes avec un léger vanillé boisé en arrière-plan alors même qu’aucun vin n’a été vinifié sous bois. On n’a pas du tout la rondeur et le côté très soudé du 2006. Mais quelque chose d’angulaire, taillé à la serpe, d’une extrême précision donnant l’impression de pouvoir lire tous les détails. C’est ce qui produit ce caractère vibrant. Il est difficile cette fois de trancher entre la dominance du chardonnay ou du pinot noir. Deux crus mènent en effet la danse, Le Mesnil et Verzenay. D’un côté la tension du chardonnay jaillit comme un rayon de soleil éblouissant, de l’autre l’élégance de Verzenay, donne cette impression ciselée de dentelle. Enfin, si on s’intéresse aux accords, force est de constater que 2006 et 2005 ont des prises de position plus fortes qui amènent à se projeter davantage sur la gastronomie, en privilégiant des plats typés, épicés. Hemera 2008 est plus polyvalente, et peut se déguster seule ou en apéritif. A table, elle accompagnera des plats très divers allant du carpaccio de Saint Jacques agrémenté de yuzu à la volaille fumée au bois de hêtre.

Prix : 189 €

 www.champagne-henriot.com