Accueil Clos des Goisses : la Champagne à l’école bourguignonne

Auteur

Yves
Tesson

Date

02.11.2020

Partager

La Maison Philipponnat sort trois nouveaux millésimes du Clos des Goisses : 2011, 1995, et 2009 pour le Juste Rosé. Trois superbes vintages de ce vin racé et atypique, dont les principes d’élaboration, en plein cœur de la Champagne, empruntent beaucoup à la Bourgogne.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le Clos des Goisses, il faut se figurer l’endroit : une parcelle plantée de 70% de pinot noir et de 30% de chardonnay sur cinq hectares, entourée de murs, et qui tombe à pic sur le canal de la Marne avec 45% de déclivité. La pente contribue à l’érosion des sols, avec une craie qui affleure en milieu de coteau et impose des amendements constants. Le travail mécanique y est presque impossible et on ne compte plus les chenillards qui se sont retrouvés accidentellement sur la route en contre-bas. Pour escalader le coteau, on n’a d’ailleurs pas hésité à aménager de longs escaliers de pierres dignes des temples Incas. Dans ce qui ressemble plus à un jardin de curé qu’à une grande exploitation viticole, la vigne fait l’objet des soins les plus minutieux. Les herbicides sont bannis et on teste différents enherbements qui permettront de ne pas trop concurrencer la vigne : en ce moment du trèfle qui aurait la vertu d’empêcher la prolifération des liserons.

C’est aussi une parcelle bénéficiant d’un climat particulier. D’abord par son une exposition plein Sud qui donne au raisin une maturité exceptionnelle. Mais aussi grâce au vent d’Ouest qui empêche les brumes de stagner. Dans de telles conditions, les mauvaises années sont rares et il n’est pas nécessaire de rééquilibrer le vin par l’assemblage d’autres crus ou millésimes. Depuis 1987, la Maison a réussi à millésimer chaque année !

Trois nouveaux millésimes puissants, vineux et complexes

La Maison a lancé au mois d’octobre trois nouveaux millésimes où on retrouve les traits typiques de cette cuvée : la puissance, la vinosité et la complexité. Il y a d’abord le Clos des Goisses 2011. Une année où par peur du botrytis on a vendangé de manière précoce dans les chardonnays, en leur laissant parfois des goûts un peu végétaux. Aussi ont-ils été exclus de l’assemblage qui ne comprend exceptionnellement que des pinots noirs. Le tirage a été réduit, se limitant à 12.000 bouteilles contre 20.000 habituellement. Mais c’est justement ici qu’on voit la magie de cette parcelle, qui réussit à offrir sur ce millésime réputé difficile un vin magnifique avec un nez où se mêlent les notes de résine de pin, de cuir et de réglisse, et une bouche, où se conjuguent les arômes de noisette, quelques pointes poivrées et une certaine salinité…

Le Clos des Goisses « Juste rosé » 2009 offre lui aussi un beau voyage. La quantité de vins rouges additionnée est très faible, entre 6 et 7%. « Sur des rosés que l’on garde longtemps en cave, il faut en mettre très peu, sinon on aurait des évolutions beaucoup plus marquées » confie le chef de cave, Thierry Garnier. Le résultat est harmonieux : un nez épicé, poivré, avec des arômes de griotte, en bouche, une attaque fruitée et gourmande, alors que la fin est minérale avec un peu de silex. La vinification sous bois donne une sucrosité qui participe à ce côté gourmand si étonnant pour un extra-brut.

À noter que depuis 2009, la Maison a revu certains éléments techniques sur ce rosé. Au niveau des cépages, elle emploie désormais des clones bourguignons, « introuvables chez les pépiniéristes champenois du fait de leur très faible rendement ». Ils permettent d’obtenir une couleur intense et présentent en même temps des grappes où les raisins sont moins serrés, ce qui les rend moins sensibles au botrytis. Une qualité encore plus essentielle pour le vin rouge, puisqu’à la différence du blanc de noirs, il implique la macération de la peau. Deuxième changement, amorcé en 2009 et achevé en 2013, l’ajout de vin rouge a été remplacé par celui de rosé de saignée : « c’est plus fin, plus élégant, vous avez vraiment la sensation de mordre le fruit mûr ».

Enfin, la Maison présente le Clos des Goisses 1995. Suivant une stratégie commerciale différente à l’époque, et malgré la qualité des vendanges, la maison avait effectué un très faible tirage cette année-là ce qui l’avait conduite à ne pas commercialiser ce millésime, hormis sur quelques marchés à l’étranger. C’est une belle découverte. On est ici sur des notes de miel, de moût de raisin, de champignons et un côté un peu vanillé. L’absence de fermentation malolactique et une année plus acide que la moyenne lui ont conservé une belle fraîcheur.

Prix recommandés, Clos des Goisses 2011 161,25 €, 1995 660 €, Juste Rosé 2009 288 €.