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[Lyon Tasting] La Champagne ? Un blanc deux noirs

© Adrien Viller

Auteur

Yves
Tesson

Date

07.10.2023

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Dans l’écrasante majorité des cas, le champagne que vous vous voyez servir est un assemblage de trois cépages, le chardonnay, le pinot noir et le meunier : un blanc, deux noirs (que l’on vinifie en blanc). Mais quels arômes et quelles qualités apportent-ils chacun ? Venez le découvrir à Lyon Tasting ce week-end au Palais de la Bourse où vignerons et maisons vous proposent des cuvées gastronomiques qui ont fait le choix du monocépage. Nous sommes allés rencontrer les champagnes Palmer, Lejeune-Dirvang, Drémont-Marroy et Boever A & S.

Afin de mieux appréhender les propriétés d’un cépage, le mieux est encore de le déguster en vin tranquille. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude, la bulle et les arômes de levure de la seconde fermentation ont tendance à masquer les caractères gustatifs propres à la variété. Le champagne Lejeune-Dirvang propose ainsi la cuvée "Vide Bourse" (24€), un coteau champenois blanc issu du pinot noir. Le nom interpelle évidemment. Guillaume Lejeune raconte: « Cette vigne se situe à Avenay Val d’Or, sur l’ancienne route qui reliait jadis le village à Aÿ, à la lisière des bois, dans une petite vallée. C’était là où les bandits de grand chemin se mettaient pour détrousser les voyageurs. D’où le nom Vide Bourse. On peut aussi se dire que leur aventure s’achevait dans une autre de nos parcelles, le Clos des Fourches, qui tire son nom des fourches patibulaires où le seigneur local laissait les malandrins pendus à la vue de tous. » L’originalité de cette cuvée, c’est qu’elle a été élaborée sans recourir à l’énergie électrique. « C’était un défi que nous nous sommes posés, une sorte de jeu. Nous avons pressé manuellement avec un petit pressoir à cliquet, puis transféré le vin sans pompe avec des seaux vers les fûts … » On a là l’archétype du pinot noir champenois avec une belle structure, des petits fruits rouges biens acidulés, un côté fumé, et une fine salinité liée à la craie même si elle est ici à deux mètres de profondeur sous l’argile et l’humus.

© Adrien Viller

Si on veut maintenant goûter ce même cépage avec des bulles et toujours sur le même terroir du sud de la Montagne, il faut se rendre chez Boever A & S qui propose un blanc de pinots noirs baptisé "1865", en référence à l’année où l’aïeul d'Anne-Sophie, un menuisier luxembourgeois, a débarqué à Louvois. "Il s’agit d’un millésime 2015, vieilli en fût pendant dix mois et dosé à 5 g. Comme nous sommes sur un terroir très crayeux qui donne beaucoup d’acidité, nous avons préféré faire la fermentation malolactique." Effectivement, en bouche, on est d’emblée frappé par la fraîcheur du vin et sa tenue malgré ses huit ans d’âge. On part sur des notes de cassis et de coing, tandis qu'une odeur de sous-bois et de feuilles humides achève de nous plonger dans une ambiance automnale.

© Adrien Viller

Deuxième grand cépage noir de la Champagne, le meunier. Jugé à tort plus rustique, il a la réputation d’être davantage fruité, rond, un peu charmeur même, mais moins tendu. La cuvée "Eclosion Meunier" du champagne Drémont-Marroy dans la vallée de la Marne, issue d’une parcelle de vignes vieilles de 75 ans, et vinifiée dans un œuf en béton, répond en partie à ces caractéristiques, avec des notes de poire cuite et de tarte tatin, tout à fait typiques. Ses arômes réglissés et caramélisés sont également très gourmands. Le vin conserve cependant une belle vivacité et ce malgré ses cinq ans d’âge (2018). Mélanie Drémont explique : "Nous avons fait un test comparatif de vinification de cette parcelle dans trois contenants différents, inox, fût, et œuf en béton. On s’attendait à trouver plus de gras dans l’œuf compte tenu du mouvement du vin et de la remise en suspension des lies. On s'est aperçu qu'il donnait au contraire au vin un profil beaucoup plus tendu. Cette droiture et cette fraîcheur sont sans doute liées à la micro-oxygénation qui se produit à travers les pores du béton. »

Pour le chardonnay, nous avons profité de la présence de l’une des cuvées iconiques de la Champagne dans cette catégorie, le Blanc de blancs de la Maison Palmer (59€). Robin Pauget, directeur régional de la marque, souligne : « Nous avons la chance d’avoir 80 hectares en premier cru sur la Montagne de Reims, essentiellement issus des villages de Trépail et Villers-Marmery. Ce terroir situé plus au Nord que la Côte des blancs, est plus froid, ce qui donne des chardonnays avec davantage de tension et de fraîcheur, mais moins d’opulence. L’attaque est vive, le gras du chardonnay n’arrive que dans un deuxième temps. Le vin s’exprime sur des notes très avenantes de petits fruits exotiques et de pêche blanche. Cette légèreté est d’autant plus remarquable que la base 2015 est réputée solaire. Quant au dosage à 7 grammes, il apporte juste ce qu’il faut de rondeur. En réalité, la liqueur composée d’une soléra sert surtout à ramener une touche de complexité. En Angleterre, cette cuvée a une réputation de dingue. En France, on l’amène progressivement… » Le Blanc de blancs de Palmer offre effectivement un très bel équilibre avec une réduction qui ne vient pas écraser le fruit, de jolies notes de noisette, de fleurs blanches et d’agrumes, une certaine salinité aussi. Il est suffisamment vif et minéral pour aller sur des poissons et en même temps assez complexe pour qu’on se permette de le servir sur un poulet à la crème.

© Adrien Viller