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[Margaux] Desmirail rendez-vous en 1894

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

03.08.2022

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Ce 3ème cru classé en 1855, en appellation Margaux, possède un vieux cuvier de 1894, un petit bijou pour qui s’intéresse à l’histoire de la vinification. Cet outil ne doit pas laisser penser que le château n’innove pas, pour preuve son rosé de saignée à l’identité bien pensée.

Un cuvier médocain innovant à l’époque.

Ce cuvier à deux étages étonnera les visiteurs par les innovations technologiques qu’il apportait à la fin du 19e. La vendange était montée au premier étage par une porte munie d’un mât horizontal faisant lui-même, office de grue. Celle-ci était ensuite étalée sur un plateau à rebords, rectangulaire, en bois, monté sur rails et roulant. On y foulait et éraflait la vendange qu’on pouvait ensuite distribuer dans les cuves en bois situées en dessous : « des cuves ouvertes qu’on fermait par des planches et qu’on plâtrait hermétiquement » indique Denis Lurton, le propriétaire des lieux. C’est donc un cuvier dit « gravitaire », car aucune pompe n'était utilisée entre le fouloir mobile et les cuves. Si on ne voit plus ce plateau roulant, on découvre toujours la trace des deux rails sur lequel il circulait : la largeur de l’espacement permet de deviner ses dimensions impressionnantes. Et si le plateau, et le monte-grue ont été démontés, c’est bien pour actualiser l’outil de vinification tout en conservant ses atouts. « Ce cuvier fonctionne toujours. Quatre cuves en bois ont été remplacées en 1999, mais sont toujours montées sur les socles d’origine en pierre. L’ensemble est complété par des cuves inox », précise Denis Lurton. Ce cuvier fait systématiquement partie de la visite ainsi que les poutres lamellées-boulonnées (une nouveauté pour l’époque, avant l’invention du lamellé-collé) et les poteaux en fontes reprenant au rez-de-chaussée les efforts du plancher où roulait le plateau. 

Ce cuvier a peut-être été pensé par Ernest Minvielle, l’architecte de quelques illustres châteaux médocains du 19ème. Mais cet homme peu connu démontre aussi sa maîtrise de l’architecture de cuvier à Cantenac Brown, Issan et Brane-Cantenac notamment, des châteaux viticoles tous en appellation Margaux et classés. Il y modélisera ce qu’on appellera désormais « le cuvier médocain ». Desmirail aura su conserver le sien "alors qu’après la deuxième guerre mondiale on les a démolis pour y mettre des cuves en ciment" constate Denis.

L’originalité

On ne parle pas d’élégance en général pour un rosé. Pourtant le rosé de saignée de Desmirail en a indéniablement. Un rosé « qui n’obéit pas aux canons de la mode » explique Denis Lurton. Car, en effet, ce rosé a de la couleur et une fine texture. Le rosé de saignée c’est le premier jus que l’on soutire une fois mis le moût dans les cuves. « On remplit des cuves tout au long de la journée et à la fin de cette journée on les soutire : 10 % du volume est consacré à ce rosé, le reste étant dédié à la production du rouge » explique Alexandre Trocherie, le maître de chai de Desmirail. Un temps de macération court qui permet de colorer le jus et d’extraire la juste dose de matière. Ce Vin IGP Vin de Pays de l’Atlantique se vend uniquement à la propriété et sur la boutique en ligne. Plus coloré qu’un Côtes-de-Provence, et riche tout en restant long et élégant, ce rosé offre des arômes de bonbon anglais, de petits fruits rouges (groseille surtout) et un soupçon de menthe poivrée. La bouche séduit d’emblée : enveloppante, ronde et un peu grasse, sans excès, elle offre un léger corps, sur un grain très fin tout en conservant la finesse et la fraîcheur qu’on est en droit d’attendre. Une recherche d’équilibre réussie entre finesse et texture. Finale sur une pointe de pamplemousse rose. Une identité propre qui démontre que couleur et matière noble ne sont pas ennemies du rosé lorsqu’elles sont mesurées et restent au service d’une présence raffinée. 8€ : une affaire.