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Pinot noir, classe américaine

Auteur

La
rédaction

Date

06.05.2013

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Loin des projecteurs rivés sur la production californienne, l’Oregon voisin travaille son vignoble. A sa façon. Voyage au cœur d’un Etat grand format qui couve un vignoble confidentiel.

Qui a dit que les vins du Nouveau Monde étaient plus accessibles que les vins européens, français notamment ? Qu’ils étaient moins chers, plus présents à l’export ? Tout le monde le dit. N’empêche, pour goûter les vins de l’Oregon, en particulier ceux de la vallée de la Willamette, dont la qualité ne se dément pas au fil des ans, il n’est guère d’autre solution que traverser l’Atlantique. Ou partir dans la direction opposée, et chercher du côté du Japon. « Nous exportons peu, souligne Anthony Van Nice, du vignoble des Four Graces, une bonne part de notre production est consommée ici en Oregon (environ 40%, ndlr), le reste se destinant pour l’essentiel aux Etats-Unis. » De fait, les faibles quantités qui partent à l’export s’acheminent vers le Canada, puis au Japon, deuxième consommateur. L’Europe n’est approvisionnée qu’à la marge. La France, de ce qu’en savent les producteurs locaux interrogés, ne l’est pas.

Nouveaux territoires

A seulement une demi-heure du centre de Portland, le vignoble ouvre ses portes, si proche que l’on peut s’avancer par les transports en commun et en découvrir une partie à vélo. C’est un jeune vignoble aux dimensions modestes : environ 8 500 hectares pour tout l’état, un petit tiers de la Bourgogne. Dans les années soixante, on a taxé ses pionniers de doux dingues. Aujourd’hui, on les révère ici comme des visionnaires. Exilés de l’université californienne de Davis, en quête de nouveaux territoires à planter, ils ont ignoré les railleries de leurs confrères en pariant sur ces terres dont on ne donnait pas une grappe. Le mouvement a commencé avec Richard Sommer, domaine Hillcrest, installé en 1961 à Rosenburg, au sud de l’Etat, suivi entre 1965 et 1968 par David Lett, domaine Eyrie, Charles Coury, aujourd’hui domaine David Hill, et Dick Erath, les premiers à introduire du pinot noir dans le nord de la vallée de la Willamette.
Durement acquise, la maturité du vignoble n’a pourtant pas attendu le nombre des années. Lors une dégustation à l’aveugle tenue à Paris en 1979, un pinot noir de l’Oregon rivalise contre toute attente avec de grands crus bourguignons. Une légitimité se dessine. Et d’une poignée dans les années soixante, les « wineries » sont à présent plus de 400.

Microclimats

Si l’encépagement est pour une grosse moitié composé de pinot noir, le pinot gris est également présent (1/7e de la production), suivi de loin par les chardonnay, riesling, cabernet sauvignon. Mais ce qui fait la vraie originalité des appellations locales est la multitude de microclimats et la variété des sols, incroyable millefeuille de sédiments marins, alluvions et autres coulées de lave. Une diversité qui se retrouve dans le verre et contribue à la réputation d’excentricité des pinots noirs de la vallée, en comparaison avec la production californienne, mais aussi et surtout bourguignonne.

Côté prix, trouver un pinot noir de la vallée de la Willamette à mois de 20 dollars, que ce soit à la propriété ou dans les points de vente, tient de la gageure. Sauf à se lever très tôt. Le déguster au verre dans un bar à vins ou au restaurant ? A moins de 8 dollars, il faudra se coucher très tard. Autant dire qu’un vaste programme s’annonce pour qui part à la conquête de ces vignobles, des presque 500 kilomètres de côte que compte l’Oregon, de ses rivières, de ses sommets enneigés, et aussi de l’effervescence de Portland, capitale économique et culturelle.
Quant à ce qui fait le prix élevé des vins de l’Oregon, le sommelier David Speer – qui tient entre autres un bar à champagne (Ambonnay Champagne Bar) – répond qu’il n’y a pas une, mais des raisons : « Cela tient d’abord au cépage majoritaire, le pinot noir, qui est peu productif. Une autre explication, moins évidente vu de France où les châteaux se transmettent de génération en génération, est que nos vignobles sont récents et la majorité des propriétaires encore endettés. » S’ajoute à cela la petite taille des propriétés, le plus souvent exploitées en famille, sans oublier un dernier point, et pas le moindre selon David Speer : « l’ego. Les producteurs font du vin de qualité, ils le savent, et ils sont fiers de vendre à un prix élevé. »

LES WINERIES A VISITER

Four Graces
Que du pinot et du très bon. Une bonne adresse pour les dégustations à la propriété.
9605 NE Fox Farm Road, Dundee, Oregon 97115. 001 800 245 2950
thefourgraces.com

Clos électrique
A découvrir pour les vins bien sûr (pinot noir, chardonnay, nebbiolo), pour la qualité de la visite aussi et pour l’humour indescriptible de John Paul, le propriétaire. Son site internet en est une bonne approche.
cameronwines.com/vines/clos-electrique

Richard Sommer
HillCrest Vineyard
240 Vineyard Lane Roseburg, Oregon 97470
www.hillcrestvineyard.com

David Lett
Eyrie Vineyards
P.O. Box 697
Dundee, Oregon 97115
www.eyrievineyards.com

Charles Coury Winery
David Hill Winery
46350 NW David Hill Road
Forest Grove, OR 97116
www.davidhillwinery.com

Dick Erath
Erath Winery
9409 NE Worden Hill Road Dundee, OR 97115
www.erath.com

Reportage de Laetitia Soléry pour « Terre de Vins » n°21 (janvier-février 2013), à lire en intégralité en le commandant ici.