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Quand la sophrologie se met au service de la dégustation

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

17.02.2021

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Basée sur la respiration et la relaxation, cette méthode naturelle permet d’harmoniser le mental et le physique en chassant stress et tensions. Une approche qui a fait ses preuves pour le meilleur caviste de France 2020 Matthieu Potin et son dauphin Julien Lepage, tous deux coachés par la sophrologue Laurence Palluet. Installée dans la région bordelaise, cette praticienne nous en apprend plus sur cette technique et ses bénéfices dans le domaine de la dégustation.

Laurence Palluet, vous êtes sophrologue, installée depuis 2018 à Génissac, au cœur des vignes de l’Entre-deux-Mers. Mais avant cette carrière dans le bien-être, vous avez eu une autre vie. Racontez-nous comment vous êtes arrivée à la sophrologie…
Au départ, j’étais effectivement bien loin de cet univers, puisque de formation, je suis ingénieure en génie climatique et énergétique. J’ai entamé ma carrière dans le domaine du bâtiment, avec une spécialité sur le confort thermique. J’ai notamment travaillé chez VINCI Énergies de nombreuses années. J’ai toujours été attirée par cette notion de confort, de bien-être, dont celui des salariés sur leur lieu de travail. A un moment dans ma carrière, j’ai voulu explorer un peu plus le développement personnel, et ça a vraiment fait écho en moi. En 2016-2017, j’ai donc décidé de me former à la sophrologie, pour finalement en faire mon métier, toujours au départ avec cet esprit d’accompagner le confort des salariés en entreprise. En 2018, avec mon mari, nous avons décidé de changer de vie, en déménageant de région parisienne où nous résidions, pour venir nous installer au vert, au milieu des vignes de l’Entre-deux-mers. Aujourd’hui, avec ma société Mood By, je propose aux entreprises la mise en place d’actions de développement personnel, afin d’améliorer la cohésion, amener du lien, de la communication positive, donner des outils pour gérer le stress au sein des équipes. J’accueille également les particuliers dans mon cabinet à Génissac, et je leur propose aussi des ateliers de groupe.

Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs le principe de la sophrologie ?
La sophrologie est une technique psycho-corporelle guidée uniquement par la voix. Elle permet aux personnes de développer leur propre conscience par l’écoute de leurs ressentis, de retrouver une harmonie entre le mental et le corps. Cette discipline a été inventée dans les années 1960 par un neuro-psychiatre pour sortir ses patients de la camisole chimique. Elle est inspirée de différentes approches issues de la culture orientale, du bouddhisme, de l’hypnose, de la psychanalyse, de la méthode Coué, de la phénoménologie… On combine des exercices de respiration contrôlée, de contraction-relâchement, appelés « relaxation dynamique », de visualisation mentale pour se projeter dans le positif… On essaie de s’appuyer sur les ressources des personnes pour aller vers un mieux-être et tendre pas à pas, au fil des séances, vers un objectif personnel. Au départ, on est très focalisés sur les ressentis physiques, et peu à peu, on va vers des choses plus méditatives sur son espace de liberté, ses valeurs. C’est important en sophrologie de regarder les choses comme si on les voyait pour la première fois, avec émerveillement. C’est un chemin de vie, chacun vient chercher ce qu’il veut et qui l’intéresse dans cet accompagnement. Le sophrologue doit savoir s’adapter à son client en permanence.

Quels types d’accompagnements proposez-vous ?
J’accompagne quatre grandes thématiques. On peut cibler l’amélioration du quotidien, avec la gestion du stress, des émotions, l’amélioration du sommeil, de la confiance en soi… Il y a également l’accompagnement en renfort d’un traitement thérapeutique, par exemple pour un cancer ou des scléroses en plaques, afin d’apprendre à mieux gérer la douleur. En complément d’un suivi psychologique, la sophrologie peut accompagner des comportements pathologiques, comme les phobies, addictions, troubles du comportement alimentaire.
Enfin, on peut proposer une aide à la préparation mentale avec un objectif spécifique et précis dans le temps, par exemple un concours, comme ça a été le cas pour le Concours du meilleur caviste de France, un examen, un accouchement. C’est un exercice que j’apprécie particulièrement. Le fait de rencontrer des gens passionnés, qui excellent dans leur domaine, qui souhaitent se dépasser, pour aller plus haut, plus loin, me captive. J’aime trouver les outils pour les aider à se vider la tête et être focus le jour J, pour déployer leurs pleines capacités, mentales et physiques.

Comment en êtes-vous venue à mêler vin et sophrologie ?
Mon mari, qui a toujours eu une très belle cave, et moi, avons de longue date une appétence pour le vin, mais cet intérêt s’est amplifié avec notre emménagement à Génissac. On a commencé à faire des dégustations entre amis, et j’ai intégré la sophrologie pour ceux qui ne connaissaient pas. A chaque fois que l’un de nos amis s’y essayait, il y avait vraiment un côté « wahou » pour lui. Ensuite, à travers les ateliers spécifiques que je crée sur-mesure pour les entreprises, j’ai développé un atelier autour de la dégustation sensorielle pour le vin.

Précisément, dans le cadre de la dégustation, comment la sophrologie peut-elle s’avérer utile ?
En sophrologie, on utilise la connexion aux sens. Cette attention à son corps et à ses ressentis permet de laisser émerger des images sensorielles, qui sont souvent des images ressources, à l’instar de la madeleine de Proust. Il s’agit de laisser venir des choses déjà présentes dans notre bibliothèque émotionnelle, mais ancrées dans l’inconscient, qui réémergent parce qu’on va se concentrer sur un sens particulier. J’ai adapté cette démarche à la dégustation.
Le verre en lui-même est déjà un support au-delà du corps. On peut se focaliser sur son poids, sa densité, sa température. Après ce premier temps sur le toucher, on s’attarde sur le son, en faisant tinter le verre pour en sentir la vibration, laisser éclater des images sonores. Ensuite, on en vient au côté olfactif puis gustatif, et à la toute fin, quand on ouvre les yeux, on a déjà découvert beaucoup des facettes du liquide dans le verre, en allant chercher des émotions, des sensations, des souvenirs au-delà de la vue, qui est intéressante mais prédictive par rapport aux autres sens, donc coupe de tout un pan sensoriel, ce qui est dommage. Quand tous les participants ressortent de cet état de conscience modifiée, entre la veille et le sommeil, comme en méditation ou en hypnose, on les laisse s’exprimer sur leurs ressentis. Parfois, des novices en vin, angoissés de ne pas savoir ou anxieux à l’idée de s’exprimer en présence de professionnels du vin, partent avec un a priori négatif. Cette détente mentale permet de les amener à lâcher prise sur leurs propres freins et réticences. Les images, une fois libérées, sont un vecteur de communication très riche, et incitent spontanément à prendre la parole, à travers le partage des souvenirs personnels, par exemple. Cela initie la discussion, pour que chacun puisse s’exprimer à sa façon et avec émotion et sincérité. Ce partage et cette convivialité sont aussi essentiels dans le vin.

Avez-vous des conseils et/ou des clés à donner à nos lecteurs pour s’entraîner à cet exercice de dégustation sensorielle chez eux, simplement, en toute autonomie ?

D’abord, prenez un temps pour vous poser, de préférence assis pour être vraiment confortable. Prenez un moment pour vous dire « je suis là », évaluer votre météo intérieure, le « comment je me sens », et regarder un peu votre environnement, pour noter votre présence ici et maintenant. Ensuite fermez les yeux et laissez-vous guider par le toucher, accédez aux sensations qui sont sur la pulpe des doigts, de chaleur, de fraîcheur, le poids, le côté soyeux, rugueux. Ensuite versez le vin et refaites la même chose. On a déjà un premier contact avec le liquide, un changement de température, de poids, c’est une première indication avec un sens spécifique. Ensuite, sentir le vin, le déguster, prendre le temps d’apprécier la température, la sensation sur le palais, les arômes, laisser les images spontanément émerger, creusez ainsi chacun des sens… Cette démarche fonctionne aussi très bien aussi avec du chocolat, un aliment avec lequel il y a une relation très sensuelle. On peut peser, sentir, faire fondre dans la bouche, il y a un plaisir instantané, évaluer s’il est soyeux ou pas, ensuite bien mâcher, tourner dans la bouche, sentir le contact sur les dents, la langue, les gencives, le palais, le goût dans la gorge, la salive… Cet exercice de pleine conscience peut être fait à différents moments de la journée, en posant son attention sur ce qu’on est en train de faire, sur notre connexion au monde.

Vous avez mis votre savoir-faire au service de Matthieu Potin, meilleur caviste de France 2020 et Julien Lepage, caviste d’argent 2020. Quel a été votre secret pour les emmener vers les plus hautes marches du podium ?
A l’origine, mon mari est l’un des fidèles clients de Matthieu et Julien dans leur cave de La Vignery à Saint-Germain-en-Laye. Quand ils se sont retrouvés en finale du concours et qu’ils ont voulu se donner une chance supplémentaire de performer, ils m’ont demandé de les accompagner dans leur préparation mentale. Je les ai accompagnés dans un premier temps à distance par visio et je leur ai ensuite proposé de venir en immersion vingt-quatre heures à Génissac. Nous les avons bichonnés, mis dans les conditions du Concours en simulant les épreuves, et nous avons visité un chai à Saint-Emilion ainsi que le village, pour les mettre dans l’ambiance. J’ai animé la dégustation sensorielle, pour leur permettre d’être détendus, relâchés et de s’exprimer naturellement sur leurs ressentis et émotions. Nous avons partagé quelques techniques de prise de parole en public, nous les avons aidés à éliminer les mots parasites et tics de langage, nous leur avons donné quelques préconisations de langage corporel telles que la posture, comment ancrer le corps dans le sol, la respiration, savoir projeter la voix, poser des silences, faire les gestes adéquats, ne pas marcher quand on parle… Je leur ai appris à sentir ces émotions qui émergeaient et à les canaliser pour en faire des alliées. Il s’agit surtout d’éviter que la force d’une émotion empêche la pensée d’émerger, donc fasse perdre le fil du propos et la concentration. Je leur ai aussi donné les clés pour se calmer la veille de ce moment excitant, et retrouver un sommeil de qualité.

Quelles portes ce succès vous a-t-il ouvertes dans votre pratique de la sophrologie ?
Pour moi aussi, ce Concours a été une superbe expérience. Ça m’a permis de définir un angle différent à ma pratique. J’ai toujours eu une appétence pour la gourmandise, le côté nutrition, mais je n’arrivais pas à tisser le lien avec la sophrologie. J’ai senti que quelque chose se passait avec ce domaine du vin. J’y trouve du sens et j’espère bien poursuivre dans cette voie. J’ai notamment rencontré un sommelier qui officiait au restaurant La Grande Maison à Bordeaux, on a travaillé ensemble sur sa préparation mentale avant qu’il ne soit embauché dans un étoilé parisien. C’est très agréable de travailler avec ce genre de professionnels, car ce sont des gens très humbles, extrêmement forts dans leur tête, d’une immense finesse et qui visent toujours l’excellence. Par l’intermédiaire de Matthieu Potin, j’ai aussi rencontré le meilleur sommelier du monde Philippe Faure-Brac, un homme extraordinaire, que l’on pourrait écouter parler des heures. Il ne connaissait pas la sophrologie, mais a pourtant employé spontanément les mêmes termes que j’utilise pour la bibliothèque émotionnelle, l’imagerie mentale et sensorielle. Il y a accès instinctivement, c’est inné chez lui, c’est un don.

484 Chemin de Compassant, 33420 Génissac
06 48 10 13 42
Plus d’info Linkedin et Facebook Laurence Palluet ;
https://www.youtube.com/watch?v=49ZFNtx4knQ


Crédit photo : Sébastien Piedloup – www.mon-photographe-corporate.fr