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Truffe et Malbec, un accord de terroir

Auteur

La
rédaction

Date

13.02.2013

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Lalbenque – Cahors – Cieurac (Lot) – Février 2013

La rumeur monte dans la rue principale du village. Dans un petit panier, protégé par une serviette vichy rouge et blanc, un lot de truffes noires avec à côté son grammage et sa provenance écrits sur un petit papier. D’autres paniers identiques sont placés en file sur de petits tréteaux bas, chacun sous soleil vigilant de son propriétaire. Une corde sépare la précieuse marchandise des professionnels, amateurs et curieux. Soudain un coup de sifflet retentit, la corde s’abat sur le sol. Après tout va très vite. Les courtiers des négociants qui ont déjà repéré les lots qui les intéressent font leur offre que les particuliers peuvent contrer. Les prix montent vite. Une fois un accord trouvé, on rabat les angles du tissu sur le lot. La vente est finie, il ne reste plus qu’à l’honorer, mais toujours en liquide. C’est un privilège toujours en vigueur sur lequel la perception des impôts, sous les fenêtres de laquelle se déroule le marché, ferme les yeux. Le prix au détail atteint aujourd’hui jusqu’à 1000 € le kilo pour ces Tuberi Melamosporum, nommés aussi diamants noirs en raison de leur rareté. Maintenant, ils vont pouvoir être « taillés » par la main de l’homme comme dans l’omelette aux truffes de la Maison Godard – Chambon et Marrel, servie, à sa table d’hôtes, avec un Château Pineraie, L’Authentique (2009 – 100% Malbec).

La main de l’homme, c’est justement ce que met en avant le Cahors Malbec & Truffle Festival en associant deux des plus beaux emblèmes du patrimoine du Lot. Autant celle qui dorlote la truffe dès son cavage par le cochon (comme le fait depuis 1974, Paul Pinsard avec Kiki, trente-troisième du nom d’une lignée porcine) ou le chien, que celle qui cajole le cep bien en amont des vendanges.

Mais quel lien peut-il bien y avoir entre la truffe et le Malbec ? C’est la question que je pose à Jean-Claude Voisin, chef du restaurant Le Vinois à Caillac, lors du dîner 100% Malbec et truffe qu’il a concocté au Cahors Malbec Lounge. Sans hésiter, il me répond que c’est dans la minéralité qu’il faut chercher l’accord.

Son œuf noir en gelée de Malbec (œuf mollet dans lequel il a insufflé une purée de truffe au cœur du jaune), accompagné par un puissant Château Eugénie, cuvée Haute Collection (2003), va dans ce sens, même si la finesse du met aurait peut-être méritée (en sortant de l’appellation, mais en restant sur le même terroir) un grand blanc, tendu et minéral comme le Cèdre Blanc (2011 – 100% Viognier) fait par Pascal Verhaeghe et ses desserts me le confirment. Que ce soit dans son sorbet de betterave au Malbec ou avec sa Truffe à la Truffe (une truffe en chocolat blanc fondant, enrobée d’une croûte de chocolat noir, au cœur de laquelle un morceau de truffe infuse durant trois jours), servis avec un Lo Domeni, cuvée Vendémia (2011), tout sur le fruit, ou un Château Tour de Miraval, cuvée Rachel (2009), plus tannique. L’accord est bien minéral, quelque part entre l’humus et le magnésium.

Pour Pierre-Jean Pebeyre, de la maison spécialisée dans la truffe depuis 1897 qui porte son nom, la réponse est avant tout génétique et climatique et peu importe le terroir, Quercy, Périgord, Drôme, Vaucluse ou même nord de l’Espagne (aujourd’hui le plus gros producteur de truffe). D’après des études menées sur la truffe et le vin, il existe bien un composant commun au deux, le diméthyl sulfide (DMS), molécule qui serait à l’origine de l’exceptionnel arôme de la truffe et que l’on retrouve aussi dans les arômes tertiaires de grands Cahors, pour peu qu’ils aient un temps de garde suffisant, comme ce Château Haute-Serre collection Prestige (2000) qui accompagne parfaitement le menu Toques N’ Truffes, élaboré par Thierry Pszonka pour la Table de Haute-Serre. L’accord avec son Coulommiers au mascarpone truffé est parfait.

Mais pour Bertrand-Gabriel Vigouroux, propriétaire du Château Haute-Serre, il doit être possible de travailler la truffe comme on travaille la vigne. Afin de comprendre les facteurs qui influent sur son arôme, il n’a pas hésité à planter plus de mille pieds de chênes truffiers au cœur des terres argilo-calcaires de son vignoble (cf.photo), mais il est encore trop tôt aujourd’hui pour savoir si cet homme, qui aime les défis, percera le mystère de la truffe.

Texte et photo Jean Dusaussoy