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Château Margaux : comment un 1er Grand Cru Classé fait face au Covid-19

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

31.03.2020

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Comme partout en Médoc, le château Margaux a pris des mesures pour répondre à la crise sanitaire. Si les ouvriers agricoles continuent d’assurer leurs tâches dans les vignes, il y a seulement quelques travailleurs dans les chais et Philippe Bascaules, le Directeur Général, est désormais seul dans les bureaux, après avoir prié la quinzaine de membres du personnel administratif de rester chez eux pour du télétravail.

Tout Premier Grand Cru Classé qu’il est, le château Margaux n’a pas échappé à la nécessité d’installer des règles barrière face à la pandémie de Covid-19. Le personnel a plutôt bien réagi à cette injonction induite par la crise sanitaire. Philippe Bascaules, Directeur Général, se félicite de l’esprit positif qui a présidé : « il y a une semaine, nous n’étions pas dans une zone particulièrement touchée, et on ne réalise pas aussi bien qu’ailleurs les dangers. Mais le personnel a très bien compris la rigueur liée à l’application de nouvelles règles ». Les masques que le château possédait en stock ont été « donnés aux médecins et aux services hospitaliers » précise-t-il. « Mais on arrive à faire sans masques, en respectant des distances » qui sont assurément plus faciles à obtenir sur les grands espaces du château que dans un cabinet médical où les personnes sont aussi plus exposées. « Nous n’avons plus de gel, et on utilise beaucoup de savon. Mais surtout on procède maintenant en isolant les travailleurs ».
Philippe Bascaules se félicite par ailleurs qu’aucun droit de retrait ne se soit exercé. « Il y a eu des discussions avec les salariés. A aucun moment ils n’ont parlé de droit de retrait et notre personnel a voulu chercher avec nous des mesures de protection et des solutions pour continuer à travailler ».

Télétravail et règles de distanciation

La première mesure adoptée a été le télétravail pour une dizaine de personnes. « Tout ce qui est administratif se fait à domicile. On a fourni six ordinateurs paramétrés par notre service informatique » précise Philippe Bascaules, ajoutant que « notre bureau compte Paris a une dizaine de personnes qui travaillent aussi chez elles » dans des conditions identiques. « Dès le début, et sans connaître les conditions exactes de chômage partiel, on a décidé de maintenir les salaires à 100%. Et ceci quelle que soit la situation des salariés ». La propriétaire, Mme Corinne Mentzelopoulos, a souhaité lever les inquiétudes et a « pris cette décision très rapidement, alors qu’on n’avait pas d’indications précises. C’est un grand privilège que de travailler dans une telle maison » se félicite Philippe Bascaules (photo ci-dessous).

Les activités agricoles ne pouvant être abandonnées, « la vigne et le chai sont des services ou l’on peut continuer à travailler ». Au chai, seules deux personnes assurent désormais « les opérations d’ouillage et de batonnage ». Les consignes sont de respecter les règles de distanciation, « avec un système mis en place depuis une semaine qui fonctionne très bien ».

A la vigne, « on a aménagé tous les postes de travail pour que les gens travaillent seuls. Les salariés sont habitués à cette configuration, puisqu’ils travaillent au prix fait et que, par conséquent, chacun est responsable de sa parcelle depuis plusieurs années. L’ouvrier part de chez lui et embauche directement sur la parcelle ». Pas de regroupement, ni de contact, avec qui que ce soit sauf avec « le chef de culture qui va voir les gens et échange… à deux mètres de distance ». Il y a donc peu d’aménagement, le système en vigueur était déjà adapté. Quant aux chauffeurs tractoristes, chacun « s’est vu attribué un engin qui ne sera plus partagé », afin de garantir toutes les conditions de sécurité, précise Philippe Bascaules.

L’impact commercial de la crise

Autre conséquence du Covid-19, l’annulation de la Semaine des Primeurs à Bordeaux n’inquiète pas outre mesure Philippe Bascaules, mais il admet toutefois que cette situation provoque des perturbations sur le front de la commercialisation. La campagne des Primeurs constitue, pour Château Margaux comme pour l’ensemble des grands crus bordelais, « un système auquel on est très attaché et qui a montré tous ses avantages. C’est un bénéfice pour tout le monde » précise Philippe Bascaules. « Les négociants aujourd’hui sont au point mort, mais l’activité finira par reprendre – bien qu’on ait peu de visibilité sur une nouvelle date les primeurs, car la fin du confinement n’est pas connue ». Pour autant, le Directeur Général se veut optimiste sur leur tenue dans quelques semaines : « on veut envisager toutes les possibilités et ne fermer aucune hypothèse ; mais si l’on fait la dégustation fin mai, cela n’en sera que mieux pour la qualité du vin dégusté ».

Mais déjà le regard se porte sur le millésime 2020. Alors que le gel fait planer sa menace et que des flocons de neige tombent sur la Gironde, la vigne a déjà commencé son cycle et les premiers bourgeons sont sortis. Il faudra donc, confinement ou non, se montrer réactif tant que le matériel que sur les produits phytosanitaires. Philippe Bascaules se veut rassurant : « on n’a pas d’inquiétude pour le moment car on a encore un peu de temps pour recevoir les matières dont a besoin. On a souvent, sur la fin du printemps, un peu de pression de l’oïdium ou du mildiou. Mais nous avons du stock de produits phytosanitaires pour démarrer la saison ». Philippe Bascaules reste en revanche vigilant sur la possibilité de ne pas pouvoir assurer « la maintenance de certains équipements, tels que les tracteurs, à cause d’une difficulté de livraison d’une pièce qu’on n’aurait pas en stock : mais ce n’est pas le cas pour le moment ». Et de s’inquiéter plutôt du manque de main d‘œuvre à la vigne, « qui pourrait nous mettre en difficulté ».
A Château Margaux, le dialogue et des décisions bienveillantes ont donc permis de maintenir l’activité et favorisé un climat plutôt serein, malgré les difficultés liées au Covid-19 et les incertitudes de l’avenir.