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[Sommeliers Dating] « Les sommeliers ne sont pas dans une tour d’ivoire »

Paz Levinson, Meilleur sommelier des Amériques 2015, La Ferme Saint Simon, Paris (photo P. Martinez)

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

09.05.2016

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Clap de fin pour la première édition de « Sommeliers Dating », rencontre inédite entre 40 grands sommeliers et 66 propriétés françaises, organisée par le magazine « Terre de Vins » à Paris. L’occasion pour ces professionnels de mieux faire connaître leur métier.

Cinq Meilleurs Sommeliers de France (Richard Bernard, David Biraud, Romain Iltis, Pascal Leonetti, Manuel Peyrondet, Jean-Luc Pouteau), deux Meilleurs Ouvriers de France (Denis Verneau, Fabrice Sommier), trois Meilleurs Sommeliers du Monde (Philippe Faure-Brac, Serge Dubs, Jean-Luc Pouteau), deux Meilleurs Jeunes Sommeliers de France (Pierre Jacob, Jean-Claude Ruet), une Meilleure Sommelière des Amériques (Paz Levinson, également la seule femme dans un « casting » très masculin), des talents en pagaille… La crème de la sommellerie était réunie ce lundi au Cercle National des Armées ce lundi 9 mai pour la première édition de « Sommeliers Dating », événement professionnel organisé par « Terre de Vins ». Ils étaient quarante, et soixante-six propriétés de toute la France venaient à leur rencontre.

« Une rencontre humaine avant tout »

A l’heure du bilan, l’enthousiasme est de mise. « C’est une très belle idée, une très belle organisation, on fait de belles découvertes comme de belles re-découvertes », explique Yann Satin, Chef sommelier à l’Hôtel Barrière – Le Westminster (Le Touquet). « J’ai pu regoûter un vin comme Château Pradeaux à Bandol, que je n’avais pas goûté depuis des années, ou découvrir un très beau domaine du Roussillon, le domaine de l’Ou. C’est une super initiative et un exploit d’avoir réuni autant de sommeliers. Un corps de métier où nous ne nous rencontrons pas assez souvent, où nous ne mutualisons pas assez nos efforts ».

Isolés, les sommeliers ? « Cet événement nous permet surtout de changer de cadre », souligne Antoine Lehebel, Meilleur sommelier de Belgique 2014 et Chef sommelier à La Villa Lorraine (Bruxelles). « Étant basé en Belgique, je me déplace surtout en Alsace, en Champagne, en Allemagne. Certes, nous recevons beaucoup de vignerons au restaurant, mais ‘Sommeliers Dating’ nous permet d’aller à la rencontre de personnes que nous n’avons pas forcément l’occasion de croiser, dans un cadre très détendu et très bien défini dans le temps ».

« Ce qui est intéressant, c’est que les vignerons sont surpris par ce format », sourit Richard Bernard (Le Saint-James, Bordeaux). « On change un peu la disposition classique de la rencontre sommelier-vigneron, avec un côté ‘timé’ qui est une très bonne idée. J’accorde environ 10 minutes pour faire connaissance et 10 minutes pour déguster. C’est une rencontre humaine avant tout, et cela leur permet de mieux nous connaître, car nos métiers font que nous ne sommes pas faciles à faire bouger. Mais les sommeliers sont curieux, accessibles, s’intéressent à tout… ils ne sont pas dans une tour d’ivoire et cet événement le prouve ».

« Un métier de plaisir et de don de soi »

« Aujourd’hui, on ne sait plus prendre le temps. Pas seulement dans le monde du vin, dans tous les moments de la vie », déplore Frédéric Woelfflé, Chef sommelier de l’Hôtel Métropole – restaurant Joël Robuchon (Monaco). « Là, on prend le temps de parler, d’échanger. Certes, la visite à la propriété, il n’y a que ça de vrai, mais cet événement permet un bon premier contact. On fait mieux connaître notre métier, et on a un devoir de franchise vis-à-vis du vigneron. Un sommelier doit être à l’écoute du producteur comme du client, c’est un métier de plaisir et de don de soi, qui a de multiples facettes. C’est un métier de service, qui est très noble – service ne signifie en aucun cas servitude. A nous de susciter des vocations auprès des nouvelles générations ».

Les jeunes générations peuvent s’inspirer de l’exemple de figures comme Serge Dubs, Philippe Faure-Brac ou Jean-Luc Pouteau, trois Meilleurs Sommeliers du Monde qui ont joué le jeu à 100% pendant cette journée. « On apprend toujours ! », avoue Jean-Luc Pouteau. « On fait des redécouvertes, les vignerons ont le temps de faire un vrai travail d’explication. Et il y a des vins remarquables. » Philippe Faure-Brac précise : « en une journée, on arrive à faire l’équivalent de 15 jours de travail. C’est rythmé, on va à l’essentiel, on échange d’égal à égal. Et on montre que l’on est accessible, car certains vignerons n’osent pas appeler… »

Lionel Schneider, Chef sommelier adjoint au Ritz (Paris), confirme : « c’est très courageux de la part des vignerons de venir ici, ils s’exposent, ce n’est pas comme dans un salon où il y a plus de flux. Mais nous montrons qu’être sommelier, c’est être toujours curieux, à la recherche de nouvelles découvertes. C’est un métier plein de diversité, où l’on doit faire plaisir et se faire plaisir. J’ai beaucoup aimé le marcillac du domaine Laurens, par exemple ; un excellent rapport qualité-prix. Est-ce qu’il aurait sa place au Ritz ? Nous avons différents univers, avec des clientèles différentes qui ont des attentes différentes… Les clients n’ont pas besoin de nous pour leur conseiller des grands crus classés. C’est sur les pépites de derrière les fagots que nous faisons la différence, et répondons aux attentes ».

Rendez-vous est déjà pris pour la deuxième édition en 2017.