Jeudi 7 Août 2025
Photo prise le 6 août 2025 ©Le Cellier des Demoiselles
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Date
06.08.2025
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Un incendie d’une ampleur inédite ravage le nord des Corbières. Le Cellier des Demoiselles, cave coopérative emblématique fondée en 1914 à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, est durement touché. Vignes calcinées, matériel détruit, avenir incertain : la tragédie marque un nouveau coup dur pour la viticulture audoise, déjà en crise.
Après les flammes dévastatrices qui ont récemment frappé le Château La Baronne, c’est désormais le nord des Corbières qui est en proie à une nouvelle tragédie. Un incendie d’une violence inédite s’est déclaré mardi 5 août à Ribaute, dans l’Aude. À cette heure, il a déjà parcouru plus de 16 000 hectares, touchant 15 communes. Près de 2 000 pompiers, aidés par des moyens aériens massifs (Canadair, Dash, hélicoptères), tentent de contenir les flammes. Le bilan humain est lourd : une femme a perdu la vie, plusieurs pompiers et civils sont blessés, et une personne reste portée disparue. Sur les routes, c’est le chaos : autoroutes A9 et A61 fermées, routes départementales coupées.
Au cœur de ce brasier, un pan entier du patrimoine viticole audois s’effondre. La cave coopérative Le Cellier des Demoiselles, véritable institution à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, est gravement touchée. Un coup dur de plus pour un secteur qui ploie déjà sous les effets du changement climatique, de la chute de la consommation, des aléas climatiques à répétition… et désormais, des incendies hors de contrôle.
Fondé en 1914, le Cellier des Demoiselles est l’une des plus anciennes coopératives viticoles de France. Né en hommage aux femmes du village qui ont remplacé les hommes partis au front, il est aujourd’hui le cœur battant de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, à la croisée des terroirs de Corbières.
Innovante, engagée, humaine, la coopérative rassemble aujourd’hui plusieurs dizaines de vignerons qui ont misé sur l’avenir : agriculture durable, conversion bio, HVE, RSE... Avec plus de 100 millésimes vinifiés, elle incarne l’identité de toute une région. « C’est un monument du paysage viticole des Corbières », témoigne un vigneron local, encore abasourdi.
Mais cette institution vacille. Car mardi après-midi, le feu est arrivé aux portes de la ville.
« Le feu a démarré à 16h30. En une heure, la ville était encerclée. Nous avons ordonné l’évacuation de la cave. À 17h30, c’était la panique », raconte Anäel Payrou, directeur du Cellier des Demoiselles, encore sous le choc. « Des dizaines de maisons ont brûlé. On a eu peur pour nos vies. »
Le bilan est dramatique. 80 % des 300 hectares autour de la commune sont touchés : vignes brûlées, échaudées, parfois rasées. Une dizaine de hangars, avec tout le matériel viticole (tracteurs, pulvérisateurs…), sont partis en fumée. « Le secteur est rasé, il faut le voir pour le croire », dit-il.
Les coopérateurs sont anéantis. Non seulement par la perte, mais aussi par la réalité froide des assurances : « Si seules les vignes brûlent, il n’y a pas d’indemnisation. On n’est pas assurés. Même nos chardonnays, contaminés par la fumée, sont invendables. Ce sera un millésime perdu. »
Le symbole est cruel, « la vigne, qui faisait autrefois office de rempart contre les flammes, est aujourd’hui la première victime. » Les vignerons, pourtant en première ligne pour protéger le territoire, paient le prix fort, une fois de plus.
Anäel Payrou ne cache pas son désespoir : « C’est peut-être la dernière fois que je vous parle en tant que directeur de la cave. Nous allons certainement être au chômage. »
La cave, pourtant survivante de deux Guerres mondiales, d’un siècle de crises viticoles, de transformations profondes, risque cette fois de ne pas se relever. 2025 pourrait être l’année de trop.
Ce nouveau drame marque un tournant. Après les incendies de La Baronne, après ceux de l’été 2023 dans le Minervois, après les épisodes de gel, de sécheresse et de grêle, le monde viticole audois est à bout de souffle. La nature, jadis alliée, se retourne désormais contre ceux qui l’ont façonnée.
Face à cette épreuve, la rédaction de Terre de Vins exprime tout son soutien au Cellier des Demoiselles, à ses vignerons, à leurs familles, à leurs équipes. Nous espérons que ce drame ne soit pas une fin et restons à leurs côtés.
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