Accueil Actualités Médoc blanc : l’appellation entre officiellement dans la lumière

Médoc blanc : l’appellation entre officiellement dans la lumière

Le Médoc blanc 2025 du château Castera ©Claude Clin

Auteur

Julia
Bouchet

Date

14.10.2025

Partager

Terre de rouges par excellence, le Médoc accueille désormais une appellation dédiée aux vins blancs tranquilles. Le « Médoc blanc », homologué au Journal officiel le 5 août 2025, signe l’aboutissement de plusieurs années de travail collectif. Les premières bouteilles seront mises sur le marché au printemps 2026.

Une reconnaissance attendue

« Ce projet est le fruit d’un accord entre les viticulteurs et le négoce », a rappelé Claude Gaudin, président de l’ODG Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc.« Il y a eu une vraie symbiose, une unanimité rare sur le sujet. » Depuis 2018, les vignerons médocains demandaient à protéger et valoriser leurs blancs. Le dossier a cheminé longuement entre l’ODG, l’INAO et le ministère, porté par une conviction : les terroirs du Médoc ne se limitent pas au rouge.

« Un savoir-faire déjà bien vivant »

C’est Hélène Larrieu, directrice de l’ODG, qui a présenté les contours du cahier des charges lors d'une rencontre avec la presse. « Le Médoc blanc n’est pas une invention marketing. C’est la reconnaissance d’un savoir-faire existant, d’une pratique déjà bien ancrée. Nous avons dû démontrer la fiabilité des trois piliers de l'appellation : le sol, le climat, et le savoir-faire authentique et très spécifique au Médoc. »

L’appellation repose sur les cépages bordelais traditionnels (sauvignon blanc, sauvignon gris, sémillon et muscadelle) et sur des variétés additionnelles comme l'alvarinho, le floréal, le liliorila, le sauvignac et le souvignier gris. Le président Claude Gaudin a par ailleurs précisé que le cahier des charges pourrait évoluer dans les années à venir pour intégrer de nouveaux cépages d’adaptation : « Le chardonnay et le chenin, déjà présents sur le territoire à titre expérimental, pourraient à terme rejoindre l’appellation. Ce serait une ouverture logique face au changement climatique. »

Afin de préserver leurs caractéristiques essentielles, les vins blancs du Médoc font l’objet d’un élevage minimum jusqu’au 31 mars suivant la récolte. À cette date, le vigneron doit justifier d’un passage en contenant de bois pour au moins 30 % du lot, sur une durée minimale de trois mois, incluant éventuellement la période de vinification. Une exigence qui témoigne du soin apporté à la structure et à la complexité aromatique de ces vins.

L’aire du Médoc blanc se superpose exactement à celle des huit appellations rouges de la presqu’île, de Blanquefort au sud, à Jau-Dignac-et-Loirac au nord. À terme, environ soixante-dix exploitations pourraient revendiquer cette nouvelle AOC, pour près de 170 hectares.

Les pionniers du blanc

Au château Castera à Saint-Germain-d'Esteuil, l’histoire du blanc est ancienne. « Nous produisions déjà du blanc en 1922 avec une production qui s'affichait à 900 hl », raconte Laura Sorin, responsable communication. « En 2016, nous avons replanté du sauvignon blanc sur des parcelles historiques pour créer la cuvée Anthoinette, en hommage à Anthoinette de Montaigne, nièce du philosophe. » Elle y voit une évidence : « Le Médoc blanc répond à la demande de vins frais, brillants, adaptés à des cuisines plus végétales ou du monde. Et le nom "Médoc" rassure le consommateur : il évoque la rigueur, la qualité, le savoir-faire. »

Au château Doyac à Saint-Seurin-de-Cadourne, Clémence de Pourtalès a planté ses premières vignes de blanc en 2017. « J’ai choisi la parcelle où la roche calcaire affleure et bénéficie aussi des argiles pour avoir une contrainte hydrique modérée et obtenir un vin blanc vif, lumineux, avec une finale saline. Nous recherchons l’équilibre entre l’expression du fruit et la fraîcheur offerte par notre terroir. L’élevage en cuve bois et en amphore apporte la complexité aromatique typique des vins blancs du Médoc. » Sa cuvée Pélican blanc, née en 2019, en est la preuve. Même approche au château Brane-Cantenac à Margaux, où le directeur d'exploitation Christophe Capdeville revendique une vinification “de dentelle” : « Nous cherchons la précision. Pressurages doux, fermentation à basse température, élevage en barriques de 300 litres ou en amphores : tout est pensé pour préserver la pureté du fruit. »

Une dynamique collective

Pour Éloi Jacob, directeur du château Fourcas Hosten à Listrac-Médoc, cette nouvelle appellation fédère un territoire : « Le Médoc blanc, c’est un projet collectif. Nous sommes des producteurs de rouge, mais nous aimons explorer. Le blanc, c’est une autre expression de nos terroirs. » Une ouverture qui n’efface pas la tradition, mais la prolonge. « Le Médoc a toujours su rester moderne, sans jamais renier son héritage. »

vendange raisins blancs
Vendanges au château Fourcas-Hosten ©Claude Clin

Le poids de l’histoire

Au Château Talbot, grand cru classé de Saint-Julien, cette modernité s’ancre dans une longue histoire. « Nous produisons du blanc depuis la fin des années 1920. La famille Cordier tenait à faire son propre vin blanc pour sa consommation personnelle. À partir des années 1950, elle a commencé à le commercialiser sous le nom de Caillou Blanc. C'est un vin de gastronomie. », rappelle Jean-Michel Laporte, directeur général. « Rejoindre l’appellation Médoc blanc, c’est reconnaître une évidence. » Pour lui, cette appellation va permettre « d’identifier un style : des blancs précis, aromatiques, équilibrés, issus de grands terroirs de graves. »

Le Médoc blanc incarne à la fois la curiosité, la rigueur et l’audace d’un vignoble qui se réinvente sans se renier. Les premières bouteilles arriveront sur les tables au printemps 2026. Des vins salins, frais et profonds, promesse d’un nouveau chapitre pour le Médoc.

« Rien de plus moderne, au fond, que la tradition médocaine. »