Mercredi 24 Décembre 2025
Bordeaux Fête le Vin ©Vincent Bengold
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Date
23.12.2025
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Échaudé par une succession d'années difficiles, en 2025 le vignoble bordelais adopte un nouveau tempo. Le vignoble a choisi d’avancer autrement : reprendre la parole, renouer avec le public et préparer l’avenir. Des quais animés de Bordeaux Fête le Vin aux rendez-vous de Terre de Vins, des dégustations de primeurs aux vendanges exigeantes mais prometteuses, les signaux positifs se sont multipliés. Retour sur une année où Bordeaux reprend son souffle et se réinvente.
Sur le terrain, le vignoble a d’abord renoué avec le public. La belle édition de Bordeaux Tasting a confirmé que le désir de vin était toujours là. Avec 5 800 visiteurs, un public rajeuni et une ambiance résolument décomplexée, l’événement a rappelé que la dégustation, lorsqu’elle est partagée et expliquée, reste l’un des meilleurs antidotes à la défiance.
Même constat sur les quais avec Bordeaux Fête le Vin 2025. Malgré l’annonce de l’absence d’édition en 2026, la fête a tenu son rang : 250 000 dégustations sur le week-end, une fréquentation soutenue, des pavillons d’appellations animés, une gastronomie régionale valorisée et un drone show. Plus qu’un événement populaire, cette édition a servi de respiration collective et de passerelle vers 2027.
Pendant les vendanges 2025, un sujet a largement animé les discussions dans le vignoble : la question de l’irrigation. Le débat s’est cristallisé autour de la décision de la famille Guinaudeau, à la tête du Château Lafleur, qui a annoncé la sortie de l’appellation Pomerol à pour le millésime 2025.
En cause, un cadre du cahier des charges de l’AOC trop contraignant face aux effets du réchauffement climatique, notamment l’impossibilité d’irriguer dans l’appellation, malgré la période de stress hydrique intense. Un choix fort, largement commenté à Bordeaux et au-delà, perçu non comme une provocation mais comme un signal d’alerte sur la capacité des AOC à s’adapter à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes. Si la décision reste isolée, elle a eu le mérite de mettre sur la table un débat désormais incontournable : comment concilier respect des terroirs, exigence qualitative et adaptation climatique ?

Dans le Bordelais, les vendanges 2025 resteront marquées par une précocité historique et des volumes modestes. Héritage direct d’un vignoble éprouvé en 2024, fragilisé mais attentivement suivi, le millésime s’inscrit dans la continuité d’un travail de fond engagé sur l’état sanitaire et l’équilibre des vignes.
Malgré la canicule d’août et des rendements naturellement limités, les premiers jus se distinguent par leur qualité. Concentration, équilibre et fraîcheur se dessinent, laissant entrevoir un millésime précis et expressif. Une récolte mesurée, mais porteuse de promesses, qui confirme la capacité du vignoble bordelais à transformer les contraintes en leviers, et à construire l’avenir avec lucidité et confiance.
Les primeurs du millésime 2024 ont constitué un autre temps fort de l’année. Dans un contexte de marché marqué par la prudence, Bordeaux a opté pour une approche plus ouverte : dégustations plus accessibles, discours recentré sur l’essentiel.
Année exigeante, 2024 a mis en avant la précision du travail mené aussi bien dans les vignes que dans les chais. La forte pluviométrie, le manque de chaleur et d’ensoleillement ont imposé de faire des choix et preuve d'une grande rigueur technique. Une complexité qui a parfois surpris, mais qui a aussi permis de révéler des vins justes, lisibles, malgré des volumes de récolte réduits. Cette campagne des primeurs a été accompagnée d’une politique de prix globalement revue à la baisse, qui pourrait bien rebattre les cartes dans le contexte économique tendu.
Loin des effets d’annonce, les dégustations ont rappelé que Bordeaux sait encore proposer des vins cohérents et fidèles à leur origine. La dégustation des vins des primeurs au Palais de la Bourse organisées par Terre de Vins a confirmé l’intérêt des amateurs, venus nombreux découvrir ce millésime contrasté.
Cette reprise de contact avec le public s’est accompagnée d’une réflexion plus large sur l’offre. En 2025, Bordeaux a commencé à accepter que tous les vins ne s’adressent pas aux mêmes consommateurs, ni par les mêmes canaux.
Le lancement de Bordeaux n°12 par Bernard Magrez s’inscrit pleinement dans cette logique. Une cuvée de rouge et une de blanc, accessible, distribuée en grande distribution, pensée pour des consommateurs éloignés des codes traditionnels du vignoble. À presque 90 ans, Bernard Magrez assume un discours clair : les jeunes n’ont pas tourné le dos au vin de Bordeaux, mais à ses usages.

C'est une année de clarification des lignes au sein du vignoble bordelais. Les nominations intervenues dans plusieurs instances clés ont contribué à rendre le paysage plus lisible.
L’élection de François-Xavier Maroteaux à la présidence de l’Union des Grands Crus de Bordeaux s’inscrit dans cette dynamique. Dans un contexte marqué par les défis climatiques et économiques, il a fixé un cap clair : préserver l’ADN de l’Union, tout en accompagnant son adaptation aux réalités actuelles.
Dans le même esprit, Philippe de Poyferré a pris la présidence du Grand Cercle des Vins de Bordeaux, succédant à Alain Raynaud. Convaincu du rôle du Grand Cercle comme levier pour les propriétés engagées, il entend renforcer sa performance, sa visibilité et son dynamisme, sans rompre avec les valeurs fondatrices de l’organisation.
Face à ces défis, Bordeaux avance aussi collectivement. La démarche Bordeaux Cultivons Demain, portée par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), continue de structurer l’engagement environnemental. Plus de 100 entreprises sont aujourd’hui impliquées, avec une ambition claire : faire de la durabilité un socle culturel partagé, et non un simple argument de communication.
Enfin, Bordeaux regarde déjà vers l’avenir. 2026 marquera les 10 ans de la Cité du Vin, devenue en une décennie le repère culturel, touristique majeur. Une échéance symbolique, autour de laquelle se dessinent de nouvelles programmations et une volonté affirmée de rester connecté aux publics, en France comme à l’international.

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