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Vendanges 2025 dans le Bordelais : précocité, contrastes et promesses d’un beau millésime

©CIVB / François Ducasse

Auteur

Julia
Bouchet

Date

19.09.2025

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Dans le Bordelais, les vendanges 2025 resteront marquées par une précocité historique et des volumes modestes. Or, malgré la canicule d’août et les rendements limités, les premiers jus révèlent une qualité remarquable, augurant un millésime à la fois concentré, équilibré et plein de promesses.

Selon les estimations établies par Agreste (Statistique publique de l'agriculture, de l'alimentation, de la foret et de la pêche), la production régionale s’établirait autour de 3,7 millions d’hectolitres, un volume comparable à 2024, mais en retrait de 15 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Une contraction accentuée par l’arrachage de 8 000 hectares depuis la dernière récolte. Si le volume inquiète, la qualité nourrit l’espoir.

Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) l’affirme déjà : « le millésime 2025 s’annonce qualitatif ». Comme l’explique Nathalie Ollat, ingénieure de recherche à l’INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux : « Ce millésime 2025 fait partie des trois années les plus chaudes depuis 30 ans. Les températures observées, qu’elles soient moyennes, minimales ou maximales, sont équivalentes à 2003 et restent inférieures à celles de 2022. Mais ce qui le caractérise surtout, c’est une baisse hydrique beaucoup plus précoce. Depuis début mai jusqu’à la mi-août, Bordeaux a connu un déficit chronique, combiné à des vagues de chaleur successives. 2025 est ainsi marqué par le déficit hydrique le plus intense et le plus précoce depuis 30 ans. » Cette combinaison – chaleur, précocité, stress hydrique – influence directement la vigne et la composition des raisins, accentuant la concentration et l’intensité aromatique, mais au prix de volumes restreints.

Sur la rive gauche

À Margaux, sur la rive gauche, les vendanges ont débuté tôt, dès le 8 septembre, avec un optimisme assumé. Paloma Sénéclauze, directrice et copropriétaire du Château Marquis de Terme, souligne « une précocité historique qui rappelle les plus grands millésimes ». Les merlots, premiers à être rentrés, affichent selon elle « un potentiel tannique élevé et une intensité aromatique exceptionnelle », malgré des rendements en retrait. La promesse est celle d’un vin puissant, mais équilibré, fidèle au style raffiné de l’appellation. Quelques kilomètres plus au nord, en Haut-Médoc, le Cru Bourgeois La Croix du Trale partage le même enthousiasme. Laurie Coumes-Négrier évoque « un joli raisin sain, une belle concentration et des tannins de qualité ». Pour elle, le millésime s’inscrit dans la lignée des grandes « années en 5 », réputées dans l’histoire bordelaise. Les premières cuves livrent déjà des notes de fruits éclatantes, laissant entrevoir des vins harmonieux, complexes et séduisants.

Toujours à Margaux, mais avec une perspective légèrement différente, le Château Lascombes décrit un millésime « à la croisée des climats méditerranéen et atlantique ». Après un printemps et un début d’été secs et chauds, qui ont donné des baies petites et concentrées, quelques pluies bienvenues à la fin du mois d’août ont permis aux pellicules de parfaire leur maturité. Les vendanges, déclenchées elles aussi le 8 septembre, s’échelonnent sur plusieurs semaines pour cueillir cabernets sauvignon et petits verdots dans des conditions optimales. Le domaine compare déjà 2025 au millésime 2022, avec la même densité et la même précocité, mais une fraîcheur aromatique supplémentaire liée au climat plus tempéré de fin d’été.

Sur la rive droite

Le Château Valandraud, premier grand cru classé de Saint-Émilion témoigne également de conditions remarquables. Sylvine Bourel, responsable du développement, raconte : « 2025 se présente sous de bons auspices. Les blancs sont très homogènes, avec acidité et maturité parfaitement tenues. Nous avons enchaîné directement les merlots après les blancs, ce qui est exceptionnel avec un démarrage autour du 11 septembre, 3 à 4 jours plus précoces qu’en 2020 et 2022, un record pour nous. Les petites pluies juste avant les vendanges ont aidé à rééquilibrer la maturité. On observe de jolies acidités et, étonnamment, des degrés d’alcool pas si élevés que prévu pour une année aussi sèche et chaude. Les rendements seront moindres, mais la qualité est au rendez-vous. »

Sur le plateau calcaire de Saint-Émilion, Marie Lefévère, propriétaire des châteaux Sansonnet et Villemaurine, partage un même optimisme : « Nous sommes au plein cœur des vendanges, l’activité bat son plein et les journées s’enchaînent sans répit. Nous finissons de vendanger les merlots cette semaine. Le tri par densimétrie nous permet d’écarter les raisins les moins mûrs ou flétris par les fortes chaleurs de l’été. Les premiers jus dévoilent déjà une belle couleur dense et profonde. Les équilibres entre fraîcheur et alcool sont parfaits. Les cabernets francs et cabernets sauvignons suivront bientôt, et il faudra piloter les extractions avec précision. Mais 2025 sera sans aucun doute un très beau millésime. »

Même tonalité au château Grand Corbin Despagne, où François Despagne estime que : « C’est le profil d’un grand millésime de Bordeaux. Le profil pourrait se situer entre la puissance et l’exubérance du 2022 et la densité et l’équilibre du 2023. » Et pour Sylvie Cazes, présidente de l’Association des grands crus classés de Saint-Émilion : « Même si le point un peu délicat cette année ce sont clairement les rendements, autour de 25-30 hl/ha en moyenne, nous sommes sur un millésime qui présente un profil aromatique très intéressant. Il partage la densité et la profondeur du 2022, et la finesse et l’élégance du 2023. Pour l’instant, nous sommes très contents et attendons de finir de ramasser pour avoir une vision globale, mais il est clair qu’un très beau millésime s’annonce. »

Et du côté de Pessac-Léognan, les vignerons évoquent également la précocité, la fraîcheur et les faibles volumes comme les marqueurs d’un millésime 2025 prometteur.

« Cette vendange peut envoyer un signal positif »

Enfin, du côté de Bourg-sur-Gironde, la dimension économique s’invite dans le discours. Jean-Samuel Eynard, président de la Chambre départementale d’agriculture et viticulteur, y voit un enjeu d’image : « cette vendange prometteuse peut au moins envoyer un signal positif sur Bordeaux et réveiller l’intérêt des négociants et des importateurs. »

Dans une perspective plus globale, Jérôme Aguirre, directeur Œnologie & Vins Mouton Cadet – marque historique née sur la rive gauche, mais qui s’appuie aujourd’hui sur une large communauté de vignerons répartis sur l’ensemble du Bordelais – insiste lui aussi sur l’équilibre du millésime, malgré des volumes réduits : « Les sauvignons blancs ont été vendangés dès le 1er septembre, les sémillons la semaine suivante. […] La qualité des raisins est au rendez-vous, avec de très jolis arômes et de beaux équilibres. Les rosés récoltés début septembre offrent une belle fraîcheur aromatique. […] Pour les rouges, la diversité des profils selon les terroirs est remarquable, et les premières vinifications montrent un potentiel très intéressant. »

Ainsi, du Médoc à Saint-Émilion en passant par Bourg, Pessac-Léognan et jusqu’aux grands volumes de Mouton Cadet, les voix convergent : 2025 sera un millésime rare par sa précocité et ses conditions climatiques extrêmes, mais grand par sa qualité. Des vins denses, aromatiques, élégants et équilibrés se dessinent, capables de rivaliser avec les grandes années récentes.