Accueil Be Ranci, belle première pour les vins oxydatifs européens

Auteur

Anne-Sophie
Thérond

Date

20.06.2018

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Alors que Perpignan vient de décrocher le titre de Ville Européenne du Vin pour 2019, le salon Be Ranci, qui se déroulait lundi 11 juin, a réussi sa première réunion des Vins Oxydatifs Européens.

Be Ranci, le salon créé il y a 4 ans par les rancios secs du Roussillon, a invité ses voisins français et européens pour cette rencontre à Perpignan, le 11 juin. S’il existe des bars à vin, à bière, à whisky, saké, gin ou madère, le bar à vin oxydatif c’est une fois par an, à Perpignan, à 100 mètres du Centre du Monde. Ce fut une levée de voile sur l’oxydation pour les amateurs, l’occasion unique de déguster, côte à côte, des vins oxydatifs de France, d’Espagne et d’Italie. Ces vins rares à trouver renferment le plus précieux des ingrédients, le temps : des années, des dizaines d’années, et pour certains, en solera, hors du temps.

Bien organisée par une association de bénévoles passionnés, la journée donnait la primeur à la convivialité, avec une quarantaine d’exposants. Ce fut aussi une heureuse rencontre de vignerons qui ne se connaissaient pas et qui autour de la Méditerranée, travaillent tous, avec passion, ces vins si particuliers.

Rancio sec en Roussillon, de l’ombre à la lumière

Le rancio sec du Roussillon fait preuve d’une belle résilience. Ce vin oxydatif de raisins vendangés en surmaturité est gravé dans l’ADN du Roussillon. Toute famille vigneronne en produisait pour sa consommation personnelle, gardé en cave, en foudres, demi-muids, dames-jeannes. Ce vin, atypique autant qu’attachant, a failli disparaître au début du XXI° siècle. L’association Be Ranci a ranimé ce fleuron de la viticulture catalane, et avec le soutien de Slow Food, l’a tiré de l’ombre en 2011, obtenant l’IGP Côtes Catalanes avec mention rancio et l’IGP Côte Vermeille mention rancio. L’histoire est racontée dans le livre dirigé par Alain Pottier, « Les Rancio secs du Roussillon », publié en 2016 aux éditions Trabucaire. Aujourd’hui, plus d’une vingtaine de domaines en Roussillon en produisent et vendent à un cercle d’aficionado, prêts à attendre longtemps les flacons désirés.

Pour Philippe Bourrier, président du CIVR, « le rancio sec fait parti des produits emblématiques du Roussillon, et je salue l’association, qui a fait un grand travail pour obtenir une IGP. Ce salon, c’est une journée pour expliquer et raconter l’histoire de ce rancio sec. De plus, on voit que nous ne sommes pas seuls, jusqu’à l’étranger, on fait du vin oxydatif. Avec Perpignan Ville Européenne du Vin pour 2019, l’édition prochaine va aller plus loin, pour une présence, au delà d’un jour. Nous allons créer avec les chefs des Toques Blanches du Roussillon un menu autour des VDN… et faire de la place au rancio sec ».

Tous oxydatifs, tous différents !

L’impression forte de cette dégustation est une grande variété. Tous sont oxydatifs, aucun ne se ressemble : tranchés, plein de personnalité, sans mode ni modèle. C’est particulièrement rafraichissant, dans un monde du vin qui peut facilement tendre vers « le goût qu’attend le consommateur ».

Les rancio sec du Roussillon sont liés par le terroir, mais chacun prend ses options : grenache ou carignan ou autre, fût, tonneaux ou bonbonne en verre, parfois élevage sous voile, parfois solera. Parmi eux :

– Domaine des Schistes, à Estagel, cultivé en bio, grenache sur calcaire, en solera, onctueux, évocation de vieux spiritueux
– Cave Abée Rous, à Banyuls, le Matifoc, un grenache rouge, le rancio de la coopérative a la faveur des chefs de cuisine
– Domaine de Rombeau, à Rivesaltes, muscat petit grain et d’Alexandrie, qui offre en 2009, vivacité et fraicheur mentholée
– Domaine Ferre-Ribières, à Terrats, leur Sans Interdit, cultivé en biologique, du maccabeu de vieille vigne, passerillé, travaillé en solera, long et puissant
– Domaine Vial Magnères, à Banyuls, l’esprit de Bernard Saperas est perpétué dans le RanfioCino grenache blanc et gris sous voile, fin et floral et de RanfioSeco, rouge très oxydatif, salin et nappant
– Domaine de Rancy, à Latour de France : Brigitte Verdaguer a présidé 8 ans l’association qui a permis de sauvegarder le rancio sec en sentinelle de Slow Food, leur rancio sec existe en pur macabeu, fin et enrobant, et un singulier pur syrah de 2006, tonique et gourmand
– Domaine Le Rectorie à Banyuls, la Cuvée Pedro Soler, un grenache gris élevé en barrique à l’extérieur, en solera, intense, complexe et long
– Domaine de la Tourasse, à Port-Vendres, en biodynamie, Alain Potier, fait son Blanc de Méditerranée, grenache gris vinifié en barrique, en solera de 2012, pur, équilibré, avec une belle ampleur finale
– Domaine Joly-Ferriol, à Espira-de-l’Agly, font, en biodynamique et sans aucun intrant, Au Fil du Temps, macabeu et carignan, deux ans en dame-jeanne à l’extérieur, puis en solera, ample et complexe.

En invité français, le domaine Plageoles de Gaillac régalait avec sa verticale de mauzac sous voile. Fait avec constance et élégance depuis 1997, c’est une magnifique découverte, notamment un 2005 équilibré et sapide, que l’on verrait bien avec une tartine de truffe.

L’Espagne fait une parfaite démonstration sa maitrise des processus d’élevage, rodée au fil des siècles, par exemple, avec les vins sous voile du domaine Hidalgo de Jerez, El Tressillo, Le Panesa, Marquès de Rodil, structurés, puissants et ciselés, et ceux de la Bodega Robles, en Andalousie, en bio, avec Fino, l’Amontillado et l’Oloroso.

Tout finit sur des accords : ces vins sec oxydatifs font merveille sur des fromages vieux et affinés, anchois et jambon sec, avec la cuisine catalane de sauce et de civet, de terre et mer. Plus singulier, ils font un accord parfait avec les volutes des cigares ! André Serret, président des œnologues de France Languedoc-Roussillon, amateur de cigares, les recommande avec les rancios allant des plus jeunes au plus âgés.

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